Si la Suisse caracole en tête des classements des pays les
plus innovants au monde c’est en partie grâce à sa capacité à attirer des
talents et des savoir-faire étrangers. Et les jeunes talents français font partie de ses cibles.
Sans énumérer toutes les raisons qui font de la Suisse le
numéro un en matière d’innovation selon l’édition 2012-2013 du rapport sur la
compétitivité mondiale du World Economic Forum, il en est une qui sonne comme
une évidence. « La Suisse est le
seul pays au monde où les chercheurs sont mieux payés que les footballeurs»,
a résumé le professeur Dominique Foray, président de la chaire de management de
l’innovation de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (APFL) lors d’une
présentation organisée par le Swiss Business Hub le 19 septembre à Paris. Et le
professeur, d’origine française, d’ajouter : « Le campus de l’EPFL est le plus internationalisé au monde :
dans mon département par exemple, il n’y a qu’un seul Suisse ! ».
Mais il ne suffit pas de poser de l’argent sur la table,
fut-il suisse, pour attirer les talents étrangers. La confédération s’est ainsi
attelée à monter six projets dans le cadre du programme européen Future
Emerging Technologies Flagship qui vise à soutenir la recherche sur les
technologies à fort impact technologique et sociétal. Il s’agit de programmes
longs (sur dix ans) dont l’initiative et le pilotage sont financés par la
Suisse tandis que les industriels impliqués s’engagent à verser entre 50 % et
100 % des sommes versées par Bruxelles. Et ces dernières sont colossales :
un milliard d’euros sur dix ans par initiative !
Voici trois exemples de ces programmes :
1- Le projet FuturICT. Ce programme se donne pour ambition d’élaborer de nouveaux systèmes informatiques ne s’attachant
pas tant à leurs composants qu’à leurs intéractions. « Quand le crach boursier
du 6 mai 2010 a eu lieu il a fallu ensuite six mois d’investigation pour se
rendre compte que l’origine n’était pas humaine, mais informatique. Les bases
de données sont le pétrole du 21ème siècle et nous devons apprendre
à la raffiner », résume le Docteur Dirk Hebling, de la chaire de
sociologie, simulation et modélisation de l’Ecole polytechnique fédérale de
Zürich (EPFZ). LE CNRS et l’EHESS figurent parmi les 35 instituts de recherche
partenaires. Dans ce domaine, comme dans d’autres secteurs, l’excellence
française séduit, en particulier celle exercée dans les mathématiques. « L’EPFL est par exemple très attentive
à ce que font les jeunes diplômés français », confirme Dominique
Foray.
2- Human Brain Project. Même si ces projets n’impliquent pas, du moins dans un
premier temps, les entreprises de taille moyenne, les savoir-faire français,
incontestables dans le data mining (le fameux raffinage des données), font que
certaines petites structures collaborent déjà avec ces grands projets. C’est le
cas du programme Human Brain Project qui doit être présenté à la Commission
européenne le 23 octobre prochain. Il a pour ambition de combiner les acquis de
la médecine, des neurosciences et des mathématiques pour mettre en place de
nouveaux outils technologiques destinés à une meilleure connaissance du cerveau
humain. « Nous travaillons avec 21
pays et 70 collaborateurs dont de grands instituts comme le CNRS, le Commissariat
à l’énergie atomique ou l’Institut Pasteur, mais aussi une PME française qui
travaille sur le data mining », détaille le Docteur Richard
Frackowiak, chef du département de neurosciences cliniques du centre
hospitalier du canton de Vaud.
3- Guardian Angels. C’est en revanche une multinationale française, STM
Microelectronics, qui fournira au projet Guardian Angels, qui a pour objectif
de développer des systèmes intelligents autonomes d’informations personnalisées
dans le domaine de la santé, sa technologie « zero power » permettant
à des plateformes informatiques très sophistiquées d’être quasi autonomes sur
le plan énergétique.
Pharaoniques, ces projets menés sur un petit territoire
comme celui de la Suisse ont forcément besoin d’énergies extérieures, qui
travaillent à ce que la Suisse conserve sa place de champion en matière d’innovation.
Selon le professeur Dominique Foray « les coûts de ces projets sont
tellement énormes qu’on les optimise en réunissant le plus de partenaires du plus
grand nombre de pays possible ».
Sophie Creusillet