Cocorico ! La France est restée en 2021 le premier exportateur mondial de semences de grandes cultures, avec un excédent record, selon une étude publiée par Semae, l’interprofession des semenciers. Les filières, maïs-sorgho, potagères et oléagineux tirent la tendance, avec parmi les marchés les plus dynamiques, la Russie et l’Ukraine.
La filière semencière pour les grandes cultures est devenue un des rares secteurs français à dégager un excédent commercial malgré le contexte de crise sanitaire mondiale, et, pour ne rien gâcher, il est en hausse : elle a dégagé un excédent record de 1,106 milliard d’euros en 2021, en hausse de 6,7 % sur 2020. Les exportations totales ont atteint près de 1,9 Md EUR.
Pour François Burgaud, conseiller du président de Semae, ce résultat s’explique avant tout par la qualité des productions françaises : « la filière semencière montre à quel point la force de ses sélectionneurs, qui repose sur l’innovation et la qualité, joue dans la durée : mettre en marché une nouvelle semence est long, mais quand l’agriculteur est satisfait, il n’est pas un ‘zappeur’. L’effet prix, l’effet difficultés ne joue pas sur ses choix », estime-t-il.
Autrement dit, ni les variations euro / dollar, ni les retards de livraison enregistrés l’an dernier à cause des perturbations de transport n’on eu raison de la vigueur des exportations du secteur, y compris au grand export. « Dès que l’on vend 50 Airbus, on en parle partout. Nous, nous vendons chaque année l’équivalent de 40 A 320, mais nous ne faisons pas la Une des médias » ironise François Burgaud.
Une cinquantaine de semenciers français mettent chaque année des centaines de nouvelles variétés en marché pour répondre aux évolutions des attente des agriculteurs dans divers domaines, par exemple en termes d’adaptation au changement climatique. Outre cet effort d’innovation permanente, ils peuvent aussi constituer sur la bonne réputation des semences européennes : « la qualité des semences européennes, qui s’appuie sur un système de certification sous autorité officielle, est reconnue dans le monde entier » rappelle François Burgaud.
En forme : maïs, sorgho, produits potagers et floraux, oléagineux
Les produits en forme qui tirent ces performances ?
La filière semencière maïs-sorgho avec des exportations en hausse de 7,5 % (712 M EUR) et un excédent commercial de +556 M EUR. S’y ajoutent les filières potagères-florales et les plantes oléagineuses, dont les excédents commerciaux sont en hausse respectivement de 12 % (286 M EUR) et de 10 % (273 M EUR).
Les autres filières affichent des performances en retrait en termes de solde commercial : betteraves (- 7 % à l’export) et fourragères (hausse de 12 % des importations) ; pommes de terre (recul de l’excédent commercial à 73 M EUR lié à une baisse de 10 % des exportations et une hausse de 1,4 % des importations).
Par zones géographiques, les pays tiers (hors de l’Union européenne), autrement dit le grand export, sont les plus porteurs actuellement à l’export.
Le marché européen stable, la CEI occidentale dynamique
Ainsi, avec l’Europe, les exportations sont stables (1,33 Md EUR) et l’excédent en légère progression (+ 1,2 % à 752 M EUR). L’Union européenne représente à elle seule 69,3 % du total des exportations, en léger retrait (- 1,3 point), avec comme premiers débouchés l’Allemagne (268 M EUR), l’Espagne (191 M EUR), l’Italie (137 M EUR) et la Roumanie (107 M EUR).
C’est donc avec les pays tiers que les échanges sont les plus dynamiques à l’export (+ 9 %, à 588 M EUR), avec un solde excédentaire en forte hausse de 20,4 % en 2021, à un niveau record (+ 354 M EUR). Les produits phares sont le maïs et les oléagineux (notamment le tournesol).
Les marchés les plus porteurs sont ceux de la Communauté des États indépendants (CEI) occidentale et, dans une moindre mesure compte tenu des montants plus faibles, de l’Amérique du Sud.
Les pays de la CEI occidentale (Russie, Ukraine, Biélorussie, Moldavie...) constituent le premier débouché export dans les pays tiers pour les semences et plants tricolores : les exportations françaises ont atteint 233 M EUR en 2021, en hausse de 15 %, et 31 920 tonnes (t), en hausse de 21 %. Tous les pays sont concernés mais l’Ukraine se détache avec un boum des exportations de 32 % (103 M EUR).
La Russie reste toutefois le premier marché export avec 116 M EUR (+ 3,5 %), « en dépit de la complexité des procédures d’importation des pays de la zone, notamment la Russie » relève le Semae. Malgré les pressions accrues des autorités russes pour favoriser la production locale, à l’aide de nouvelles barrières ou complexités règlementaires, les producteurs russes sont encore demandeurs de semences étrangères faute d’une offre locale alternative. Depuis près de deux ans, le Semae finance un employé à mi-temps au sein de l’ambassade de France à Moscou pour s’occuper des formalités administratives liées à l’importation des produits français.
Vers l’Amérique du Sud, la progression à l’export est très forte avec + 58,5 % mais le montant relatif est encore modeste, à 55 M EUR. Les exportations continuent à progresser également vers l’Afrique sub-saharienne (+ 13 %, 50 M EUR). En revanche, elles sont en recul vers l’Afrique du Nord (-8 % à 81 M EUR) et le Proche et Moyen Orient (-11 %, à 64 M EUR).
Craintes pour une augmentation du protectionnisme
Les perspectives pour 2022 ne suscitent aucune inquiétude sur le plan commercial, les producteurs s’étant déjà adapté au contexte né de la crise sanitaire. En revanche, le climat général un peu moins favorable aux exportations dans le monde inquiète.
« Il y a quand même, depuis la pandémie, une augmentation des revendications de souveraineté alimentaire, qui vont dans le sens d’une montée du protectionnisme » s’inquiète François Burgaud. Outre la Russie, où la pression s’est accrue à la suite des sanctions occidentales liées à la crise ukrainienne, de grands pays importateurs comme l’Inde, la Chine, le Brésil, l’Algérie connaissent des poussées protectionnistes. Une mauvaise solution, selon lui, car elle risque de réduire les gammes de produits proposés aux agriculteurs et nuire ainsi à leur production : « nous sommes le premier exportateur mondial, mais nous sommes aussi le deuxième importateur mondial de semences », rappelle celui qui préside également le pôle Agri-Agro de Medef International.
Autre source d’inquiétude dans ce contexte moins favorable : la baisse des ressources humaines affectés par l’Etats français au suivi des réglementation phytosanitaire dans le monde, au sein de la Direction générale de l’alimentation la DGAL). Baisse qui a justifié que Semae y consacre un employé à temps plein au siège, et, à partir de 2019, un demi temps plein pour le seul marché russe.
Christine Gilguy