Cloudfret est une jeune pousse marocaine en pleine croissance. Sa plateforme SaaS de mise en relation de chargeurs avec des transporteurs remporte un vif succès des deux côtés de la Méditerranée. Elle vient de lancer une deuxième levée de fonds pour accompagner le développement de son activité avec l’ouverture d’un nouvel axe entre la France et l’Espagne. Focus sur son évolution avec son fondateur Driss Jabar.
« Des milliers de camions circulent à vide tous les jours entre l’Afrique et l’Europe. Nous voulons optimiser ces retours », explique Driss Jabar. Cet entrepreneur marocain est le fondateur de Cloudfret, commissionnaire digital de transport lancé en novembre 2020, après avoir été incubé chez HEC et Station F et accéléré par le VC californien Plug & Play, une des plus importantes plateformes de mise en relation entre startup et entreprises.
Avec sa solution de plateforme en SaaS, Cloudfret a su séduire plusieurs investisseurs américains (Plug & Play) mais aussi marocains comme Azur Innovation Fund. En plein croissance, elle a lancé une deuxième levée de fonds qu’elle espère boucler au premier trimestre 2022. « Nous recrutons de l’ordre d’un ou deux collaborateurs par mois et nous affichons une croissance soutenue de notre activité », ajoute Driss Jabar.
Des économies substantielles pour les chargeurs
Le portefeuille de clients réguliers de l’entreprise compte une trentaine de sociétés réparties entre l’Afrique (Maroc, Sénégal, Mali, Mauritanie, Côte d’Ivoire) et l’Europe (Portugal, France, Espagne). « Nos premiers clients étaient dans le secteur agricole/agroalimentaire mais le scope s’est vite élargi à d’autres produits comme le bois, les produits d’hygiène, les détergents, les câblages, les pièces aéronautiques, et l’automobile, etc. ».
Aujourd’hui, Cloudfret travaille avec environ 170 transporteurs qui représentent 4500 poids lourds référencés sur sa plateforme. Les clients expéditeurs payent pour le service de mise en relation avec les transporteurs pour lesquels le service est gratuit.
Selon la startup, sa solution permet aux expéditeurs de réaliser des économies allant jusqu’à 30 % sur leur budget transport, tandis que les transporteurs voient leur chiffre d’affaires progresser d’environ 25% grâce à l’optimisation de leur camions vides. « Si l’on prend l’exemple d’un camion entre Paris et Casablanca opéré par une société classique, cela coûtera à l’expéditeur 4000 euros en moyenne en passant par un transporteur classique. Nous proposons une solution à 3000 euros incluant le ferry.»
La sélection des transporteurs répond à des critères d’exigence stricts qui excluent le recours aux commissionnaires. « Nous travaillons avec un pool de transporteurs que nous sélectionnons après un audit mené en partenariat avec un cabinet juridique », complète le patron.
Cette étape permet à Cloudfret de ne retenir que les sociétés fiables avec une flotte propre, qui doit être récente et de qualité. « Ces transporteurs doivent bien entendu être à jour de leurs obligations fiscales et sociales. A titre complémentaire, nous sollicitons aussi l’avis de leurs clients existants sur la qualité de leurs prestations », ajoute-t-il.
Nouveaux bureaux, nouvelles routes commerciales
Pour la jeune pousse, l’avenir passe par l’ouverture d’un nouvel axe de business entre la France et l’Espagne. Le deuxième tour de table en cours devrait permettre de créer une antenne dans la péninsule ibérique et d’ouvrir deux nouveaux bureaux en Afrique, l’un au Sénégal, l’autre en Côte d’Ivoire. Ils complèteront ainsi le dispositif existant composé de deux agences, situées respectivement à Agadir au Maroc et dans la cité phocéenne.
Mais Cloudfret ne se cantonne pas à un axe géographique particulier et fait aussi du business à l’intérieur des pays, comme, par exemple, entre le Nord et le Sud du Maroc. « Si l’on se base sur les moyennes mondiales communément admises, le transport coûte en comparaison deux fois plus cher et les délais d’expédition deux fois plus longs sur le continent africain ».
Le marché est d’autant plus important que les besoins de l’Afrique en biens de consommation devraient progresser encore massivement. D’ici 2050, sa population de deux milliards d’individus sera composée pour moitié d’individus âgés en moyenne de moins de 25 ans.
Une implantation marseillaise prometteuse
« Après avoir décroché en décembre 2020 le prix ‘Best African tech startup’ de la meilleure start-up africaine en logistique en Afrique du Sud, Business France nous a contactés pour nous proposer trois sites d’implantation Nantes, Le Havre et Marseille. Le choix de cette dernière s’est imposé naturellement. C’est le premier port français et le deuxième au niveau européen et jeter un pont entre les deux rives de la Méditerranée est une caractéristique intrinsèque de notre projet d’entreprise », précise l’entrepreneur marocain.
Ce dernier semble ravi de l’accompagnement marketing et commercial reçu de la part des équipes de Zebox, structure d’incubation et d’accélération de startup, fondée en 2018 à l’initiative de Rodolphe Saadé, PDG de CMA CGM.
Les ambitions de Cloudfret revêtent aussi un aspect environnemental. En améliorant le retour à vide des camions, elle contribue à abaisser les émissions de CO2. « Si nous parvenons à optimiser 100 000 camions entre les deux rives de la Méditerranée d’ici cinq ans, nous aurons effacé l’équivalent de la consommation annuelle en énergie d’une ville comme Rouen de 64 000 habitants », affirme Driss Jabar.
Emmanuelle Serrano