Emanation du logisticien européen Asendia, coentreprise de La Poste et Swiss Post, le spécialiste mondial des solutions de vente en ligne transfrontières Direct to Consumer (DTC), ESW, se renforce sur le marché français pour prendre des parts de marché chez les grandes marques. Il parie sur la vague du DTC, qui s’est accélérée à la faveur des confinements successifs dus à la crise sanitaire. Explication avec Patrick Bousquet-Chavanne, président et CEO d’ESW America (notre photo), et Jérôme Duclos, tout juste nommé directeur des ventes France.
ESW est l’acronyme de E Shop World, tout un programme. Créé en 2010 en Irlande par l’entrepreneur Tommy Kelly, avec, parmi ses premiers investisseurs, les deux logisticiens européens La Poste et Swiss Post, ESW développe une offre globale de solutions de e-commerce transfrontière en vente direct au consommateur. Sa cible : une clientèle de marques de la mode, du luxe, de la beauté et du bien-être, désireuses d’internationaliser leur e-commerce DTC tout en gardant le contrôle de leur stratégie et de leurs marges.
Si le siège est toujours à Dublin, la société a, depuis, pris son envol, en commençant par les États-Unis, où elle réalise encore aujourd’hui 60 % d’un chiffre d’affaires mondial qui atteint 1,2 milliard d’euros pour un effectif d’environ 600 personnes. Une véritable licorne irlandaise. ESW monte désormais en puissance en Europe, depuis trois ans, avec des implantations en Italie, au Royaume-Uni, au Portugal et bien sûr en France, « marché incontournable en Europe dans les domaines que nous visons », indique Patrick Bousquet-Chavanne, président et CEO d’ESW America, lors d’un entretien en visioconférence avec Le Moci.
La Poste et Swiss Post ont pris le contrôle du capital en mai 2021, alors que la vente en ligne DTC, domestique et transfrontière, a pris de l’ampleur partout dans le monde, à la faveur des confinements dus à la crise sanitaire. « La croissance du DTC a été extrêmement forte, confirme Patrick Bousquet-Chavanne. 80 % des millenium ont effectué au moins un achat en ligne transfrontière en 2020 et 2021, selon une étude de Mc Kinsey ». Des acteurs tricolores tels que Rossignol ou le groupe de luxe Kering, s’y mettent.
Le choix de l’hyperlocalisation
Chez ce prestataire a la culture très anglo-saxonne, « vendez global, sentez-vous local », n’est pas qu’un slogan, c’est une marque de fabrique : « dans notre écosystème, le premier élément est l’hyperlocalisation de la marque, que nous pouvons réaliser dans 200 pays dans le monde » explique Patrick Bousquet-Chavanne.
Et ce souci du détail « local » va loin, du design des sites et des catalogues à la présentation des informations légales et des formulaires de commandes, jusqu’à la logistique des livraisons et la gestion des retours. Tout est fait pour que l’acheteur se sente chez lui, « l’interface est localisée », « on s’adapte aux us et coutume des shoppers», résume Jérôme Duclos, fraîchement nommé directeur des ventes France, où il doit encore construire sa force de vente.
Les modes de paiement les plus populaires dans le pays, incluant le « cash on delivery » très courant dans les pays émergents, sont mis en avant grâce à un « système de gestion dynamique qui présente sur le site local le moyen de paiement le plus adapté pour le produit dans le pays ». Les prestataires de paiement auxquels sont confiés les acquisitions sont ceux qui sont connus localement. Un aspect clé pour améliorer les taux de conversion. « Il existe 70 modes de paiement différents dans le monde », rappelle Patrick Bousquet-Chavanne.
Dernier élément dans ce souci du détail, éviter toute mauvaise surprise au shopper : le prix qui s’affiche sur le site qu’il consulte est TTC, incluant droits de douane et autres taxes locales. « Il ne faut surtout pas surprendre le consommateur dans le processus final de la transaction », indique Patrick Bousquet-Chavanne, qui se félicite d’obtenir ainsi de meilleurs taux de conversion, jusqu’à « 4 % dans certains pays », et plus souvent autour de 2,5 %, un niveau jugé « excellent ».
ESW se positionne comme une alternative aux marketplaces
Selon lui, « dans tous les secteurs que nous visons, la priorité est au DTC, que ce soit les grands groupes ou des marques en forte croissance » et ESW estime arriver au bon moment pour leur offrir une alternative aux marketplaces (places de marché), « moins coûteuse » que celles-ci, avec une approche de co-développement, « partenarial » insiste le CEO America.
ESW se rémunère en effet sur les ventes de ses clients, il les choisit donc en fonction de leur potentiel commercial et prend ensuite à sa charge les aspects techniques tout en les accompagnant sur le choix et l’approche des marchés ainsi que les taux de conversion. Avec deux modèles au choix : une solution qui s’intègre dans le système existant, via des API, ou une solution globale qui permet de construire un nouveau site et englobe toute la chaîne de valeur. « On a des solutions simples qui permettent d’ouvrir un nouveau marché étranger en 6 à 12 semaines avec un modèle financier qui nécessite peu d’investissement en capital » assure Jérôme Duclos.
Patrick Bousquet-Chavanne reste discret sur la rémunération de ESW, et notamment le taux de commission prélevé sur les ventes. « Cela dépend des produits mais c’est très inférieur à ce que pratiquent les marketplaces » se contente-t-il d’affirmer. En revanche, le potentiel du marché français, avec de nombreuses marques dont les sites de e-commerce son peu ou pas internationalisé, est loin d’être négligeable à ses yeux : alors que l’objectif du groupe est de tripler son chiffre d’affaires mondial dans les 4 à 5 prochaines années, à 5 milliards d’euros, « il y a un potentiel pour atteindre 100 millions d’euros », estime le dirigeant. « L’appétence est là », conclut le dirigeant.
Christine Gilguy