La nouvelle feuille de route souhaitée par Laurent Fabius pour l’Agence française de développement (AFD) aurait ravi sa collègue Nicole Bricq, pour une fois franchement sur la même longueur d’onde, car elle rejoint les différents axes qu’elle a demandés à l’agence de prendre en compte dans le cadre de son nouveau contrat d’objectifs et de moyens 2014-2016.
Laurent Fabius a détaillé cette feuille de route lors d’un discours prononcé le 7 janvier, à l’ouverture des « Journées du réseau » de l’agence publique, bras financier du gouvernement en matière d’aide au développement*. Elle laisse une part importante au rôle que doit jouer, selon lui, cette agence publique dans la diplomatie économique et au soutien plus franc qu’elle doit apporter à l’offre française dans le cadre des projets qu’elle finance à l’étranger.
Un séminaire AFD/entreprises d’ici avril
Alors que le ministère de l’Économie et des finances à la co-tutelle de l’AFD avec le Quai d’Orsay, la ministre du Commerce extérieur a pour sa part écrit le 13 janvier à Anne Paugam, directrice générale de l’AFD, un courrier que son homologue du quai d’Orsay n’aurait pas renié selon des informations obtenues par la Lettre confidentielle.
Nicole Bricq y évoque notamment les points de vue d’entreprises françaises l’accompagnant dans ses déplacements, « très critiques à l’encontre du retour sur l’économie française de notre politique d’aide au développement ». Tout en reconnaissant que ce taux de retour est globalement comparable à ceux enregistrés par d’autres pays pourvoyeurs d’aides, tels que l’Allemagne ou le Japon, la ministre pointe qu’il serait inférieur à 1 % en volume en moyenne en Chine, Inde et Brésil sur la période 2006-2012.
La ministre, dont les propos semblent peser, écrit qu’il « convient d’être plus affirmatif en faveur d’une AFD également bénéfique pour les entreprises françaises ». Elle demande à la directrice générale de l’agence de prendre en compte 4 axes pour l’élaboration du document stratégique « sur une meilleure prise en compte des intérêts économiques français » qu’Anne Paugam devait présenter à son conseil d’administration :
-Premier axe : un renforcement de « l’expertise » de l’AFD sur le tissu économique français et « ses liens avec les entreprises françaises », saluant au passage la création du Fonds d’expertise FEXT. Elle suggère par ailleurs « l’organisation d’un séminaire d’ici avril » et l’établissement « d’une instance pérenne de concertation entre l’AFD et les entreprises ».
-Deuxième axe : une réflexion sur « la nature » de ses financements dans les pays émergents, estimant que « les secteurs dans lesquels une offre française est positionnée et répondant à la stratégie de développement des pays récipiendaires de l’aide » devraient être favorisés.
-Troisième axe : une intégration de la promotion « des intérêts économiques » de la France dans la politique de développement. Elle propose notamment la création d’un « nouvel indicateur qui apprécie la part des financements de l’AFD donnant lieu à appels d’offres internationaux et pour lesquels au moins une entreprise française (sourçant en France) aura concouru ». La ministre suggère que l’objectif soit de deux tiers.
-Quatrième axe : l’établissement d’un « environnement concurrentiel équitable » pour les entreprises françaises. Concrètement la ministre demande que l’AFD renforce les « exigences environnementales et sociales » dans les dossiers d’appels d’offres et contribue à la réflexion sur une meilleure « réciprocité » de l’accès aux financements, notamment avec les entreprises des pays non membres de l’OCDE qui ne pratiquent pas l’aide déliée (l’aide déliée est un principe des pays membres de l’OCDE, dont la France fait partie).
Autant de pistes qui rejoignent celles tracées par le ministre des Affaires étrangères le 7 janvier. Sur ce dossier, Nicole Bricq est « sur la ligne de Fabius », nous a-t-on confirmé dans l’entourage de la ministre.
C. G.
*Lire, dans la Lettre confidentielle n° 86 du 30 janvier : AFD : le nouveau cap fixé par Laurent Fabius met au premier plan le soutien de l’offre française