Quelle ligne va-t-elle l’emporter lors de la réunion, le 17 juillet, du Comité interministériel de modernisation de l’action publique (Cimap) présidé par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault ? Celle de la pragmatique Nicole Bricq, plutôt favorable à des rapprochements public-privé, qui s’inspirera du rapport Desponts / Bentejac, ou celle plus étatiste et dirigiste d’Arnaud Montebourg, qui, lui, s’inspirera du Rapport Queyranne sur les aides publiques aux entreprises (1).
Parmi les 36 mesures que le rapport Queyranne propose pour réduire de 3 milliards
d’euros par an les aides publiques aux entreprises, trois concernent en effet le
dispositif de soutien à l’internationalisation des entreprises et vont
dans un sens plutôt favorable aux dispositifs d’Etat et des régions et
aux orientations qui leurs ont été données récemment. Elles sont regroupées au sein d’une liste de 12 recommandations visant à conforter des « actions
publiques existantes favorisant la compétitivité des entreprises ».
La mesure n° 10
préconise ainsi de « conforter les soutiens financiers de Coface, en les
rapprochant des autres instruments publics au sein du label bpifrance export »
(pour un coût de 138 millions d’Euros). La mesure n° 11 recommande de « conforter les actions d’Ubifrance,
en les rapprochant des
autres instruments publics au sein du label bpifrance export » (pour un
coût estimé à 103 millions d’Euros). Enfin, la mesure n° 12 propose de
« conforter les interventions des régions en faveur de l’internationalisation des
entreprises, en les articulant avec les soutiens de l’Etat ».
Remis au ministre du Redressement productif le 18 juin, le rapport réalisé sous la conduite du président du Conseil régional de Rhône-Alpes, Jean-Jacques Queyranne avait un sujet bien plus large que celui remis par Jacques Desponts et Alain Bentejac le 25 juin à la ministre du Commerce extérieur (voir la Lettre confidentielle n° 63 du 27 juin) puisqu’il concernait l’ensemble du maquis des aides aux entreprises. Le fait qu’il prenne position clairement, dans ses conclusions, en faveur de trois des piliers de la politique de soutien à l’export n’en apparaît que plus notable dans la période actuelle de préparatifs des réformes à venir dans un contexte budgétaire tendu.
Cette prise de position ne doit pas surprendre : Jean-Jacques Queyranne préside la seule région française qui s’est dotée
d’une puissante agence dédiée à 100 % à l’attractivité de son territoire et au soutien à
l’export, Erai, et dotée d’un réseau étendu de représentations à l’étranger. Erai et Ubifrance ont récemment signé une convention de partenariat créant une offre intégrée de services d’accompagnement des entreprises à l’international (LC n° 59) qui suscite le mécontentement des réseaux consulaires (LC n° 63) et des consultants privés (L.C n°57). Et le rapport ne cite à aucun moment CCI International, la structure
mutualisée des CCI et des CCI françaises à l’étranger, comme dispositif à
conforter pour le soutien à l’internationalisation des entreprises…
Si les conclusions du rapport Queyranne sont évidemment bien accueillies dans les organismes
concernés, elles ont jeté un froid dans les milieux
consulaires, éclairant sous un jour nouveau le dernier accès de mauvaise humeur de Pierre-Antoine Gailly, président de la CCI Paris Ile-de-France et ancien président de l’Uccife (Union des CCI françaises à l’étranger) et de plusieurs responsables du réseau CCI International (voir la LC N° 63).
Car les chambres de commerce et d’industrie (CCI), loin d’être citées au chapitre des
soutiens à conserver, le sont en revanche largement au chapitre des économies à réaliser : le rapport propose en effet une réduction drastique -à hauteur de 400 millions d’euros- du montant de la taxe
affectée par l’Etat aux CCI et aux CMA (chambres des métiers et de l’artisanat) pour assurer des missions d’intérêt général. En 2012, selon les estimations fournies par le rapport, cette taxe affectée a généré près d’un tiers des ressources financières des CCI, soit environ 1,3 milliard d’euros sur un total de 3,9 milliards.
Dans quel sens, in fine, va être arbitrée la réforme de
modernisation : dans le sens des conclusions du rapport Queyranne, plutôt
favorable au renforcement des dispositifs étatiques et régionaux, ou dans celui du rapport Desponts / Bentejac, favorable
à des rapprochements non seulement entre agences publiques, mais aussi entre le public et le privé, notamment entre Ubifrance et CCI International ? La
synthèse s’annonce périlleuse s’il s’agit de ménager tout le monde, à moins que les dés ne soient déjà jetés…
Christine Gilguy
(1) Ce rapport, commandé par Matignon le 11 février 2013 dans le
cadre de la modernisation de l’action publique, avait pour objet d’identifier
quelque 2 milliards d’euros d’économies dans une enveloppe globale de 47
milliards d’aides directes et indirectes aux entreprises (hors crédit d’impôt
compétitivité emploi et taux réduits de TVA), soit des centaines de
dispositifs. Il a été réalisé sous la conduite du président du Conseil régional de Rhône-Alpes, Jean-Jacques Queyranne, avec la participation de l’ancien patron de l’AFD et de l’Anvar, l’inspecteur général des finances Philippe Jurgensen et le P-dg du groupe Somfy, Jean-Philippe Demaël. Le document de synthèse du rapport est dans le fichier attaché à cet article.