Elle a pris « six pages de notes » lors d’une réunion avec les fédérations professionnelles sur ce sujet, et elle compte bien s’en servir pour imposer les « lignes rouges » de Paris dans le mandat de négociation qui sera confié à la Commission européenne pour l’accord de libre échange transatlantique: Nicole Bricq, ministre français du Commerce extérieur, n’a jamais paru aussi sûre de la ligne qu’elle défend sur la question des accords de libre échange lors d’une conférence de presse tenue aujourd’hui 25 mars. Il s’agissait, en l’occurrence, d’évoquer les résultats de la consultation qu’elle a lancée sur le projet d’accord de partenariat transatlantique entre l’Union européenne et les Etats-Unis.
Des industriels « favorables », mais une forte attente sur les barrières « non tarifaires »
Il est vrai que les négociations avec le Canada, lancées par la commission tambour battant l’an dernier, sont enlisées depuis plusieurs mois sur des points de blocages autour de la question de l’agriculture et de l’ouverture des marchés publics. Et que les résultats de la consultation sur le partenariat transatlantique sont allés au-delà de ses espérances : cinq fois plus d’organisations et d’entreprises que pour l’ALE UE-Japon y ont participé – 287, dont 165 entreprises et organisations professionnelles- montrant le grand intérêt suscité par ce projet et renforçant la légitimité de la position gouvernementale.
A cet égard, les résultats de cette consultation publique (dont la synthèse est dans le fichier attaché à cet article) semblent effectivement aller dans le sens d’un projet d’accord équilibré : côté intérêts « offensifs », les répondants sont « favorables » à un accord, mais il ressort du sondage qu’il y a une forte attente de tous les secteurs -incluant les services et la finance- sur la question des barrières non tarifaires, qui couvrent normes et réglementations, de même que sur les marchés publics. Côté intérêts « défensifs », des demandes de protections concernent notamment l’automobile, certaines filières agricoles, agroalimentaires et animales et bien sûr la diversité culturelle, en particulier l’audiovisuel.
Mots clés : pas de « précipitation », « un mandat clair et ferme »
Ne pas agir avec « précipitation », donner à la Commission « un mandat clair et ferme », prenant en compte les « secteurs sensibles » pour les Etats membres -pouvant aller jusqu’à « des exclusions »- mais aussi fixant les « lignes rouges » à ne pas franchir : tels ont été les mots clés de Nicole Bricq ce midi. Une méthode qui se justifie d’autant plus, à ses yeux, que l’Union européenne est le premier marché d’importation du monde et que cet accord, qui couvrirait 40 % des échanges mondiaux, s’imposerait comme une « norme » commerciale au reste du monde. Il est donc urgent de ne pas se précipiter, car les négociations « seront longues ».
En l’occurrence, les lignes rouges de Paris sont connues : la réciprocité, en particulier dans les marchés publics et les normes; un haut niveau d’exigence sociale et environnementale; et enfin le respect de la diversité culturelle. Le refus des OGM et des viandes aux hormones fait aussi partie de ces « lignes rouges » pour relever, selon Nicole Bricq, des « préférences collectives » en Europe.
Dans le cas du partenariat transatlantique, plusieurs sujets considérés comme mal couverts par les propositions actuelles de la Commission posent déjà problèmes à ses yeux. Et de citer l’insuffisante prise en compte du problème de la réciprocité dans l’ouverture des marchés publics américains (30 % contre 80 % pour l’UE), avec l’existence du « Buy American Act » et la fermeture totale de quelques 13 Etats fédérés (comme l’Alabama ou la Virginie), ou encore l’intégration de l’audiovisuel dans les négociations.
Munie de ces arguments, Nicole Bricq compte aller sonder ses collègues, mais aussi le Parlement européen, pour préparer la réunion des ministres du Commerce de l’UE qui doit se tenir les 18 et 19 avril à Dublin, au cours de laquelle chaque Etat membre doit donner son point de vue. « J’espère, d’ici Dublin, pouvoir faire une communication en Conseil des ministres pour renforcer notre position » a précisé la ministre.
Le temps presse car la Commission et l’Irlande, qui préside pour six mois l’UE, poussent à un lancement rapide des négociations et veulent que le mandat de la Commission puisse être adopté le 14 juin, lors d’un Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement. Un calendrier que Nicole Bricq, -qui a aussi prévu d’aller à Washington courant avril « vérifier » ce que les Américains sont réellement prêts à négocier au-delà des engagements très généraux pris par le président Obama lors de son discours sur l’état de l’Union- juge trop serré : « Il est hors de question de donner un mandat de négociation bâclé » a-t-elle martelé.
Christine Gilguy
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