Du grand groupe industriel à la PME, les entreprises françaises présentes au Japon sont impactées à différents titres par le tremblement de terre et le tsunami qui ont frappé l´archipel le 11 mars dernier. Le point, secteur par secteur.
« 420 entreprises françaises sont inscrites à la Chambre de commerce et d´industrie française du Japon, précise Gaël Austin, président de la société de conseil PMC Japan et de la section Japon des Conseillers du commerce extérieur. Elles représentent tous les secteurs d´activités : les biens de consommation, le luxe, les biens d´équipement, l´automobile, la pharmacie… Des grandes entreprises françaises sont présentes comme Air Liquide, Rhodia, Valeo, Veolia ou Axa, mais également de grosses PME dans les secteurs de l´industrie, de l´automobile, des logiciels, du luxe et de l´agroalimentaire. »
Deux cas de figure : soit le Japon représente pour elles un marché stratégique, soit elles fabriquent sur place et font face à des difficultés de production, comme c´est le cas dans l´industrie automobile. Nissan, partenaire de Renault et deuxième constructeur japonais – il fabrique 22 % de ses véhicules au Japon -, a fermé les sites de Tochigi et d´Iwaki jusqu´au vendredi 18 mars, et ceux d´Oppama, de Kyushu, de Shatai et de Yokohama jusqu´au mercredi 16 mars. Du côté de PSA Peugeot Citroën, son partenaire Mitsubishi, qui produit sur place deux véhicules électriques (la C-Zéro et l´Ion), a également fermé les portes de ses usines, sans préciser de date de reprise des activités.
L’automobile, premier secteur touché
Deux sites de production, sur les neuf que possède Valéo dans l´archipel, ont subi des dommages matériels et ont dû arrêter la production avant de la reprendre progressivement, lundi 14 mars. Le groupe, qui a également sur place deux centres de recherche et développement, est encore plus dépendant du Japon depuis qu’il a racheté récemment Niles, spécialiste nippon des commandes au volant.
Les entreprises automobiles ont dû essuyer des dégâts matériels, mais elle doivent également faire face à des coupures de courant, ainsi qu´à des difficultés d´approvisionnement auprès de leurs fournisseurs, eux-mêmes touchés. C´est aussi le cas d´Air Liquide, présent dans l´archipel depuis 1907 et dont le principal site de production se trouve à Niigata, dans l´Ouest du pays. En outre, le chimiste doit faire face à des difficultés logistiques pour livrer ses clients : « Nous travaillons en étroite collaboration avec les autorités japonaises pour fournir en oxygène les clients les plus critiques, à savoir les hôpitaux et les personnes soignées à domicile, ainsi que l´azote servant à la sécurisation de l´atmosphère dans l´industrie », précise-t-on au service communication.
Air Liquide a par ailleurs décidé, mardi 15 mars en fin de matinée, d´activer son « business continuity plan » (plan de continuation des activités). Le siège de Tokyo est provisoirement relocalisé à Osaka et les collaborateurs de l´entreprise sont invités à travailler à distance. Sur les 2 700 employés du groupe au Japon, tous sont sains et saufs. Chez Air Liquide, mardi 15 mars, « les éléments nouveaux ce sont les longues périodes de coupure de courant et des télécommunications dans la région de Tokyo ».
Le luxe devrait pâtir d’une baisse de la consommation
Pour d´autres entreprises françaises l´inquiétude porte sur un coup d´arrêt de l´économie nippone dans le sillage de la catastrophe qui a frappé le Japon le 11 mars. Le luxe risque ainsi de subir les conséquences du tremblement de terre et du tsunami qui a suivi. En effet, « il ne faut pas écarter le risque d´une baisse de la consommation », souligne Gaël Austin. L´archipel est le deuxième marché mondial de ce secteur, derrière les Etats-Unis et au coude-à-coude avec la Chine. Hermès, dont le Japon est le premier marché à l´international, y réalise 19 % de son chiffre d´affaires, l´Oréal 2,5 %, et le pôle luxe de PPR 14 %, tandis que l´archipel représente 9 % des ventes de LVMH.
Enfin, la filière nucléaire française pourrait pâtir d´un regain de défiance concernant cette énergie du fait des divers incidents provoqués par le tsunami dans plusieurs centrales nucléaires nippones. En ce sens, la bourse a déjà livré ses propres conclusions. Mardi 15 mars, à l´ouverture de la bourse de Paris, les certificats d’investissement Areva (des actions sans droit de vote) s’inscrivaient en baisse de 9,60% lors de leur reprise de cotation. Par delà la polémique sur le recours à cette énergie, c´est bien une possible catastrophe nucléaire qui inquiète la communauté d´affaires française. Pour Mathias Meyssignac, qui travaille pour PMC Japan, « nous sommes condamnés à faire confiance aux autorités japonaises, comme le disait hier un Japonais à la télévision ».
Installé depuis 23 ans Japon, Mathias Meyssignac n´a pas l´intention de partir : « La grosse interrogation porte sur le nucléaire et l´avenir me dira si j´ai raison ou non de rester. En attendant, il y a une dichotomie absolue entre les images terrifiantes qui sont diffusées en France et ce qui se passe ici. Il y a eu entre 6 000 et 8 000 morts et 200 000 Japonais ont été touchés. Ce que sont en train de vivre les gens qui ont perdu des proches est horrible. Mais à part ça et le risque nucléaire, les Japonais arrivent comme d´habitude à 9h30 au bureau et le calme règne. C´est business as usual ».
Sophie Creusillet