« Si Shanghai tousse durablement, c’est tout le petit monde de la ligne maritime conteneurisé qui risque de prendre froid » prédisait Upply début avril dans son baromètre mensuel du transport conteneurisé. Il ne croyait pas si bien dire. Le regain pandémique frappe de plein fouet la Chine, impactant non seulement les supply chains mondiales, mais aussi son économie et par ricochet, ses partenaires commerciaux. La France pourrait perdre 1 milliard de dollars d’exportation vers la Chine cette année.
Mis à jour le 27/04/2022
Combien cela va-t-il durer ? Cette interrogation est dans toutes les têtes depuis que les autorités chinoises, fidèle à leur politique « Zéro Covid », ont décidé de confiner Shanghai, mégalopole de plus de 27 millions d’habitants, et plusieurs dizaines d’autres villes chinoises, pour tenter d’endiguer la nouvelle vague pandémique liée au variant Omicron qui se répand dans le nord du pays. Et bientôt Pékin, la capitale chinoise ?
Un coup dur pour la Chine et le reste du monde, alors que la congestion portuaire commençait à se détendre en Europe et que les prix du fret tendaient à se stabiliser.
Le choc sur les transports est immense. D’après une statistique de la société Winward, citée par le Journal de la Marine Marchande, huit jours après le confinement de Shanghai, soit le 13 avril, 1826 porte-conteneurs attendaient au large des ports du monde entier, soit 20 % de tous les porte-conteneurs à l’échelle mondiale. « Un porte-conteneur sur cinq en attente », titrait l’hebdo le 20 avril. 470 porte-conteneurs bloqués ont été comptabilisés en mars au large des côtes chinoises, 506 en avril…
À Shanghai, les mouvements de camions, dont les files s’allongent aux abords de la mégalopole, seraient tombés à peine 15 % de leur niveau habituel. « Les autorités annoncent certes des mesures pour relancer les industries, mais les règles à suivre sont draconiennes, prévient le transitaire digital Ovrsea dans sa dernière newsletter Le Chargeur datée du 20 avril. « Les usines Tesla ou SAIC pourraient toutefois reprendre leur production cette semaine ».
Déjà plus de 45 villes, dont des centres industriels tels que Guangzhou, Kunshan, Dalian, Tianjin ou encore Ningbo, Xiamen et Dongguan, sont concernées par des confinements, alors que Nanjing, plus grand port intérieur du monde, est également presque à l’arrêt, signale encore Ovrsea.
Et aucun salut n’est à attendre des voies aériennes : le trafic a chuté drastiquement dans les aéroports, notamment celui de Shanghai Pudong, qui ne fonctionnerait qu’à 50 % de ses capacités. Et Hong Kong, porte d’entrée vers Shenzhen (qui n’a été confinée qu’une semaine en mars), tourne encore au ralenti.
Cette nouvelle vague de confinement liée à la Covid-19 a d’ores et déjà un impact sur le fonctionnement des supply chain mondiales, avec des retards de livraison et des suppressions d’escales, et pourrait donner lieu à une nouvelle flambée des taux de fret si la situation perdure. D’après des données récentes de Project 44, les retards atteignent 11-12 jours depuis Shanghai vers les ports européens de Rotterdam et Hambourg, et jusqu’à 16 jours sur la liaison entre Shenzhen et ce dernier.
A l’exportation, la France moins exposée que l’Allemagne
Mais la Chine est aussi un poumon de l’économie mondiale via son marché d’importation et cette mise sous cloche d’une partie de son économie pour une durée indéterminée commence à inquiéter les conjoncturistes.
Allianz Trade vient de revoir à la baisse ses prévisions de croissance économique pour la Chine en 2022 de +4,9% à +4,6% (après +8,1% en 2021). Or, « le ralentissement économique chinois exerce une pression sur le commerce mondial par le biais des canaux de la demande, de l’offre et de la logistique » souligne l’assureur-crédit dans une étude sur l’impact économique de la politique chinoise du « Zéro Covid »*.
Pour les exportateurs du monde entier, cela pourrait se traduire par une perte de 140 milliards de dollars (Md USD) d’exportations mondiales, perte qui pourrait atteindre « 185 milliards de dollars si notre scénario baissier se matérialisait, voire 345 milliards de dollars dans le pire des cas » avertit Allianz Trade.
Un coup dur cette fois-ci pour les partenaires commerciaux de la Chine. Car cette perte s’ajoute à celle qu’a d’ores et déjà entraîné la guerre en Ukraine et l’avalanche de sanctions qui s’est abattue sur la Russie : -480 Md d’exportations vers la Russie et la zone Euro vont manquer cette année, selon l’assureur-crédit.
Qui seront les pays fournisseurs de la Chine les plus affectés ?
D’après l’étude d’Allianz Trade, les cinq plus exposés sont Hong Kong, les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud et l’Allemagne, avec des niveaux de perte d’exportation allant de -24 Md USD (Hong Kong) à -9 Md USD (Allemagne).
La France est 15ème pays le plus exposé via ce canal des exportations, avec un enjeu d’environ 1 Md EUR, derrière l’Indonésie et devant la Thaïlande.
Et pour ne rien arranger, ces estimations pourraient être révisées à la hausse si le confinement chinois venait à perdurer trop longtemps…
Christine Gilguy
*The cost of the zero-Covid policy for China and the world, Allianz trade, 20 avril 2022