Le deuxième Baromètre de l’export Capital Export – Opinion Way, mené auprès d’un échantillon de 300 dirigeants de PME et ETI en mars*, peu après le déclenchement de la guerre en Ukraine et en pleine campagne présidentielle, fait apparaître une certaine inquiétude. Si une majorité de dirigeants reste optimiste, ils donnent aussi un coup de frein à leur expansion internationale, tout en déplorant que ce sujet soit peu abordé dans le débat public.
La détérioration du contexte géopolitique depuis fin février et le déclenchement de la guerre en Ukraine par la Russie ne laissent pas indifférents : si 94 % des chefs d’entreprises interrogés restent optimistes sur l’avenir de leur entreprise, c’est 3 points de moins que l’an dernier (97 %), et seulement 1 sur 3 se dit « très optimiste » selon les résultats du deuxième Baromètre de l’export Capital Export – Opinion Way publié le 31 mai dans un communiqué.
57 % veulent stabiliser leur activité internationale
Cette érosion de l’optimisme, pour l’instant limitée, sera-t-elle durable ?
Côté internationalisation, les affaires étaient bien reparties : la part moyenne de chiffres d’affaires réalisé à l’export a bondi de 50 %, passant de 12 à 18 % entre 2021 et 2022. De même, la part des PME exportatrices dans l’échantillon du baromètre est passée de 41 à 51 %.
A la date de réalisation de l’enquête, l’impact du conflit était encore perçu comme peu important : 63 % des sondés estimaient leur activité peu impactée par ce conflit, 29 % pensaient leur exposition « plutôt légère » et 12 % « légère ».
Mais au-delà de la guerre en Ukraine, ce sont les autres facteurs de détérioration du contexte international qui inquiètent les entreprises, qu’elles soient internationalisées ou non : inflation, perturbation des chaînes de valeur liée à la nouvelle vague pandémique en Chine.
« De facto, les effets directs de la guerre en Ukraine devraient rester limités à terme, commente Jean-Mathieu Sailly, fondateur de Capital-Export, dans le communiqué. En revanche, les effets de bords se font déjà sentir : forte hausse des coûts énergétiques et de matières premières. A cela devrait s’ajouter, dans les prochains mois, les conséquences des confinements stricts des grands pôles économiques chinois. »
De fait, les résultats du sondage font apparaître sinon un net repli, du moins un certain coup de frein dans leur élan à l’export : seul 1 dirigeant sur 3 estime la période actuelle propice à l’internationalisation. Au contraire, ils sont beaucoup plus nombreux – 57 %, soit 18 points de plus que l’an dernier- à vouloir pour le moment stabiliser leur activité à l’international à son niveau actuel alors que ceux qui veulent s’y renforcer ne sont plus que 40 %, contre 60 % en 2021.
La recherche de la proximité « géographique et culturelle » est également flagrante : alors que l’Europe reste la zone de prédilection (citée par 63 %), l’Europe de l’Ouest progresse (50 %, + 5 points) au détriment de l’Europe de l’Est (13 %, – 5 points)
Pas assez de « débat public » sur l’internationalisation des entreprises
Au-delà de cette conjoncture, sur la question plus générale du soutien à l’internationalisation des entreprises françaises, les résultats de ce baromètre font apparaître une certaine frustration des dirigeants : près d’un tiers s’estiment en retard, pour 63 % qui ne s’estiment ni en avance ni en retard dans leur internationalisation. Parmi les pays cités comme les plus « offensifs », l’Allemagne est en tête avec 62 %, suivie de la Chine (47 %) et les États-Unis (45 %).
En outre, 7 dirigeants sur 10, selon le baromètre, « estiment que le sujet de l’internationalisation des entreprises n’est pas suffisamment traité dans le débat public ». Enfin, ils seraient preneurs de davantage de soutiens concrets pour, selon le communiqué du baromètre, « palier le manque de compétitivité ».
Quels types de soutiens ?
Des aides financières pour 40 % (sous la forme d’aides financières ou d’allègements de charges), des dispositifs de suivi et d’accompagnement pour 35 %, des mesures de simplification administrative et douanière pour 25 %. La formation ne recueille que 9 %.
Plus de volonté d’implantation locale
Pour l’heure, compte tenu du contexte international lié à la guerre en Ukraine et à la Covid-19, il semble que certaines entreprises revoient leur stratégie d’internationalisation.
Ainsi, le recours à des intermédiaires (distributeur, revendeur, agent) recule dans les stratégies exportatrices, étant cité par 50 % des répondants, en chute de 13 points par rapport à l’an dernier. En revanche, la création d’une filiale locale gagne 7 points, à 30 %. Mais le rachat d’une entreprise locale, « considéré comme risqué », recule de 5 points à 11 %.
Concernant les facteurs de réussite à l’international, le trio de tête est la volonté du dirigeant (97 %), la qualité et la différenciation de l’offre (97 %) et les outils et dispositifs de développement digital (96 %). Les compétences techniques et l’expérience internationale des équipes sont citées par 94 % des répondants.
Les freins au développement international sont moins nombreux que l’an dernier : en moyenne 4 identifiés par les entreprises au lieu de 6 en 2021. Au top 5 de ces freins, aucun ne recueille d’ailleurs la majorité absolue : délais et risques de paiement (38 %, – 12 points), coûts logistiques (38 %, – 4 points), la difficulté à se faire connaître et identifier les partenaires et clients étrangers (37 %, – 12 points), les barrières douanières (36 %, -12 points), une offre insuffisamment compétitive (34 %, – 9 points).
Enfin, les dirigeants sont plus sensibles aux bénéfices d’un accompagnement externe efficace, citant en premier lieu les experts (61 %, contre 48 % en 2021) ou les relais locaux dans les pays ciblés (62 % contre 53 %). Et lorsqu’ils sont prêts à recourir à des professionnels de l’export, ils citent en premier lieu les Chambres de commerce (62 %), loin devant les fédérations et conseils habituels (experts-comptables, avocats) qui recueillent 35 % chacun, et les sociétés de conseil, 33 %.
De quoi nourrir les réflexions des acteurs de l’écosystème du soutien à l’export alors que s’ouvre un nouveau quinquennat et que Franck Riester, reconduit à la tête du ministère délégué au Commerce extérieur, doit préparer sa nouvelle feuille de route pour fin juin, après les législatives.
Christine Gilguy
*Enquête menée par téléphone auprès d’un échantillon de 300 entreprises réalisant un chiffre d’affaires compris entre 10 et 100 millions d’euros entre le 28 février et le 22 mars 2022.