Après des semaines d’intenses tractations les représentants des trois institutions européennes– Conseil, Parlement, Commission – ont abouti à un accord, le 3 octobre, concernant la nouvelle méthodologie antidumping de l’Union européenne (UE).
Étroitement liée à l’épineux dossier sur la reconnaissance du statut d’économie de marché à la Chine, cette législation élude le problème en mettant tous les membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) sur un pied d’égalité. Contrairement à la méthode de calcul actuellement en vigueur, celle-ci ne fera plus de distinction entre économie marchande et non marchande. Elle sera donc appliquée de façon « non discriminatoire » lorsque des distorsions de marché sont décelées. Et pour mieux les identifier, la Commission européenne sera chargée d’élaborer des rapports par pays et/ou par secteur afin d’analyser le fonctionnement des marchés et les éventuelles pratiques déloyales qui en découlent.
S. Cicu : « la nouvelle méthode protégera nos citoyens »
Les rapports serviront notamment à faciliter le lancement de plaintes par des entreprises européennes contre des importations soupçonnées être le fruit du dumping.
« Le Parlement n’a rien lâché », confiait au MOCI un fonctionnaire de l’institution rappelant le travail acharné de ses négociateurs pour durcir les propositions initiales jugées insuffisantes par les eurodéputés, tout groupe confondu. Antonio Tajani, le président du Parlement européen (PE), soutenu par les lobbys industriels européens, s’était lui même personnellement impliqué, menaçant de renvoyer le vote si aucun consensus raisonnable n’était trouvé. Et chose rare, le compromis obtenu semble satisfaire les principales familles politiques à droite comme à gauche de l’hémicycle.
« Je suis persuadé que la nouvelle méthode, relative aux pays qui présentent des distorsions importantes de l’économie, protègera nos citoyens des méfaits de la mondialisation », a déclaré Salvatore Cicu, le rapporteur issu du camp conservateur (PPE, Italie). Emmanuel Maurel, le négociateur des socialistes européens (S & D), a, quant à lui, salué un texte qui va « dans un sens favorable aux travailleurs et aux industries ». Même son de cloche au sein du très critique groupe des Verts.
Le respect des normes environnementales et sociales
« Pour la première fois dans une législation anti-dumping, les enjeux sociaux et environnementaux seront largement pris en compte. La Commission devra étudier de manière approfondie et précise les distorsions de concurrence liées à la non-ratification des accords multilatéraux sur l’environnement, avec un impact par exemple sur le coût de l’énergie ou sur le prix des matières premières », s’est félicité Yannick Jadot, vice-président de la Commission du commerce international (INTA) au PE.
Outre la prise en compte dans la fabrication du produit du respect des normes environnementales et de travail internationales, aucune charge de la preuve supplémentaire ne sera imposée aux entreprises de l’UE dans les affaires antidumping. Les PME recevront une aide pour faire face aux procédures et « toutes les parties impliquées, en particulier les syndicats », pourront « contribuer aux décisions relatives aux mesures de défense commerciale », précise un communiqué du Parlement.
L’accord devra être adopté le 12 octobre prochain par les membres de la Commission INTA avant d’être soumis au vote de tous les eurodéputés, lors de la prochaine session plénière, en novembre, à Strasbourg.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour prolonger :
– UE / Commerce : Juncker confirme les ambitions commerciales mais reste muet sur l’antidumping
– Commerce / UE : les eurodéputés veulent durcir les règles antidumping
– UE / Défense commerciale : vers une nouvelle méthodologie de calcul des droits anti-dumping
– UE / Commerce international : le PE se penche (enfin) sur la révision de l’arsenal de défense commerciale