La baisse attendue des volumes de marchandises transportées par avion en 2023 devrait conduire les compagnies à la prudence, estime une récente étude d’Upply, une plateforme dédiée aux professionnels du transport. Les recettes unitaires et le chiffre d’affaires devraient néanmoins dépasser leur niveau prépandémique.
Fait rare : cette année la peak season, traditionnelle période d’effervescence dans le cargo aérien entre l’automne et le Nouvel An chinois, n’a pas eu lieu. A une demande internationale atone pour cause d’inflation galopante s’est superposée une recrudescence des cas de Covid-19 en Chine qui a perturbé la production.
La maîtrise des capacités a permis une bonne résistance des taux de fret en dépit de la baisse de trafic observée depuis mai 2022, constate l’étude. Même s’ils restent nettement supérieurs à leur niveau de 2019 plusieurs signaux laissent augurer d’un retournement de tendance en 2023. Ainsi des capacités qui ont augmenté de 3 % en 2022 alors que la demande a plongé de 8 %. La reprise du transport passager induit une progression mécanique de l’offre cargo que les compagnies peuvent compenser en jouant sur les vols tout cargo.
En décembre, la capacité mondiale de fret s’est contractée de 2,2 % sur un an, marquant le troisième mois consécutif de baisse. Mais cette baisse reste inférieure à celle de la demande. Dans ce contexte, Upply prévoit une année 2023 délicate pour le secteur. Selon les prévisions de l’IATA (International Air Transport Association), le trafic devrait s’établir à 57,7 millions de tonnes, en recul de 4,3 % par rapport à 2022.
Chute de 25,8 % du chiffre d’affaires
Ce retournement de conjoncture devrait frapper de plein fouet la recette unitaire, en repli de 22,6 %. L’IATA table sur une chute de 25,8 % du chiffre d’affaires à 149,4 milliards de dollars. L’activité cargo représentera 19,2 % des revenus des compagnies aériennes, contre 27,7 % en 2022.
« La bonne nouvelle pour le fret aérien est que les recettes unitaires moyennes et le chiffre d’affaires total pour 2023 devraient rester bien supérieures à ce qu’ils étaient avant la pandémie, a déclaré le directeur général de l’IATA Willie Walsh lors de la parution de ces prévisions. Cela devrait apporter un peu de répit dans ce qui risque d’être un environnement commercial difficile dans l’année à venir. »
Alors que le transport de passagers devrait se rétablir et atteindre 86 % de son niveau d’avant la crise sanitaire le fret aérien devrait marquer le pas, tout en restant à 150 % de son niveau de 2019. L’IATA prévoit un retour de la rentabilité dans l’industrie mondiale du transport aérien, mais avec une marge opérationnelle de seulement 0,4 %.
D’après Upply, pour les compagnies mixtes (passagers et cargo), le redressement de l’activité passagers devrait rester la priorité, le matelas financier constitué en 2021 et 2022 grâce à l’activité de fret ne suffisant pas à combler les pertes occasionnées par les confinements de 2020. Concernant les compagnies cargo, le maintien de taux de fret encore plus élevés qu’avant la pandémie devrait permettre de compenser l’augmentation des coûts. Cyclique, l’industrie du fret se dirige cependant vers une période de baisse.
Réduction de la voilure en perspective
Pour conserver leurs marges, les compagnies cargo devront bien maîtriser leurs capacités. Certaines ont d’ailleurs déjà commencé à réduire la voilure. C’est le cas du groupe Air Transport Services (ATSG) qui opère des avions pour le compte d’Amazon et DHL aux Etats-Unis et a annoncé une réduction du nombre de vols en raison de la baisse d’activité de ces deux sociétés.
Les compagnies maritimes qui s’étaient lancées dans le fret aérien pour prévenir de futurs aléas conjoncturels (CMA CGM, Maersk et MSC) ont fait de même. Le média américain Freightwaves ainsi révélé que CMA CGM Air Cargo avait suspendu ses services sur les Etats-Unis quelques mois après son lancement début 2022 et loué des appareils à DHL et Qatar Airways.
Après avoir bénéficié pendant deux ans d’une conjoncture favorable en raison des perturbations des chaînes logistiques, de l’essor de l’e-commerce et de l’explosion des taux de fret maritime, le fret aérien va devoir composer avec l’envolée des prix du carburant, la faiblesse de la consommation et la gestion des capacités.
S.C.