Diplomatie économique : comment la DG Trésor tente de reprendre la main

En janvier prochain, « le 24 ou le 25 », selon un opérateur du commerce international, Ramon Fernandez, le directeur général du Trésor, devrait ouvrir la première réunion d’un Comité stratégique. Contacté par la Lettre
confidentielle, des responsables en poste dans plusieurs Services économiques (SE) se félicitent de cette initiative, qui « pourrait les replacer au centre du jeu, en leur donnant un rôle de coordination économique que nous n’avons plus, explique l’un deux, depuis que l’accompagnement des entreprises a été confiée à Ubifrance ».

Un comité stratégique pour reprendre la main en matière de politique du commerce extérieur à l’étranger ? Il pourrait en tout cas y prendre sa part. Créée dans le cadre du Plan stratégique pour les Services économiques 2013-2018 arrêté par Bercy le 12 août dernier, cette structure doit rassembler une fois par an tous les acteurs du commerce international (ministères, Afii, Uccife, Ubifrance, CNCCEF, Medef…) pour dégager les grandes orientations du réseau et les actions économiques à l’étranger. Une autre structure, le Comité exécutif, inaugurée la semaine dernière, doit être convoquée tous les mois pour déterminer les priorités d’action du réseau, de la Direction générale du trésor (DGT) et de ses partenaires économiques.

Cette nouvelle organisation intervient dans un contexte de friction persistante entre Bercy et le ministère des Affaires étrangères (MAE). La diplomatie économique, développée par le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, n’a rien arrangé. L’ancien Premier ministre a, notamment, exigé des ambassadeurs qu’ils jouent un rôle économique actif. D’où la constitution autour de l’ambassadeur d’un Conseil économique, «pôle de diplomatie économique » rassemblant une quinzaine de membres de divers horizons : cadres et dirigeants d’entreprise (grands groupes mais aussi PME et ETI), conseillers du commerce extérieur, économistes, chercheurs. « Mais c’est lui ou c’est nous ? Qui a l’expertise, la connaissance et la disponibilité », s’interroge le chef d’un Service économique.

Laurent Fabius  a demandé des plans de résorption du déficit commercial à 18 ambassadeurs

L’incompréhension, la méfiance, les rivalités ont été exacerbées par les multiples offensives du MAE depuis la nomination de Laurent Fabius. Après la création d’une Direction générale des entreprises et de l’économie internationale (DEEI) au sein du MAE, ce fut la nomination d’ambassadeurs spéciaux en France et à l’étranger.

Il y a un mois, le ministre a adressé une lettre aux ambassadeurs des 18 pays avec lesquels la France a les plus forts déficits commerciaux, intimant à ceux-ci la mise en place de plans d’action stratégique pour remédier à cette situation et empiétant ainsi sur les prérogatives de sa collègue en charge du Commerce extérieur, Nicole Bricq. « Je me mets à la place de mes collègues auxquels tous les ministères envoient des demandes continuelles et redondantes, sans souci de leur travail sur le terrain », confie un conseiller commercial, un peu dépité.

L’exaspération pourrait atteindre son comble, si la Cour des Comptes – saisie par le Quai d’Orsay, dit-on à Bercy – confirmait dans les prochaines semaines les allégations du MAE, qui avance que, pour réaliser des économies, la meilleure solution est le transfert du volet du commerce extérieur au Quai d’Orsay. « Les Affaires étrangères veulent récupérer notre expertise », s’insurge un conseiller économique.

D’où l’importance du plan stratégique de la Direction générale du trésor. Pourtant, il n’est pas dit que les nouvelles structures, Comité stratégique et Comité exécutif créés par la DGT, fonctionnent. Visiblement à Bercy, on craint « l’homme fort du gouvernement » qu’est Laurent Fabius. Et, en l’occurrence, « le MAE pourrait torpiller l’opération du Trésor », s’inquiète-t-on encore dans un SE.

François Pargny