Face au risque de délocalisations dans des pays dont l’économie est fortement liée à l’Europe, Paris cherche une réponse qui ne fâche personne et surtout pas les amis ou les partenaires de la rive méditerranéenne. Le Maroc, la Turquie et l’Algérie sont les pays d’expérimentation de cette stratégie. On en a eu plusieurs démonstrations la semaine dernière et cette semaine.
• Pays 1 : Le Maroc, le modèle
A commencer par le contrat de partenariat signé entre la France et le Maroc, un modèle pour cette stratégie, à l’occasion de la visite au Royaume chérifien de Jean-Marc Ayrault, les 12 et 13 décembre. Plutôt que de parler de délocalisation, concept aujourd’hui honni tant à droite qu’à gauche de l’échiquier politique, le Premier ministre a préféré celui de « colocalisation », qui signifie qu’il faut investir sur un sol étranger s’il n’y a pas de risque pour l’emploi dans l’Hexagone. Un nouveau modèle de coopération salué par Mohammed Amrabt, directeur France de l’Agence marocaine de développement des investissements (Amdi), lors d’une conférence sur « l’ambition industrielle et logistique du Maroc en période de crise », animée par Le Moci dans le cadre du salon World Class Logistics, le 13 décembre à Paris. Pour le responsable du bureau parisien de l’Amdi, dans des secteurs comme l’automobile et l’aéronautique, « la France a compris que le développement au Maroc ne se faisait pas au détriment de son activité domestique ». Jean-Marc Ayrault a proposé au Royaume de Mohammed VI, qui est de plus en plus actif en Afrique subsaharienne, que la France s’associe pour aborder le sous-continent.
• Pays 2 : la Turquie, sur l’Afrique et l’Asie centrale
Sans formaliser une telle coopération avec la Turquie, la France pourrait aussi offrir à ce pays son expérience et sa connaissance de l’Afrique. A la fois pour des raisons politiques et économiques, elle aimerait que ses entreprises, et pas seulement les plus grandes qui y ont déjà pensé (comme Alstom), utilise l’ex-Empire Ottoman pour attaquer l’Asie centrale et les Balkans. « La Turquie n’est pas en compétition avec les usines en France », selon le président de l’’Agence turque pour la promotion et le soutien à l’investissement (Ispat), Ilker Ayci, qui exhortait Paris et les entreprises françaises à se projeter sur de « nouveaux marchés » et à s’interroger en termes « de compétitivité globale dans le monde », lors d’un colloque sur la Turquie, organisé par Ubifrance au Sénat, le 13 décembre. Comme les entreprises marocaines, les sociétés turques se développent de plus en plus en Afrique. Les initiatives françaises avec le Maroc et la Turquie pourraient donner de meilleurs résultats qu’avec l’Afrique du Sud. En effet, aux lendemains de l’accession de Nelson Mandela au pouvoir en 1994, Paris avait proposé à Johannesburg de développer une « coopération triangulaire » pour opérer de concert sur le continent. Ce fut un flop, l’Afrique du Sud considérant qu’elle n’avait, en fait, besoin de personne pour se développer sur son territoire naturel, l’Afrique.
• Pays 3 : l’Algérie… si tout va bien
En septembre dernier, Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur en déplacement à Alger pour préparer la visite présidentielle, avait aussi évoqué « la colocalisation ». Un thème abordé lors de la visite historique de François Hollande en Algérie, hier et aujourd’hui. Le président du Forum des chefs d’entreprise (FCE), Reda Hamiani, appelait, avant la visite du président français, à ce que les Français viennent en Algérie pour s’installer avec des partenaires locaux et « produire pour le marché local et exporter vers les marchés maghrébins, arabes, africains » (1). Et Alain Boutebel, directeur d’Ubifrance Algérie, déclarait le 19 décembre au site d’information algérien liberté-algerie.com : « Nous allons organiser un forum algéro-français d’affaires en 2013 axé sur la colocalisation, c’est-à-dire des partenariats gagnant-gagnant entre l’Algérie et la France », précisant que Chérif Rahmani, le ministre de l’Industrie et de la Promotion de l’investissement, « devrait déterminer le champ de cette colocalisation » (2). Le déplacement de François Hollande en Algérie a été marqué, sur le plan économique, par le feu vert accordé par Alger à l’installation d’une usine de montage automobile de Renault près d’Oran, dont l’objectif est d’alimenter le marché domestique et les pays hors UE (pour la production excédentaire). En revanche, l’idée d’opérer sur des marchés extérieurs ne semble pas à l’ordre du jour. Le constructeur français a dû accepter de ne détenir que 49 % du capital de l’usine pour se conformer à la législation nationale sur les investissements directs étrangers (IDE), l’Etat algérien, en l’occurrence, s’octroyant les 51 % restants.
(1) www.jeuneafrique.com : « http://economie.jeuneafrique.com/regions/maghreb-a-moyen-orient/14248-algerie-ce-que-les-patrons-attendent-de-la-visite-de-francois-hollande.html » l « ixzz2FWF9ECP0 » Algérie : ce que les patrons attendent de la visite de François Hollande ?
(2) www.liberte-algerie.com : Alain Boutebel, Directeur Algérie d’UbiFrance : “Un forum d’affaires algéro-français en 2013 sur la colocalisation”