Les fuites de carburant, sur avion civil ou militaire, s’avèrent complexes à détecter et à réparer.
Avant que Sunaero ne débarque avec ses mallettes « miracles », il fallait compter de trois jours à plusieurs
semaines d’immobilisation de l’appareil. D’où problème stratégique et économique : un avion de type A320 coûte
120 000 euros par jour. Les mallettes de Sunaero font le job en huitheures maximum. Elles recèlent un concentré de plusieurs technologies dont deux complètement innovantes : la détection des fuites par gaz traceurs et une accélération de la polymérisation des mastics.
Bruno Comoglio est l’ingénieur « génie » de la catalyse, qui a mis au point cette technologie de polymérisation dans les années 1990 au sein de l’entreprise Sunkiss Aéronautique Rhône. Celle-ci travaillait jusqu’en 2002 essentiellement pour l’armée de l’air française et le constructeur Airbus. Bruno Comoglio croise alors la
route de Laurent Dumortier, autre ingénieur de génie, dont l’entreprise Helitest, sise à Mérignac (33), s’est spécialisée dans la détection des fuites par gaz traceurs sur avion. Bien que très petite (4 personnes) Helitest a ouvert une filiale commerciale américaine, Aerowing, à Miami, en association avec un ancien marine qui lui ouvrira grand les portes du secteur militaire des États-Unis. Laurent Dumortier, conseiller du commerce extérieur de la France (CCEF), a su développer un solide réseau.
Mêmes marchés, même vocation innovante, technologies complémentaires, les deux entreprises fusionnent et Sunaero voit le jour en région lyonnaise en 2005.
Déjà accréditée par Airbus, l’entreprise se tourne vers les États-Unis. « Ce qui vole dans le monde est à plus de 60 % américain, militaire comme civil. Mais, pour vendre aux États-Unis, il faut produire local », décode Thierry Regond, directeur général. Aerowing, transférée à Nashville, devient société de production en 2008, fabriquant à plus de 70 % avec des composants d’origine étasunienne. Cette stratégie audacieuse et coûteuse lui permet
de décrocher plusieurs accréditations de l’US Air Force (USAF), dont la plus récente, en 2010, le « Tools Orders 1-1- 3 », se révèle être un superbe sésame.
Toutes les technologies de maintenance de Sunaero sont en effet intégrées dans cette bible de l’USAF, lui ouvrant un colossal marché: celui des 560 bases de l’US Air Force, de la Navy, des Coast Guards.
« Avec ces accréditations, nous pouvons nous positionner sur tous les avions US de la planète. » Le déploiement sur le marché américain est en cours. Sunaero poursuit en parallèle son business en Europe du Nord (Bénélux, Finlande, Allemagne, Pologne) et s’est lancé avec succès au Moyen-Orient. La stratégie internationale est globale. Sunaero a encore beaucoup à faire en Europe, en Russie – un agent vient d’y être recruté – et compte accentuer sa présence, dans un proche avenir, en Asie du Sud-Est et en Chine. « Nous y avons un agent sur place, mais nous restons très prudents, par peur d’être copiés. » La société vise aussi un équilibre entre les
débouchés civils et militaires.
Cette petite entreprise atypique a su développer un leadership mondial grâce des technologies innovantes – 10 brevets déposés à ce jour dont un en commun avec Boeing – et à ce jour inégalées.
« Notre marché est confidentiel, mais nous nous savons épiés, il nous faut prendre de l’avance ». En embuscade, deux grands groupes américains spécialistes de la détection de fuites pour l’industrie. Pour les semer, Sunaero poursuit à marche forcée sa R&D avec toujours la même direction : optimiser les procédures de maintenance des avions et réduire de façon considérable leur temps d’immobilisation.
Laurence Jaillard