Capter la demande croissante des pays émergents n´est pas si aisé. Les céréaliers français en font à l´heure actuelle l´amère expérience. Avec un euro fort et la concurrence des origines Mer Noire et américaines, le blé français a perdu de sa superbe au fil de ces derniers mois. Fin décembre 2007, les exportations tricolores avaient diminué de 300 000 tonnes en un an pour atteindre 2,1 millions de tonnes (t).
Parmi les pays émergents, qui sont des débouchés traditionnels de la France, l´Egypte n´avait rien acheté et la Tunisie en quantité très limitée. Pourtant, Patrice Germain, le directeur adjoint de l´Office national interprofessionnel des grandes cultures (Onigc), exhorte aujourd´hui les céréaliers à exporter. « Une fenêtre s´ouvre à nous à partir du 29 janvier et jusqu´à fin mars », affirme-t-il, après avoir étudié la position des principaux compétiteurs internationaux. Les Etats-Unis seraient déjà proches de leurs objectifs, alors que la Russie et l´Ukraine s´apprêtent à appliquer des restrictions à l´exportation. L´Ukraine, par exemple, disposant de 35 millions t de céréales, peut à l´heure actuelle couvrir ses besoins internes, estimés à 27 millions t. Mais Kiev a aussi décidé de reconstituer les réserves du pays après un exercice 2007, marqué par la sécheresse, et le gouvernement a décidé de reconduire des contingents à l´exportation.
Tout comme l´Ukraine, l´Australie a terriblement souffert de la sécheresse l´an dernier. Les déficits de production qui résultent ainsi des intempéries dans différentes régions du monde -sécheresse ou inondations- expliquent en partie l´envolée des cours mondiaux. « L´offre non alimentaire, notamment les biocarburants, y contribue aussi, mais encore à ce jour de façon limitée. Aujourd´hui, la hausse des cours est surtout provoquée par la demande des pays émergents, comme les Etats du Maghreb et du Sud-Est asiatique, l´Inde et la Chine », expliquait récemment Michel Lopez, en charge des Grandes cultures au Crédit Agricole, dans un entretien au Moci magazine. La Chine, en raison de son urbanisation, perd des terres arables et manque d´eau. Cette ressource étant réservée dans l´agriculture aux produits à valeur ajoutée comme les fruits et légumes, Pékin a choisi d´importer ses céréales et ses oléagineux.
Comme l´offre mondiale ne parvient pas à rejoindre la demande, les céréaliers français en ont profité pour accroître leurs surfaces cultivables. Elles auraient ainsi augmenté de 3,8 % pour le blé tendre, en passant de 4,8 millions d´hectares (ha) ensemencés en 2007 à 4,97 millions ha cette année. D´ici avril, l´Onigc pense que le blé européen, français en particulier, peut regagner les positions perdues sur les marchés méditerranéens. Après, ce sera plus difficile, avec l´arrivée des blés argentins sur le marché mondial.