C’est à une écrasante majorité – 544 voix pour, 78 voix contre et 21 abstentions – que les eurodéputés ont voté, le 2 février, en faveur de règles visant à protéger les producteurs européens de bananes potentiellement menacés par l’accord de libre-échange entre l’Union européenne (UE) d’une part, et trois pays andins que sont le Pérou, la Colombie et l’Équateur d’autre part. Mais c’est essentiellement l’Équateur, premier exportateur de bananes dans le monde, qui est visé par les mesures adoptées en plénière la semaine passée.
Après s’être d’abord désengagé des pourparlers, l’Équateur avait rejoint tardivement l’accord. Conclu à Bruxelles à la mi-novembre 2016, entre Rafael Correa, le président équatorien, et Cecilia Malmström, la commissaire européenne en charge du Commerce, il est finalement entré en vigueur le 1er janvier dernier.
Ouvertement reconnu comme un accord asymétrique « conçu pour répondre aux besoins de développement de l’Équateur », comme le souligne un communiqué de la Commission européenne, le pacte commercial menace cependant le secteur européen de la banane dont dépendent 37 000 emplois, en particulier dans les régions ultrapériphériques de l’UE comme la Martinique et la Guadeloupe (France), les Canaries (Espagne), les Açores (Portugal), la Grèce et Chypre.
Nouveau mécanisme de stabilisation et système d’alerte précoce
Les règles adoptées par le Parlement prévoient plusieurs garde-fous : d’abord un mécanisme de stabilisation pour le commerce des bananes, qui permet la suspension de l’accès préférentiel au delà d’un certain seuil annuel ; il met aussi en place un système d’alerte précoce qui doit se déclencher lorsque les volumes d’importation atteindront 80% de ce seuil. La Commission sera dès lors tenue de prévenir le Parlement et le Conseil. Les producteurs de bananes pourront également, au même titre que les États membres, participer au suivi des évolutions dans le secteur.
« Désormais, ils seront non seulement mieux informés mais ils seront aussi davantage impliqués dans le suivi de l’évolution du marché. (…) La Commission aura également l’obligation légale d’agir en cas de dépassement », s’est félicité Marielle de Sarnez, eurodéputée française du groupe des Libéraux et Démocrates (ALDE). Rapporteur sur le texte, elle rappelle que l’exécutif européen s’est engagé à évaluer la situation des producteurs de bananes de l’Union au plus tard le 1er janvier 2019. « Si une détérioration importante de l’état du marché ou de la situation des producteurs de bananes de l’Union se produisait, une prorogation de la durée de validité du mécanisme peut être envisagée avec l’assentiment des parties sur l’Accord ».
Une avancée dont s’est également réjoui Gabriel Mato, originaire des Canaries et membre du groupe conservateur majoritaire au sein de l’hémicycle (PPE). « Si le secteur européen des bananes reste menacé, le travail accompli au cours de ces derniers mois a permis d’améliorer les perspectives de nos producteurs ». Depuis 2013 un mécanisme de stabilisation avait déjà été mis en place avec le Pérou et la Colombie, mais les eurodéputés ont à plusieurs reprises dénoncés les échanges d’informations entre la Commission et le Parlement jugés « peu satisfaisants ». « En définitive, je pense que c’est un bon accord pour nos producteurs et un bon accord pour nos régions ultrapériphériques », conclut Marielle de Sarnez.
Une analyse évidemment partagée par Cecilia Malmström, la commissaire au Commerce, qui a négocié l’accord au nom des 28. Outre la suppression des droits de douane sur tous les produits industriels et de la pêche, la libérale suédoise a rappelé que le pacte global permettra un accès élargi au marché pour les produits agricoles, les marchés publics et les services tout en « réduisant les obstacles techniques au commerce ». A terme, une fois qu’elle sera totalement opérationnelle, cette entente commerciale permettra d’économiser 206 millions d’euros par an en droits de douane du côté des exportateurs de l’UE, et plus de 240 millions d’euros du côté des exportateurs équatoriens. Un accord jugé «gagnant-gagnant» par les deux parties.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles