Pour le vignoble bordelais (111 400 hectares), 2008 n’aura pas été une grande année. Si le chiffre d’affaires global a cru de 4 % pour dépasser la barre des 4 milliards d’euros, les volumes de vin commercialisé ont diminué de 4 % à 4,7 millions d’hectolitres (hl). En recul de 14 % en volume à 1,9 million hl, les exportations ont également gagné 3 % à près de 2,1 milliards d’euros, dont 71 % hors Union européenne (Hong Kong, Chine, États-Unis…).
C’est donc un résultat en demi-teinte. La cause en serait la petite récolte du millésime 2017, 3,5 millions hl – à comparer à une bonne année, 5,6 millions hl. L’impact aurait ainsi été réel sur les disponibilités, les prix et la commercialisation.
B. Farges : « Le millésime 2018 est très bon »
Due à un gel tardif, la faiblesse de la récolte continue à peser sur les ventes de l’année en cours, mais la récolte 2018 qui s’annonce à 5 millions hl et devrait être commercialisée dans les semaines à venir permettra de redresser la situation, affirmaient Allan Sichel et Bernard Farges, président et vice-président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), qui présentaient le bilan 2018, le 12 mars à Paris.
« Le millésime 2018 est très bon. Aux États-Unis en particulier, le millésime est très important », expliquait Bernard Farges, qui est persuadé que les exportations vont croître cette année et que certains marchés seront reconquis.
Reste que pour éviter les déboires de 2018, le CIVB a décidé de réagir. Des groupes de travail vont être constitués, de façon à se projeter et anticiper sur les aléas climatiques et de production. « Le but sera d’y fixer des objectifs de commercialisation par pays sur six mois, ce qui devrait nous permettre ensuite, en fonction des appellations, de gérer nos stocks », expliquait Bernard Farges.
Deux marchés en recul : France et Chine
L’an dernier, deux grands marchés ont ralenti l’activité : la France, premier marché en volume (56 %) et en valeur (48 %), avec – 12 % en volume et – 7 % en valeur ; et la Chine, premier débouché extérieur en volume (436 000 hl) et deuxième en valeur (311 millions d’euros) derrière Hong Kong (327 millions d’euros), avec – 31 % en volume et – 22 % en valeur.
« Sur les douze autres destinations principales du bordeaux, nous progressons, même si nous subissons une érosion en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas. En particulier, nous restons stables sur deux marchés majeurs : le Royaume-Uni et les États-Unis », se félicitait Allan Sichel.
En Chine, les importations globales de vins tranquilles (hors effervescents) ont régressé de 9 %, dans un contexte de ralentissement économique et de guerre commerciale avec les États-Unis. En outre, la France y est confrontée à la concurrence de deux pays, liés par des accords de libre-échange au géant asiatique, le Chili et l’Australie, qui livrent du vrac. Une partie de ce vin serait vendue, ensuite, au consommateur sous étiquette chinoise.
Avec un faible millésime 2017, bordeaux a dû sacrifier les prix bas en même temps que ces deux compétiteurs affirmaient leur position sur ce segment. Une situation qui justifierait à posteriori la stratégie du CIVB qui prône sur tous les marchés l’abandon des produits à bas prix pour se situer dans ce qu’il appelle le cœur de gamme, c’est-à-dire entre 5 et 15 euros la bouteille au consommateur final.
A. Sichel : « laissons Australiens et Chiliens développer le marché de masse »
« Nous voulons créer la différenciation, expliquait Allan Sichel. Donc en Chine, nous ne voulons pas être sur le même niveau de prix. Bordeaux, c’est le milieu de gamme. Laissons Australiens et Chiliens développer le marché de masse, ce qui est bien pour l’essor de la consommation en général. A nous de travailler sur l’identité et surtout l’attractivité de nos vins en communiquant dans les réseaux sociaux sur la qualité de nos produits, leur valeur culturelle et en jouant sur l’image de la France ». Pour autant, reconnaissait le président du CIVB, « c’est un jeu fin, car on ne veut pas être perçu comme élitiste ». En 2018, le Chili et l’Australie auraient été les seuls pays dont les exportations ont progressé en Chine.
Le recul de bordeaux dans ce pays, après « une année extraordinaire », relativisait Bernard Farges, serait « conjoncturel », selon Allan Sichel, qui, s’il remarquait qu’il n’y avait pas à l’heure actuelle « de visibilité sur un retournement de la situation », percevait quand même « quelques frémissements » favorables. Il n’y aurait donc « pas réellement d’inquiétude » et on prévoirait déjà d’ici la fin de l’année une augmentation notable des exportations en Chine.
Ce débouché ne peut, de toute façon, être négligé, si l’on considère les écarts de consommation entre la Chine – 5 litres par personne – et les marché mâtures – 25 litres – et encore plus la France – 45 litres. Les perspectives de croissance du marché sont donc considérables.
États-Unis, Royaume-Uni : une bonne performance
S’agissant des États-Unis, si bordeaux a stagné en volume, il a gagné 21 % en valeur à 279 millions d’euros. « Alors que ce pays a réduit ses importations globales de vin tranquille, nous y avons gagné des parts de marché. Pour autant, nous y restons sous-représentés, ce qui nous oblige à y pousser notre effort de communication », soulignait Allan Sichel.
C’est ainsi que, pour la première fois, le CIVB et l’Institut des vins allemand (DWI), dans le cadre d’un programme européen de trois ans, vont mener des actions de promotion communes auprès des influenceurs du commerce et des médias dans une série d’États : Californie, Oregon, Nevada, Caroline du Sud, Floride, Géorgie.
Quant au Royaume-Uni, au CIVB, on considère que malgré les circonstances défavorables liées au Brexit, la performance de l’Hexagone a été bonne en 2018. Les exportations y ont été stables en volume et en hausse de 15 % en valeur à 225 millions d’euros.
« L’état d’esprit est positif, mais plus la date avance, plus je m’inquiète », confiait le président du CIVB, qui s’est, toutefois, montré confiant dans la capacité des producteurs et négociants bordelais à s’adapter à une nouvelle donne. « Nous avons l’habitude du grand export ». C’est pourquoi, selon lui, il faudra juste « un peu de temps pour s’organiser ».
François Pargny