Alors que l’article 50 du traité n’a pas encore été activé par Londres, la saga du ‘Brexit’ reste le sujet le plus commenté à Bruxelles. Dernier épisode ? La démission surprise, le 3 janvier dernier, de l’ambassadeur britannique auprès de l’UE. « Nous regrettons la perte d’un interlocuteur très professionnel, très bien informé, bien que pas toujours facile », avait alors commenté un porte-parole de la Commission, répondant aux très nombreuses questions des médias européens. Nommé en novembre 2013 par l’ancien Premier ministre David Cameron, Ivan Rogers aurait dû jouer un rôle de premier plan dans les négociations sur le ‘Brexit’ qui devraient débuter à la fin du mois de mars.
« Il y a très peu d’expérience sérieuse pour ce qui est des négociations multilatérales à Whitehall »
« Il n’est pas parti de son propre chef, il a été poussé à la démission », confiait à la Lettre confidentielle du Moci un diplomate au Conseil, évoquant la franchise de son homologue face à l’impréparation du gouvernement de Theresa May. Visiblement amer, Ivan Rogers a adressé, avant son départ, un long courriel au personnel de la représentation qu’il dirigeait depuis trois ans. « Il y a très peu d’expérience sérieuse pour ce qui est des négociations multilatérales à Whitehall », écrit-il, pointant du doigt l’écart qu’il a observé entre la préparation de Londres et celle des institutions européennes pour négocier le ‘Brexit’. « J’espère que vous continuerez à contrer les arguments infondés et les raisonnements confus et que vous n’aurez jamais peur de dire la vérité à ceux qui sont au pouvoir », ajoute-t-il dans sa missive, intégralement publié sur le site du Times, quelques heures seulement après la confirmation de sa démission.
Une franchise qui lui a coûté son poste à Bruxelles. Son profil trop pro-européen n’étaient pas du goût des partisans du ‘Brexit’ au sein du gouvernement britannique. Ses avertissements quant à l’absence d’une stratégie « crédible » lui aurait aussi valu de nombreuses critiques à Londres. Pour ce diplomate chevronné, le choix d’un ‘Brexit dur’ risque de « mener à la destruction des relations entre le Royaume-Uni et le reste de l’Europe, laissant notre pays sans rien au bout du processus », avait-il averti selon des sources citées par le site de la BBC.
Priorité au contrôle de l’immigration en provenance de l’UE
Le nouveau représentant permanent à Bruxelles, Tim Barrow, « allié proche de Theresa May et de Borris Johnson » aux yeux du journal Daily Telegraph, est quant à lui présenté comme un « optimiste », en « contraste flagrant » avec le « pessimisme » de son prédécesseur. Fort d’une solide expérience de l’Union européenne et de ses rouages, sa nomination soulève pourtant des inquiétudes tant à Bruxelles que de l’autre côté de la Manche, notamment dans les rangs du parti travailliste. « Il s’agit des négociations les plus importantes depuis des générations et il est inacceptable d’avoir ce niveau de préparation (…) à seulement 10 ou 11 semaines du déclenchement de l’article 50 », a déploré Keir Starmer, le Monsieur ‘Brexit’ au sein de l’opposition.
Des critiques récurrentes depuis l’entrée en jeux de Theresa May et de son nouveau gouvernement. La Première ministre qui dément avoir une idée « confuse » de la manière de procéder a promis dimanche 8 janvier de dévoiler dans « les prochaines semaines » sa stratégie pour sortir son pays de l’UE. Dans une interview accordée à la chaine Sky News, elle a par ailleurs laissé entendre qu’elle donnerait la priorité au contrôle de l’immigration en provenance de l’UE sur l’accès au marché unique européen, lors des négociations sur le ‘Brexit’.
« Nous pourrons avoir le contrôle de nos frontières, de nos lois… C’est ce pour quoi les gens ont voté le 23 juin (…). Mais bien sûr nous voulons toujours le meilleur accord possible pour nous, que nos compagnies puissent continuer à commercer avec et à l’intérieur de l’Union européenne et inversement », a-t-elle ajouté alors que pour Bruxelles et les autres capitales européennes l’accès au marché unique ne va pas sans la libre circulation des personnes.
En apparente position de faiblesse, Theresa May pourrait cependant bénéficier du soutien de la nouvelle administration de Donald Trump. Selon le Daily Mail, le Professeur Ted Malloch aurait été abordé pour devenir le futur ambassadeur des États-Unis auprès de l’UE. Actuellement installé aux Royaume-Uni, il a soutenu la campagne pour le ‘Brexit’, estimant que la sortie de l’UE était une « sage décision ». Selon lui, l’influence américaine devrait permettre aux Britanniques d’obtenir un meilleur accord avec les 27. Il estime enfin, que le Royaume-Uni pourrait passer « à la tête de la file d’attente », lorsqu’il s’agira de négocier un nouveau pacte commercial avec les États-Unis.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles