La commission des Finances de la Douma vient d’annoncer que la Russie s’apprêtait à se servir de bitcoins et d’autres cryptomonnaies pour ses opérations de commerce international. Le cadre légal doit être fixé en janvier et n’inclura pas la circulation de ces instruments d’échange sur le territoire national, qui demeurera interdite.
La rumeur enflait depuis la fin de l’été. Anatoly Aksakov, le président de la commission des finances de la Douma (la chambre basse du parlement), l’a confirmée le 23 décembre. « Nous voulons légaliser les cryptomonnaies pour soutenir les opérations de commerce extérieur en janvier, a-t-il déclaré à l’agence TASS. Cela signifie que la circulation des cryptomonnaies en tant que monnaie légale en Russie sera interdite […]. Nous prévoyons néanmoins l’opportunité d’utiliser les cryptomonnaies pour payer les opérations de commerce extérieur, par exemple pour les importations parallèles. »
En juin dernier, la Douma a en effet adopté une loi dégageant de toute responsabilité civile, administrative ou pénale les entreprises russes qui importent des biens sans l’autorisation du propriétaire de la marque depuis un pays tiers. Cette légalisation, qui permet de contourner les sanctions européennes et américaines, avait donné lieu dans la foulée à l’établissement d’une liste de marchandises pouvant être ainsi importées « en parallèle ».
Elle comprend 56 groupes de biens dont les produits pharmaceutiques et les cosmétiques (mais ne couvre pas certaines comme Garnier et L’Oréal), les vêtements et chaussures, certains composants automobiles, la quasi-totalité des marques automobiles, les instruments de musique, les bateaux ou encore les locomotives.
La Russie multiplie les alternatives pour contourner les sanctions
Cet inventaire à la Prévert, régulièrement mis à jour, de marchandises « légalement » importées au regard du droit russe, ne semble pas avoir suffi. Alors qu’au printemps la Banque centrale russe avait proposé d’interdire purement et simplement les cryptomonnaies, ces dernières font désormais figure d’alternatives sérieuses à l’isolement bancaire du pays, déconnecté du réseau de messagerie interbancaire SWIFT après le début de la guerre en Ukraine en février dernier.
Certes, depuis 2014 et l’invasion de Crimée, la Russie a développé son propre système de paiement, similaire au CIPS chinois. Baptisé SPFS (acronyme latin de cистема передачи финансовых сообщений, « système de transfert de messages financiers »), il n’est cependant utilisé qu’en Asie centrale, au sein de l’Union économique eurasiatique (UEE) en Turquie, en Iran et en Inde. Si les cryptomonnaies constituent aujourd’hui l’alternative la plus viable pour les autorités russes, elles ne permettront, officiellement du moins, que de régler des transactions transfrontalières.
Pourtant, la demande est forte de la part des consommateurs russes pour ces cryptomonnaies. Malgré leur interdiction, le site Coin ATM Radar recense 52 distributeurs automatiques de bitcoins sur le territoire de la Fédération de Russie…
Sophie Creusillet