C’est bien ce qui inquiète Christian Garin, président de la fédération des Armateurs de France : « A partir du printemps 2009, on a vu apparaître des fonds d´investissement créés par des Chinois pour acheter des navires qui étaient désarmés, mais surtout pour en commander d´autres, profitant des nouveaux prix consentis par les chantiers navals pour se constituer une flotte à moindre coût », a-t-il récemment déclaré. Pour sauver les meubles, la fédération avait obtenu en 2009 l´éligibilité des entreprises de transport et de services maritimes à la garantie de financement Oseo. Une aide bienvenue, mais qui paraît bien maigre face à l’irrésistible montée en puissance chinoise.
D’ailleurs, Jean-Bernard Raoust, président du courtier maritime BRS (Barry Rogliano Salles), nous explique plus précisément pourquoi ce pays sera le grand gagnant de l´année 2010 : « la Chine, non seulement ne réduit pas sa capacité de construction (NDLR : la Chine est devenu le 1er constructeur naval du monde en 2009), mais elle est devenue cette année le premier acheteur de navires d´occasion, devant la Grèce.
La Chine se constitue une flotte à prix raisonnable, comme le Japon l´avait fait il y a trente ans, et va ainsi mieux contrôler le transport de ses produits manufacturés et des matières premières dont son industrie a tellement besoin. La crise accélère le basculement du centre de gravité mondial vers l´Asie, mouvement irréversible qui va réduire la puissance maritime des pays occidentaux », déclare-t-il dans le rapport d´activité 2010 que vient de publier BRS.
En effet, si le marché des navires d´occasion, par nombre de transactions, a finalement retrouvé un niveau équivalent à celui de 2008, c´est au prix d´un effondrement sans précédent des prix. Particulièrement des porte-conteneurs, dont les prix à la revente ont été divisés par deux, voir par trois, par rapport à ceux pratiqués avant la crise.
La cause : d´une part, trop de navires récents (construits entre 1990 et 2000) se retrouvent sur le marché, suite à des difficultés financières ou aux nombreuses faillites d´armateurs (par exemple celles de l´américain Eastwind et l´australien Allocean) ; d´autre part, un nombre insuffisant de démolition de navires (211 unités depuis octobre 2008, soit seulement 3 % de la flotte globale). Une surcapacité et un effondrement tarifaire dont la Chine continue de profiter pleinement pour se constituer une flotte géante et performante.
Gilles Naudy