Après la pandémie de Covid-19 et la guerre en Ukraine qui ont semé la pagaille dans les supply chain, les entreprises du monde entier sont en train de réévaluer leur sourcing pour affronter une reprise en dents de scie. La Chine « atelier du monde » perd de la vitesse au profit de l’Asie du Sud-Est, Vietnam en tête, selon une récente étude de KPMG réalisée en partenariat avec l’université malaise de Monash.
La politique zéro-Covid mise en place par Pékin au plus fort de la pandémie et les problèmes de logistique et d’approvisionnement qui ont suivi ont conforté les multinationales dans leur stratégie « Chine + 1 ». C’est ce qui ressort de l’enquête sur la redistribution des cartes dans le sourcing mondial, menée auprès de 132 entreprises, en majorité américaines et asiatiques, qui ont l’intention de changer de stratégie ou l’ont déjà fait sur la période 2018-2023. Au total, elles ont opéré 232 changements parmi les marchés qui les fournissent.
Premier constat : sur ces 232 mouvements de relocalisation, 71 % concernent l’Asie et 55 % plus précisément l’Asie du Sud-Est, Vietnam en tête avec 70 entreprises ayant relocalisé ou diversifié leur approvisionnement dans ce pays, suivi par Taiwan (24 entreprises) et la Thaïlande (20 %). De son côté, l’Inde en a accueilli 18.
Hors Asie, le grand gagnant est le Mexique, qui bénéficie de sa proximité avec le marché américain.
16 % des entreprises sondées ont procédé à des relocalisations
Chaque industrie a ses destinations privilégiées. Dans l’électronique, par exemple, les entreprises se tournent volontiers vers Taiwan, la Thaïlande, l’inde et le Mexique. En outre, en guise de stratégie « Chine + 1 » les analystes de KPMG constatent qu’il s’agit, à 44 %, de changements au bénéfice de plusieurs marchés, aucun pays ne pouvant rivaliser à lui seul avec la production chinoise.
Les déménagements d’usines existantes (53 %) sont plus fréquents que la création de nouveaux sites de production (31 %). Alors que le sujet a fait couler beaucoup d’encre des deux côtés de l’Atlantique, seuls 16 % des entreprises interrogées ont relocalisé leur production, en totalité ou en partie, afin de tirer partie des capacités de production existantes et de se rapprocher du consommateur final.
Parmi les raisons évoquées par les entreprises à ces changements dans le sourcing, l’augmentation des droits de douane n’en représente que 23 %, soit autant que l’incertitude créée par les facteurs géopolitiques.
Enfin, l’attractivité des pays d’Asie du Sud-Est tient beaucoup à l’intégration de ces marchés à celui de la Chine par le biais de politiques commerciales. En ce sens, l’Accord de partenariat économique global (RCEP), le plus grand accord de libre-échange au monde à ce jour, entré en vigueur le 1er janvier 2022, est un facteur clé.
Les pays d’Asie du Sud-Est avantagés par le RCEP
Les données douanières montrent qu’au premier trimestre 2023, les importations et les exportations de la Chine vers les pays de l’Asean ont atteint 1 350 milliards de yuans (202,2 milliards de dollars), soit une augmentation de 8,4 % d’une année sur l’autre, représentant 14,4 % du commerce extérieur total de la Chine. Au cours de cette période, les échanges entre la Chine et l’Asean ont représenté 47,2 % – soit près de la moitié – du commerce extérieur de la Chine.
Le RCEP a apporté de grands avantages aux entreprises notamment la réduction des coûts d’importation et l’augmentation des opportunités d’exportation après les baisses de droits de douane. Selon les termes de cet accord, plus de 90 % des marchandises des biens échangés dans la région deviendront à terme exempts de droits de douane afin de stimuler le commerce transfrontalier.
Mais les pays de l’Asean ne sont pas les seuls en Asie à bénéficier de ce bouleversement du sourcing mondial. Selon les analystes de KPMG, l’Inde est une destination en devenir en particulier pour les nouveaux sites de production.
Sophie Creusillet