Les chargeurs s’engagent de plus en plus dans la décarbonation du transport international et la propulsion vélique a le vent en poupe. Ainsi, une nouvelle « Association des chargeurs pour un transport maritime décarboné » vient d’être créée par France Supply Chain et l’Association des utilisateurs de transport de fret (AUTF) et a lancé début février 2022 un appel d’offre pour mettre en place des lignes régulières de transport de cargos à propulsion vélique.
« Si on lance cette initiative, c’est parce qu’il n’y a pas d’offre sur le marché du transport maritime actuellement : nous souhaitons stimuler l’émergence de ce type d’offre » déclare Géraud Pellat de Villedon, Responsable RSE pour la Supply Chain de Michelin, qui assure le secrétariat général de la nouvelle Alliance. D’où cette idée de susciter la construction de toute pièce d’une offre innovante basée sur la propulsion vélique, quitte à titiller les compagnies maritimes traditionnelles.
De fait, à l’origine de cette initiative inédite, lancée par France Supply Chain et l’AUTF, un constat simple : pour décarboner le transport maritime, vital pour les échanges internationaux, d’ici 2030, les solutions innovantes comme les biocarburants et autres carburants alternatifs tels que le gaz naturel liquéfié, sur lesquelles se focalisent les compagnies maritimes, ne suffiront pas et il faut pousser au développement accéléré d’autres solutions. La propulsion vélique en est une, c’est même, pour Géraud Pellat de Villedon, « un des leviers essentiels ».
D’où l’idée de rassembler les chargeurs prêts à tester à grande échelle la propulsion vélique à travers la nouvelle Association des chargeurs pour un transport maritime décarboné. « Cette Association a pour but de fédérer des chargeurs, afin de déployer des solutions bas-carbones innovantes à une échelle industrielle » complète le communiqué commun de France Supply Chain et l’AUTF.
Et sans attendre, la première action a été de lancer, début février, un appel d’offre pour deux liaisons hebdomadaires transatlantiques entre l’Europe et l’Amérique du Nord, qui seraient opérées dès 2024 par des porte-conteneurs majoritairement propulsés à la force du vent. « L’ambition est de réduire au moins de moitié les émissions de CO2 par rapport à un transport conventionnel » indique le communiqué.
Un véritable projet de startup
Selon les détails fournis par Géraud Pellat de Villedon, l’appel d’offre porte sur un service régulier de deux liaisons, qui serait assuré par 8 à 10 porte-conteneurs de 500 à 600 EVP (équivalent vingt pieds) à propulsion vélique. « Ce n’est pas une taille habituelle sur cet axe transatlantique, mais elle nous a paru raisonnable par rapport aux technologies disponibles actuellement, souligne-t-il. De plus, même si ce projet suscite un engouement certain chez les chargeurs, nous ne sommes pas encore sûrs de pouvoir remplir les bateaux à 100 % ».
Un véritable projet de startup, car les navires seront à construire, et son succès reposera avant tout, au démarrage, sur la capacité de l’Alliance à réunir suffisamment de commandes de fret de chargeurs pour rendre le modèle économique viable et trouver des financements. Les acteurs visés par l’appel d’offres ? Les startup pionnières du vélique, mais aussi les compagnies maritimes, qu’il s’agissent des petites compagnies solidement assises sur des niches et capables de proposer du sur-mesure, ou des grandes compagnies maritimes traditionnelles.
Côté demande, les chargeurs ont commencé à se mobiliser. « Nous cherchons des chargeurs réguliers pour garantir la viabilité économique de ce nouveau service » précise Géraud Pellat de Villedon. Neuf grands industriels sont prêts à tester cette solution et ont formellement signé un accord en ce sens : Groupe Avril, Gerflor, Groupe L’Occitane, Groupe Rocher, La Fournée Dorée, Michelin, Moët Hennessy, Nestlé Waters, Rémy Cointreau. D’autres seraient également prêts à s’engager mais par prudence, préfèrent ne pas être cités à ce stade, selon Géraud Pellat de Villedon.
Plus largement, ces grandes entreprises exportatrices réunies au sein de la nouvelles Alliance « appellent à une mobilisation des chargeurs internationaux qui sont au cœur du cercle vertueux de cette transition, afin qu’ils rejoignent la coalition et deviennent acteurs d’une flotte maritime responsable ».
A noter que les expérimentations de transport de fret par bateau à propulsion vélique (hybrides ou 100 % vélique) se sont multipliées ces dernières années, notamment sur l’axe transatlantique où les vents sont favorables. Citons Michelin, sur l’axe transatlantique, mais aussi le chocolatier Cémoi, qui développe un projet sur un axe Abidjan-Le Havre. Alors que des chantiers navals classiques comme le breton Piriou en font un axe de diversification, des startups leur amènent des solutions technologiques innovantes, à l’instar de Neoline ou TransOceanic Wind Transport (Towt). Certaines ont d’ailleurs franchi le pas et sont devenue, comme Neoline (notre photo), des armateurs, avec le soutien de grands chargeurs tels que Renault, Manitou ou Bénéteau.
C.G
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