Sous l’impulsion de l’Adeci, association basée à Marseille, le compagnonnage industriel s’est développé rapidement dans le bassin méditerranéen. Il s’agit d’un partenariat industriel entre entreprises du Nord et du Sud opérant dans le même secteur d’activité. Son ambition : devenir un réseau euro-méditerranéen avec des connexions Sud-Sud et Sud-Nord.
« Le compagnonnage industriel, c’est l’avenir de la coopération entre les PME des deux rives », martèle Jean-Claude Sitbon, directeur de l’Adeci (Association pour le développement de la coopération industrielle internationale). Le compagnonnage industriel est né de façon décentralisée grâce à des opérateurs soutenus
par les régions. Ces derniers s’appuient sur leur pratique de terrain. Au premier rang d’entre eux, l’Adeci.
Cette association marseillaise fondée par Jean-Claude Sitbon a été portée sur les fonds baptismaux par le Conseil régional Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) en 1980. Son objectif : « Rapprocher, accompagner sur le terrain et conseiller les entreprises régionales qui souhaitent développer des actions de partenariat industriel avec des entreprises du bassin méditerranéen ». Elle compte aujourd’hui 200 entreprises et 250 binômes Nord-Sud d’entreprises ont vu le jour depuis 1996.
« Il existe dans l’approche du compagnonnage industriel – les témoignages des entreprises le démontrent –, une part d’ouverture, de générosité, de volonté de co-développement. Mais il s’agit aussi et d’abord d’une politique réaliste, d’une stratégie de développement des marchés, ceux d’aujourd’hui et ceux du futur, souligne le directeur de l’Adeci. Le compagnonnage industriel est avant tout un état d’esprit qui permet aux structures comme les nôtres de trouver une alchimie dans la recherche d’efficacité des partenaires. La PME était un des acteurs mal-aimés de ces programmes de partenariat. Ce n’est plus le cas avec le compagnonnage industriel. »
Et de citer l’exemple de cette PME française venue comme expert dans une menuiserie du Bénin pour diagnostiquer l’outil et effectuer des recommandations techniques. Et qui, à force de dialogue entre personnes du même métier, a trouvé des complémentarités et engagé un partenariat. Voici deux ans, le compagnonnage industriel a été retenu comme initiative par Invest in Med, un programme financé à 75 % par l’Union européenne pour « développer durablement les relations d’affaires, les investissements et les partenariats d’entreprises entre les deux rives de la Méditerranée ». Ce programme est piloté par le consortium MedAlliance mené par Anima Investment Network, association réunissant 70 agences gouvernementales et réseaux internationaux du pourtour de la Méditerranée. « L’idée désormais est que nos partenaires européens s’approprient notre concept », souligne Jean-Claude Sitbon.
L’implication du programme Invest in Med vient booster le compagnonnage industriel. Le dispositif permet en effet de financer le déplacement et les frais de séjour au Sud d’une mission effectuée par l’entrepreneur français auprès de l’entreprise du Sud. Ainsi, par exemple, en novembre 2008, une mission de l’Adeci a pu se rendre en Tunisie avec dix entreprises. Au menu, rencontres B-to-B et rencontres in situ dans les sociétés locales.
Cette implication européenne est l’aboutissement d’un long chemin. En 1992, l’Adeci prend l’initiative de créer le réseau Entreprises et Développement dont son directeur prend la présidence. National, il réunit alors plusieurs structures régionales françaises (Adeci Paca, ARD Nord-Pas-de-Calais, Interco Aquitaine, Ipad Rouen, Ircod Champagne-Ardenne, Ircod Alsace et Loire-Atlantique Coopération) ayant pour dénominateur commun à la fois d’être proches du tissu régional des PME-PMI et de travailler dans le cadre de la coopération Nord-Sud.
Le 19 mai 1994, le réseau Entreprises et Développement présente au Centre de conférences international à Paris le « Livre blanc du compagnonnage industriel ». À l’intérieur de cet ouvrage, parrainé par le ministère français des Affaires étrangères et le ministère de la Coopération et du Développement, figure le carnet de route du compagnonnage industriel avec 100 projets de partenariats industriels pour l’Afrique et la Méditerranée.
L’année suivante, c’est la validation officielle de la démarche avec la constitution d’un groupe de travail constitué de quatre ministères français (Affaires étrangères, Coopération, Industrie et Agriculture), de la Caisse française de développement et du Centre pour le développement de l’industrie de Bruxelles.
Ce groupe met en place le programme expérimental « 100 projets de partenariat industriel avec l’Afrique et la Méditerranée » confié à Entreprises et Développement. Un véritable acte de naissance de cette notion.
Depuis 1996, le compagnonnage industriel a connu différents programmes (1996-1998, 2001-2005, 2008-2010).
« Nous avons ainsi pu constituer près de 250 binômes Nord-Sud d’entreprises de même métier sur cette
période, soit 500 entreprises mises en relation en Afrique du Nord, en Afrique subsaharienne et en France », souligne Jean-Claude Sitbon.
La prochaine étape, d’ici un ou deux ans, sera de transposer le compagnonnage industriel dans les relations Sud-Sud et de favoriser l’éclosion d’initiatives dans les pays du Sud de la Méditerranée. Que ce soient les chefs d’entreprise ou institutions de l’autre rive de grande bleue qui prennent les initiatives. « Je voudrais que ces projets ne soient plus portés par l’Adeci, mais qu’on nous demande de devenir partenaires », souhaite Jean-Claude Sitbon. Tout ceci pourrait mener à la création d’un véritable réseau euro-méditerranéen du compagnonnage industriel dont les prémices ont vu le jour avec la ratification en 2009 d’une charte. Outil indispensable pour s’en donner les moyens.
Figurent au rang des signataires le World Trade Center d’Alger, la Chambre tuniso-française de commerce et d’industrie (CTFCI), l’Adeci, le Groupement des Euro Infos Centres de Wallonie et de Belgique ainsi que la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). Ce n’est qu’un début.
150 projets en préparation
L’Adeci pilote l’élaboration d’un catalogue de 150 projets de partenariat industriel en provenance d’entreprises dûment sélectionnées, localisées dans les pays suivants : Algérie, Maroc, Tunisie, Égypte, Liban, Belgique et France. Ce catalogue de projets de partenariat à caractère commercial, technologique et financier, sera promu sur un site web dédié et servira notamment de base à l’organisation d’une rencontre entre entreprises des pays concernés qui se tiendra, en 2010, dans un des pays méditerranéens partenaire de l’opération. Les secteurs retenus sont l’environnement et les énergies.
F. D.