L’agitation était palpable, la semaine passée, au sein du service de communication de Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce. Mais cette fois, ce n’était pas le projet de Partenariat transatlantique (TTIP) qui était à l’origine de cette nervosité inhabituelle. En cause ? L’annonce faite le 11 novembre, par l’exécutif européen, concernant le futur étiquetage des produits israéliens fabriqués dans les territoires palestiniens occupés.
Présentée par le vice-Président de la Commission, Valdis Dombrovskis – parmi d’autres décisions adoptées le jour même par le collège des Commissaires – elle est décrite comme purement « technique » et non politique. « Cette notice interprétative n’est pas une nouvelle législation ou une nouvelle politique. Elle clarifie certains éléments liés à l’interprétation et à la mise en oeuvre effective d’une législation européenne existante », souligne le haut responsable letton dans un jargon aussi technique qu’indigeste. Autre motif invoqué : ce « guide », à l’usage des Etats membres, vise aussi à laisser le libre choix aux consommateurs européens d’acheter, ou non, des produits fabriqués dans les colonies.
Des membres du cabinet de Cecilia Malmström – directement responsable de ce dossier – ont même pris la peine d’appeler certains journalistes pour rectifier des informations, selon eux « erronées », pourtant largement diffusés dans des agences de presse comme l’AFP ou Reuters. « Il s’agit simplement d’appliquer, à ces produits, la législation européenne existante en matière d’étiquetage », indiquait ainsi au Moci, une source haut placée à la Commission. En bref, la décision vise avant tout les fruits et légumes, le miel, l’huile d’olive ou le vin, autant de produits pour lesquels un étiquetage obligatoire est déjà requis au sein de l’UE.
Mais ces justifications « techniques » n’ont convaincu personne, surtout pas les membres du gouvernement de Benyamin Nétanyahou dont les réactions furent quasi immédiates et pour le moins virulentes. l’UE « devrait avoir honte », a déclaré le Premier ministre depuis Tel Aviv. Certains de ses proches ont même taxé la décision d’acte « antisémite ». Pour Emmanuel Nahshon, porte-parole au ministère des Affaires étrangères israélien, « c’est une initiative dont le but n’a absolument rien à voir avec le rôle de la Commission européenne. Nous estimons que c’est un acte de discrimination contre l’Etat d’Israël et nous le rejetons totalement ».
L’exécutif européen n’est évidemment pas à l’origine de cette décision. La demande, formulée par une quinzaine d’Etats membres, est dans les tuyaux depuis plusieurs années, et a été à maintes fois reportées. Pour des raisons politiques, bien sûr. L’impact de la mesure au niveau commercial est jugé minime par les responsables de l’exécutif européen. Selon eux, les produits issus des colonies israéliennes représentent moins de 1 % du total des échanges commerciaux entre l’UE et Israël, qui s’élevaient à 30 milliards d’euros en 2014. Côté israélien, ce pourcentage est estimé entre 2 % et 3 %.
« Nous n’avons pas d’indications chiffrées précises », confiait au Moci un proche de Cecilia Malmström, ajoutant que « les autorités israéliennes se sont toujours montrés peu collaboratives sur le sujet ». Ce qui inquiète le plus à Bruxelles, ce sont les conséquences éventuelles de cette décision sur les relations avec les Etats-Unis. Dans une missive adressée à Federica Mogherini – la chef de la diplomatie européenne – une semaine avant l’adoption de la mesure, une trentaine de sénateurs américains ont tenté de dissuader les Européens d’agir dans ce sens, laissant entendre qu’une telle initiative pourrait gripper les pourparlers de libre-échange en cours entre Bruxelles et Washington…
Kattalin Landaburu, à Bruxelles