Rien n´y fait. Hosni Moubarak, 82 ans, ne veut pas quitter le pouvoir qu´il occupe depuis trente ans, malgré la rue qui gronde et les appels des gouvernements occidentaux à un départ immédiat. Depuis hier, les pro et les anti-Moubarak s´affrontent place Tahrir, épicentre de la contestation au Caire. Des heurts de plus en plus violents ont fait plusieurs morts et de nombreux blessés.
Comme, au demeurant, l´opposition politique exige que le raïs quitte le pouvoir le 4 février au plus tard, le risque d´une guerre civile ne peut pas être écarté. Un risque supplémentaire qui pourrait amener très vite les agences de notation internationale à revoir une nouvelle fois leur classement de l´Egypte à la baisse.
Dans ces conditions de violence accrue, il n´est pas certain que les banques puissent reprendre leur activité dimanche 6 février comme prévu. Or, les salaires de janvier n´ont pas pu être versés. Les entreprises fonctionnent au ralenti ou sont fermées. Plusieurs sociétés françaises ont demandé à leurs salariés de quitter l´Egypte, « par prudence » à l´instar d´Accor.
De façon générale, ce sont surtout, encore aujourd´hui, les familles qui sont rapatriées. Le flot des départs, avec le retour des touristes, a provoqué pagaille et attentes à l´aéroport du Caire, la crise politique frappant ainsi de plein fouet le tourisme, un des poumons économiques de l´Egypte.
Les expatriés ne sont pas menacés. Le couvre-feu est appliqué entre 17 heures et 8 heures. Après les pillages des premiers jours – deux grandes surfaces de l´enseigne Carrefour ont, notamment, été détruites à Alexandrie et dans le quartier de Maadi au Caire – le petit commerce a rouvert, ce qui évite les pénuries alimentaires. Selon la rumeur, quelque 2 000 à 3 000 personnes ayant commis des exactions (agressions, vols…) auraient été arrêtées ces derniers jours.
La présence de l´armée dans les rues a permis d´éviter le chaos. C´est sur elle et ses 468 000 hommes que les chancelleries occidentales comptent pour assurer une transition politique qui éviterait à ce pays charnière entre le Proche et le Moyen-Orient de sombrer dans la guerre civile et de verser un jour dans l´islamisme.
Les observateurs, ces derniers jours, n´hésitent pas à rappeler que l´armée a tout intérêt à maintenir un régime stable dans le pays, tant ses intérêts économiques sont importants dans toute une série de secteurs. Mais, selon un fonctionnaire européen en poste au Caire, « l´armée, qui a produit tous les présidents depuis Nasser, est aussi respectée et aimée de la population ». Sa position sera donc « déterminante » dans la transition politique qui pourrait se dessiner.
Avec 120 filiales, essentiellement de grandes entreprises, employant au total 50 000 personnes, la France est très présente dans ce pays. « Une présence déjà ancienne, qui remonte à la politique d´ouverture économique voulue par le président Sadate », rappelle Vincenzo Nesci, à la tête de la section Egypte des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF). Les banques françaises, notamment, sont puissantes.
Mais, pour Vincenzo Nesci, il ne faut surtout pas que « les entreprises françaises oublient que l´Egypte constitue un grand marché de 81 millions d´habitants ». C´est une population huit fois supérieure à celle de la Tunisie par exemple, avec un Produit intérieur brut de 188 milliards de dollars en 2009.
En outre, estime le président de la section Egypte des CCEF, « l´Egypte, quel que soit son gouvernement, ne reviendra jamais sur l´ouverture économique ». La « dynamique de réforme » peut même être, selon lui, « renforcée » et les entreprises françaises, « compte tenu de leur bon niveau de relation économique », pourront en profiter « quand la situation sera apaisée ».
Des mesures sociales seront certainement prises. « La population veut plus de bien être et de consommation », observe Vincenzo Nesci. C´est pourquoi il parie sur « le retour des investissements dans des produits de consommation et des biens durables ».
François Pargny