Stephen Harper et José Manuel Barroso ont finalement signé, vendredi 18 octobre, une déclaration politique qui met fin à quatre ans de négociations entre Bruxelles et Ottawa pour conclure un accord de libre-échange de nouvelle génération, puisqu’il couvre également l’investissement. Cet Accord complet sur le commerce et l’investissement (CETA) doit maintenant être validé des deux côtés de l’Atlantique – au Canada par les gouvernements provinciaux, en Europe, par les Etats membres et le Parlement européen – avant d’entrer en vigueur, probablement début 2015.
« C’est l’entente la plus importante jamais conclue par la Canada. Elle ouvre, à nos entreprises un marché d’un demi milliard de consommateurs », s’est félicité le Premier ministre Stephen Harper.
« L’accord est historique », a renchéri le président de la Commission. « C’est la première fois que l’UE conclut un compromis commercial avec un autre pays du G8 », a-t-il ensuite souligné.
Plus de 98 % des lignes tarifaires démantelées
Selon les dernières estimations publiées par l’exécutif européen, l’accord devrait accroître de 23 % les échanges commerciaux entre les deux blocs, générant 25,7 milliards d’euros supplémentaires par an. Dès la mise en œuvre du CETA, plus de 98 % des lignes tarifaires seront démantelées ; les droits industriels ramenés à zéro, soit « une économie annuelle de 500 millions d’euros pour nos entreprises », précisait José Manuel Barroso. Même résultats attendus dans le secteur agricole où 96 % des droits de douanes
seront éliminés au terme du processus.
Une aubaine pour la France, selon les services de Nicole Bricq, qui estiment que la baisse des droits de douane « pourrait permettre à nos entreprises exportatrices de biens agroalimentaires et industriels une économie d’environ 227 millions d’euros par an ». A l’échelle de l’UE ce sont les constructeurs automobiles et de pièces détachées ainsi que les secteurs de la chimie, du textile et des machines qui devraient le plus profiter de l’ouverture prochaine du marché canadien.
Dans le domaine agricole, les vins et spiritueux, les confiseries, les pâtes et surtout les produits laitiers, comme le fromage, sortiront gagnants de ce deal commercial, selon la Commission. « Nous avons aussi obtenu la protection des indications géographiques », a insisté le Président de l’exécutif européen citant la feta grecque ou le Comté français.
Dans le secteur des services, la libéralisation – pour les opérateurs de l’UE – « va au-delà de ce que le Canada a conclu avec les Etats-Unis dans le cadre de l’ALENA », explique un négociateur européen citant, comme principaux bénéficiaires, les entreprises actives dans les secteurs financiers, des télécommunications, de l’électricité ou des transports.
Ouverture des marchés publics et meilleure protection intellectuelle
Autres grandes victoires européennes : l’ouverture de tous les marchés publics canadiens, tant au niveau fédéral que provincial, mais aussi la garantie d’une meilleure protection intellectuelle, notamment en matière de brevets pharmaceutiques. Les obstacles non tarifaires seront également levés.
Une fois mis en place les mécanismes de coopération entre les autorités réglementaires des deux blocs, les gains en PIB pourraient atteindre 3 milliards par an.
Décrit à Bruxelles comme un accord « très équilibré », le CETA fait néanmoins trembler les producteurs de viande, en particulier en France et en Irlande. Si le Canada a accepté de doubler les quotas de fromages européens admis sur son territoire, il a obtenu – en échange – un meilleur accès au marché de l’UE pour sa viande de porc et de bœuf. « Je demande à la Commission de fournir rapidement tous les éléments sur les conséquences de cet accord sur l’élevage européen. Au moment où le Président de la République a fait de ce secteur une priorité nationale, je suis déterminée à obtenir toutes les assurances nécessaires et ce, dans les plus brefs délais », a rappelé Nicole Bricq.
A l’instar des écologistes, qui dénoncent un accord « nuisible sur le plan environnemental », la ministre française garde en ligne de mire les négociations, à peine entamées, avec Washington : « J’attends également de la Commission la confirmation que cet accord, notamment dans son volet agricole, ne servira pas de précédent pour la négociation qui s’engage avec les Etats-Unis ». Une préoccupation partagée par les associations de consommateurs qui s’inquiètent déjà d’une « arrivée massive de bœufs aux hormones dans nos assiettes », une fois bouclés les pourparlers UE/Etats-Unis.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles
Pour aller plus loin :
Détails de l’accord et estimations chiffrées sur le site de la Commission européenne :
http://ec.europa.eu/trade/policy/countries-and-regions/countries/canada/