Après quasi trois années de restrictions en raison de la crise sanitaire, le marché de l’agroalimentaire est à nouveau en plein essor en Chine. Si l’origine France fait autorité dans les vins et spiritueux ainsi que les produits laitiers, d’autres opportunités s’offrent aux entreprises tricolores à la faveur d’une « premiumisation » de la consommation.
Les affaires reprennent. « Les salons et les missions collectives ont repris et nous retrouvons enfin les entreprises françaises sur ces événements, a témoigné Bertrand Quevremont, directeur du bureau de Business France à Hong Kong et chef du pôle Agrotech pour la Chine, lors d’un webinaire organisé par la CCI de Paris Ile-de-France le 1er juin. Il y a un engouement très fort chez les importateurs chinois que l’on sent impatients d’aller source de nouveaux produits en France ».
Avec respectivement 61,3 % et 7,7 % de parts de marché, les vins et spiritueux ainsi que les produits laitiers Made in France font florès sur ce marché qui bénéficie depuis quelques années d’une forte hausse du pouvoir d’achat des classes moyennes. « Le revenu brut moyen devrait doubler d’ici à 2040 », précise Bertrand Quievremont.
Loin de l’autonomie alimentaire, pourtant préoccupation phare des autorités, la Chine était en 2022 le premier importateur mondial de produits agricoles et agroalimentaires pour la troisième année consécutive. Une situation paradoxale pour le premier producteur mondial de porc et de céréales.
La consommation de viande a triplé en trente ans
« La Chine représente 18,3 % de la population mondiale mais dispose de moins de 10 % des surfaces arables et de 6,5 % des ressources en eau, explique François Blanc, conseiller régional pour les affaires agricoles au service agricole de l’ambassade de France à Pékin. A cela s’ajoute le mitage des terres agricoles, la pollution de l’eau et la baisse de fertilité des sols. Alors que la surface moyenne des terres arables disponibles par habitants atteint 0,3 ha en France, elle est de 0,1 ha en Chine ».
La hausse des importations agricole et agroalimentaire s’explique également par une évolution du régime alimentaire. Avec des revenus en hausse, les Chinois consomment de plus en plus de protéines animales qui, avec l’alimentation du bétail, représentent désormais 70 % des importations chinoises. La consommation de viande a été multipliée par 3 en trente ans et celle de produits laitiers par 26. « Les autorités encouragent une alimentation plus végétarienne, la lutte contre le gaspillage et des technologies diruptives comme les substituts de viande, témoigne le conseiller aux affaires agricoles. La premiumisation passe par des produits plus sains et plus qualitatifs. »
Les huîtres et la charcuterie ont le vent en poupe
Cette tendance a déjà profité aux alcools français (cognac, armagnac, vodka et brandy) qui représentent 67 % des importations de spiritueux en valeur (et bénéficient de la mode des cocktails chez les jeunes) et aux vins (45 % des importations, essentiellement du bordeaux).
Elle s’étend également à d’autres secteurs, observe Bertrand Quevremont : les produits laitiers, les produits de boulangerie, mais aussi les produits de la mer (en particulier les huîtres dont la demande est très forte), l’épicerie fine et la charcuterie dont les exportations françaises ne s’élèvent qu’à 2 millions d’euros mais possèdent une importante marge de progression.
Si ce gigantesque marché fourmille d’opportunités pour les entreprises françaises, son accès n’en demeure pas moins complexe : tracasseries administratives et réglementaires, difficultés à trouver le bon partenaire local ou le bon canal de diffusion… Ces obstacles que rencontrent les entreprises étrangères dans tous les secteurs sont étroitement liés à la vision du monde qui sous-tend la politique commerciale chinoise.
« La meilleure expression pour la qualifier serait celle qu’emploie l’économiste Albert Hirschman pour décrire l’Allemagne de la fin du 19e siècle et du début du 20e : Trade Power, estime François Blanc. Le commerce extérieur est un instrument de pouvoir. Il ne s’agit pas d’un mécanisme de libre-échange mais de négociations internationales, ce qui explique par exemple que les conditions d’accès au marché se négocient en permanence.
Malgré ces difficultés, des prix français souvent jugés peu compétitifs et la concurrence d’autres pays européens, les importations chinoises de produits français ont plus que triplé entre 2011 et 2021, passant de 2 milliards à 6,5 milliards de dollars. Pour François Blanc, « malgré le contexte, le marché chinois restera très porteur dans les dix prochaines années ».
Sophie Creusillet