A priori, rien ne laissait penser que le Val de Loire contribuerait à implanter la French Touch aux États-Unis. Force, d’ailleurs, est de constater que même si l’interprofession, Interloire, se réjouit du succès de ses blancs, le Val de Loire n’y représente que 1 % des importations de vins.
Cette part, certes réduite, doit, toutefois, être relativisée. A 70 %, les rouges, blancs ou rosés consommés outre-Atlantique sont des produits locaux. En réalité, les vins ligériens ont gagné leurs places sur les linéaires, chez les cavistes et les restaurateurs, et de façon spectaculaire s’agissant des blancs.
En dix ans, les exportations de vins de cette couleur en provenance du Val de Loire ont triplé en valeur (doublé en volume), passant de 26 millions à 67 millions d’euros l’an dernier. Avec de belles réussites, explique-t-on chez Interloire, comme les appellations d’origine protégée (AOP) Anjou-Saumur, Savennières et Touraine.
Une tendance à la prémiumisation
Premier blanc ligérien vendu au Canada, le muscadet est aussi très bien vu aux États-Unis. « Il fait l’objet de la considération de connaisseurs qui peuvent le commander même à 100 dollars pour des bouteilles de 20-25 ans », expliquait Arnaud Tronche, sommelier et propriétaire du restaurant Racines à New York, lors d’une conférence de presse, organisée le 12 février pendant le salon Wine Paris.
De façon générale, aux États-Unis, « il y a une tendance à la prémiumisation des produits, une montée en gamme qui a profité au Val de Loire », estimait Valérie Gérard, la directrice Trade Marketing Sopexa USA. Les producteurs seraient montés en qualité, vendant de moins en moins de vrac au profit de bouteilles. Les prix auraient suivi, ayant effectué un bond de 48 % en dix ans à l’export.
Une recherche de vins frais
Selon Arnaud Tronche, le goût des Américains commence à changer. « La tendance au vin surboisé est un peu passée, notamment en restauration ». Ce qui profite, renchérissait Valérie Gérard, à des « vins frais, moins alcoolisés », à base de sauvignon et de chenin.
Alors que la consommation de blancs ne cesse de grimper aux États-Unis (+ 35 % depuis 2005), ces deux cépages figurent toujours dans le Top 5 des plus recherchés. « Nous recherchons toujours l’équilibre sur le fruit, sur la fraîcheur, même quand il fait chaud chez nous », commentait Jean-Martin Dutour, président d’Interloire.
Après deux années de gel dans les vignobles (au total, 57 200 hectares, dont 11 % bio), le Val de Loire a retrouvé une production qui lui permettra de répondre à nouveau à une demande toujours croissante dans le monde.
Filliatreau est entré sur le marché par le rouge
En 2017 La filière a réalisé un chiffre d’affaires de 1,3 milliard d’euros, dont 21 % à l’export. Sa production l’an dernier a été estimée par Agreste* en novembre dernier à plus de trois millions d’hectolitres, dont 41 % de blancs tranquilles et 14 % d’effervescents, 24 % de rosés et 21 % de rouges. Les États-Unis représentaient le quart des volumes et 31 % de la valeur d’exportation en 2018.
Certains producteurs sont entrés par le rouge sur le marché de l’Oncle Sam. C’est le cas du Domaine Filliatreau et Château Fouquet, à Saumur, exposant au salon Wine Paris. « Nous vendons toujours plus de rouge que de blanc outre-Atlantique, avec des États qui montent bien comme l’Illinois et, bien sûr, New York, surtout pour le blanc », confiait au Moci Fredrik Filliatreau.
Dans les années 90, la maison saumuroise a rencontré à New York un agent spécialisé, Joe Dresner, « acteur du bio et des vins nature, possédant des relais dans de nombreux États », a relaté le vigneron français. Tous les ans, Joe Dresner organise pour ses clients internationaux un Wine Tour aux États-Unis, comportant la visite de plusieurs salons dans différentes villes ou États (Chicago, Portland, État de Washington, New York…), auxquels s’ajoutent des animations dans des restaurants.
L’importance des sommeliers et d’Instagram
D’après l’enquête Wine Trade Monitor, que publie chaque année Sopexa, le Val de Loire serait « la région promise à la plus forte croissance sur le segment des vins blancs aux États-Unis, devant les vignobles néo-zélandais de Marlborough et de Rueda en Espagne », indiquait Valérie Gérard.
Autre raison d’être optimiste, soulignait-elle. « Les Américains ne boivent plus seulement du vin pour des occasions spécifiques et plus seulement à New-York ou Los Angeles, mais au quotidien ». Le consommateur serait curieux et ouvert aux nouveaux produits.
« On boit un verre à midi, après le boulot à cinq heures avant de dîner. Les Américains sont de plus en plus connaisseurs et certains cépages comme le chenin sont de plus en plus demandés par les sommeliers. Leur rôle d’information auprès des consommateurs est plus important qu’en France, tout comme celui d’Instagram », racontait également Arnaud Tronche. Ainsi, son associée, Pascaline Lepeltier, est suivie par 21 500 instagrameurs. Meilleure ouvrière et meilleure sommelière de France en 2018, elle jouirait avec son hashtag #chenincheninchenin d’un véritable pouvoir d’influence et de promotion des vins ligériens.
Preuve du succès de cette région viticole française, c’est à Angers que se déroulera, du 1er au 3 juillet, le prochain Congrès international du chenin blanc. De son côté, comme la distribution numérique des vins ligériens reste faible aux États-Unis, Interloire va y organiser du 10 au 19 avril le Spring to Loire, un événement composé de rencontres, séminaires et dégustations pour attirer les sommeliers, les cavistes, détaillants et journalistes. Quatre villes ont ainsi été retenues : New York, Los Angeles, Chicago et Houston.
* Service de la statistique et de la prospective du ministère de l’Agriculture et de l’alimentation
François Pargny