La nouvelle carte de la politique de financement export (PFE) pour 2022 présentée par la DG Trésor le 9 février*, lors de son événement annuel Bercy France Export, ne comporte pas de changements majeurs par rapport à l’an dernier, à l’exception de quelques pays. Le volontarisme de l’Etat dans le soutien aux exportateurs reste important.
« Nous avons souhaité nous inscrire dans une certaine continuité » d’une année 2021 marquée par une période de « convalescence » de la pandémie de Covid-19, a déclaré Magalie Cesana, cheffe du service Sabine (Affaires bilatérales et de l’internationalisation des entreprises) à la DG Trésor, évoquant l’élaboration de la carte de la politique de financement export (PFE) 2022.
Le contexte n’a pas été facile, avec l’incertitude ambiante sur l’évolution de la pandémie, son impact sur un certain nombre de pays émergents, notamment la montée de l’endettement public (Brésil, Sri Lanka, Tunisie, Egypte, Turquie ont notamment été cités), qui dégrade le risque souverain.
De fait, les changements ne sont ni massifs, ni radicaux dans cette carte de la PFE 2022. « Aucun pays ne bascule dans le rouge » s’est félicité Pierre Darbre, chef du bureau des crédit export de la DG Trésor, s’adressant aux responsables d’entreprises et banquiers suivant l’atelier consacré au décryptage de la carte PFE 2022, en ligne sur le site de la DG Trésor*.
Pour rappel, cette carte utilise des couleurs pour identifier les pays en fonction du niveau de risque perçu par l’Etat au regard de ses propres critères (situation économique, niveau d’endettement public, risque politique, politique diplomatique…), et pour définir les conditions dans lesquelles il peut intervenir en soutien d’une opération d’exportation. La couleur rouge signifie que le guichet est fermé, le jaune qu’il est ouvert sous condition, le vert clair ouvert avec « vigilance » (validation du ministre nécessaire), le vert foncé ouvert sans condition.
Nous détaillons ci-dessous les conditions appliquées au cas par cas par la DG Trésor, notamment pour les pays en jaune et en vert clair :
Les conditions applicables au cas par cas
Six conditions peuvent être imposées, au cas par cas, selon les pays :
-ouvert à acheteurs souverains (souverains ou publics avec garantie souveraine) ;
-ouvert aux acheteurs non souverains (privé ou public, sans garantie souveraine) ;
-ouvert à tous acheteurs mais avec des restrictions sectorielles : le projet doit concerner la santé, l’eau, l’assainissement et, depuis 2022, les énergies renouvelables ;
-ouvert à acheteur souverain mais uniquement si cofinancement multilatéral et banque de développement ;
-ouvert à tous acheteur si cofinancement multilatéral ;
-ouvert à tous acheteur si neutralisation du risque pays (uniquement pour l’assurance-crédit, il faut alors passer par des montages évitant le risque de non-transfert, par exemple en passant par une banque offshore ou en fournissant une garantie inconditionnelle émise dans un pays tiers).
Les pays fermés (en rouge) restent les mêmes que l’an dernier : Afghanistan, Corée du nord, Erythrée, Somalie, Soudan du sud, Venezuela, Zimbabwe…
Restrictions accrues sur sept pays
Sept pays font l’objet de restrictions supplémentaires dont trois changent de couleur. Parmi ces derniers, deux traversent des périodes politiques troublées (Biélorussie, Mali) :
-la Biélorussie passe de vert clair à jaune, la mise en place d’un cofinancement multilatéral ou de banque de développement (AFD) est désormais exigée ;
-le Mali passe de vert foncé à vert clair, ce qui signifie que le guichet est ouvert mais « avec vigilance ». Une manière de durcir le ton face à la junte qui a pris le pouvoir à Bamako et se montre hostile à la France, et de soutenir les sanctions instaurées par les Etats de la région via la Cedeao à son encontre. Le FMI a lui-même suspendu ses aides au Mali.
– la Papouasie Nouvelle Guinée passe également de vert foncé à vert clair.
Quatre autres pays font l’objet de restrictions accrues sans toutefois changer de couleur : la Birmanie en jaune se voit appliquer les restrictions sectorielles ; le Sri Lanka, en jaune également, fait l’objet d’une vigilance renforcée ; l’Egypte et la Tunisie, restent en vert clair mais la saisine du ministre est nécessaire.
Assouplissement sur deux pays
Deux pays bénéficient au contraire d’une évolution favorable :
-l’Angola, en jaune, voient les restrictions sectorielles qui s’y appliquaient (eau, assainissement, santé) élargies aux énergies renouvelables.
-le Salvador, en jaune, voit levée l’obligation d’un cofinancement multilatéral.
Prudence sur les pays en phase d’instabilité
Sur les pays traversant des périodes politiques instables (coup d’Etat), dans un contexte sécuritaire compliqué comme le Mali et le Burkina Faso, destabilisés par des attaques djihadistes et des coups d’Etat, les fonctionnaires du Trésor sont clairs : « le message est de temporiser », de faire preuve de « retenue », autrement dit de mettre en stand-by les opérations en attendant que la situation se stabilise.
En revanche, malgré les tensions avec la Russie, la volonté de continuer à accompagner les entreprises françaises en Ukraine « reste entière ». La PFE est également largement ouverte sans condition sur la Russie, malgré les sanctions.
Une question a été posée aux fonctionnaires du Trésor sur l’Iran, qui demeure en vert foncé sur la carte de la PFE 2022, soit « ouvert sans condition ». Cette ouverture est largement théorique, le message étant plus politique, la France tenant à continuer à affirmer son attachement à l’Accord sur le nucléaire iranien de 2015, le JCPOA. Dans la réalité, « les canaux sont largement taris eu égard à la réactivation des sanctions unilatérales américaines par l’administration Trump », reconnaît-on au Trésor.
D’une manière générale, pour connaître le détail des conditions d’ouverture de la PFE pour chaque pays, il est recommandé de se rapprocher de Bpifrance, principal opérateur de cette PFE via sa filiale Bpifrance assurance export.
Christine Gilguy
*La carte de la PFE 2022 est en ligne sur le site de la DG Trésor : cliquez ICI