Fini les plafonds de couverture par pays. Le nouveau dispositif d´assurance-crédit de l´État sera géré selon trois catégories de risques : pays ouverts, ouverts sous conditions et non ouverts.
Le nouveau dispositif d´assurance-crédit de l´État français a été dévoilé le 2 février dernier à huis clos aux grandes entreprises françaises, banquiers et assureurs par le ministère de l´Économie et des Finances. Il est marqué par une simplification drastique : fini les plafonds de couverture par pays, plus ou moins élevés selon les opportunités d´affaires anticipées.
Désormais, les capacités d´assurance-crédit de l´État sont gérées dans le cadre de trois grandes catégories de risques pays. Tous les pays y sont inclus, ce qui simplifie grandement la lecture de la carte de la politique d´assurance-crédit (PAC) 2011 (voir ci-dessous en PDF la carte de la PAC 2011).
• pays ouverts (en vert). S´y retrouvent des pays de diverses catégories de risques OCDE, et, naturellement, tous les grands pays émergents prioritaires pour Bercy, dont les BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ;
• pays ouverts sous conditions (en jaune). Dans cette catégorie, se retrouvent principalement des pays classés en catégorie 5, 6 et 7 par l´OCDE, soit les trois catégories les plus risquées ;
• aucune possibilité de prise en garantie (en rouge). Pays non ouverts à l´assurance-crédit de l´État.
Cette simplification est d´abord la résultante d´une volonté d´assurer une meilleure flexibilité au dispositif, géré par Coface : « Le nouveau dispositif va notamment nous permettre de mieux gérer les capacités d´assurance, explique au Moci Benoît Cœuré, directeur général adjoint, chef économiste de la DG Trésor. Auparavant, avec les plafonds par pays, des capacités sur un pays pouvaient être inutilisées alors qu´elles manquaient sur d´autres pays. Désormais, les capacités seront gérées à l´intérieur de chaque grande catégorie de risque, qui couvre plusieurs pays, et non plus par pays. » Elle vise aussi à rendre plus lisible la PAC aux PME : « Cette simplification va aussi dans le sens d´une meilleure communication en direction des PME et ETI, qui connaissent moins bien le dispositif que les grands groupes. »
La carte de la PAC 2011 témoigne par ailleurs du maintien d´une politique volontariste en matière de soutien aux exportateurs français : une douzaine de pays seulement sont exclus, soit pour des raisons d´embargo ou de sanctions politiques internationales (parmi lesquels la Côte d´Ivoire), soit parce que leur situation financière est trop fragile (pas de nouveaux emprunts possibles dans le cadre d´accords avec le FMI). Et l´ouverture est large sur les pays émergents.
Cette orientation s´inscrit dans un contexte d´après-crise, alors que les gisements de croissance restent plus que jamais dans les zones émergentes. « Il s´agit d´adapter notre dispositif à l´évolution des marchés, souligne Benoît Cœuré. Il reste une base solide dans les pays OCDE, où réussissent nos secteurs traditionnels d´excellence comme l´aéronautique. Mais la croissance la plus forte se situe dans les pays émergents, qui génèrent les opportunités d´affaires les plus nombreuses, mais aussi les plus risquées. C´est pourquoi Christine Lagarde, ministre de l´Économie, et Pierre Lellouche, secrétaire d´État chargé du Commerce extérieur, nous ont demandé de faire évoluer le dispositif. »
Et de citer des pays comme le Kazakhstan, où les entreprises ont déjà connu quelques succès, ou encore l´Irak, où la PAC a été rouverte l´an dernier pour les transactions à court terme – qui se règlent à moins d´un an (commerce courant) – comme pour les contrats à moyen terme – délais de paiement supérieurs à un an.
Malgré la reprise, le financement de certains contrats poserait toujours problème : « Les conditions des banques se sont stabilisées, mais elles n´ont pas retrouvé leur niveau d´avant-crise, avance le directeur général adjoint de la DG Trésor.
Il existe des segments d´activité qui ne sont plus couverts par le marché et où les conditions de financement bancaire restent difficiles. La politique d´assurance-crédit publique est là pour combler ces vides du marché : nous demandons d´ailleurs à Coface de vérifier auprès des demandeurs s´ils ont sollicité le marché privé et quelles réponses ils ont eues. » Enfin, il s´agit de préserver l´avenir au moment où l´État est amené à porter de plus gros risques dans un environnement concurrentiel exacerbé : « Nous prenons en garanties des projets de plus en plus gros, et sur des durées de financement plus longues. Cette évolution est due à la taille des marchés et à la nature des projets, qui concernent souvent des infrastructures de transport ou encore d´énergie, analyse Benoît Cœuré. Jusqu´à présent, dans le portefeuille Coface, les projets très risqués, dans les pays émergents, étaient compensés par ceux peu risqués, pris dans les pays OCDE, comme par exemple dans l´aéronautique ou le militaire.
La sinistralité était très faible : à peine 25 millions d´euros de pertes en 2010 sur un portefeuille de 60 milliards d´euros d´encours. Désormais, nous devons prendre des affaires qui ont des profils de risques plus élevés : d´où la nécessité d´introduire plus de flexibilité dans notre gestion des risques pays et, en contrepartie, d´être très vigilants sur le contrôle du risque. » Un souci qui rejoint les recommandations faites par la Cours des comptes dans son dernier rapport annuel, paru le 7 février à la Documentation française. En 2010, l´État, via Coface, a assuré pour 15 milliards d´euros de contrats d´exportation (après 20 milliards en 2009), dont 13,1 milliards dans le secteur de l´industrie civile et le reste pour le militaire. Si les États-Unis sont arrivés en tête (3,3 milliards), l´Arabie Saoudite (1,154 milliard) et Dubaï (1,046 milliard) se sont hissés au top 3 des pays bénéficiaires. Parmi les bénéficiaires, on trouve également la Malaisie, le Maroc, la Chine, le Brésil et l´Inde.
Christine Gilguy
Les nouvelles catégories de risques
Le nouveau dispositif de la PAC ainsi que l´évolution des accords OCDE a impliqué la mise en place d´une nouvelle gestion des risques pays. Une distinction a été introduite entre les risques souverains (sur les États ou des entités publiques bénéficiant de la garantie de l´État) et les risques non souverains (sur des entités non étatiques, comme les collectivités locales ou les entreprises) :
• les risques souverains sont regroupés dans 5 catégories allant du plus faible risque (0) au plus élevé (7) : de 0 à 3, 4, 5, 6 et 7. Seuls les pays des catégories 4 à 7 bénéficient de plafonds d´assurance-crédit ;
• les risques non souverains font, depuis 2010, l´objet d´une classification différentes au niveau de l´OCDE, allant du risque le plus faible au plus élevé : A, B, C, D. Seuls les risques des catégories B à D bénéficient de plafonds d´assurance-crédit.
C. G.
L´assurance-prospection fait davantage recette
Le bilan de la politique d´assurance-crédit export, dévoilé le 2 février à huis clos par le ministère de l´Économie et des finances aux milieux d´affaires et financiers, laisse apparaître un succès grandissant de l´assurance-prospection, aide à l´export phare des PME. Les budgets accordés aux entreprises ont atteint un total de 219 millions d´euros et le nombre d´entreprises bénéficiaires a bondi de 5 574 (fin 2008) à 7 141 (fin 2010). L´objectif des 10 000 entreprises bénéficiaires d´ici à 2012 a été maintenu, rappelle-t-on à la DG Trésor.
Autres aides en augmentation : la garantie de change, qui est tout autant utilisée par les grands groupes que par les PME dans le cadre d´appels d´offres internationaux. Le nombre de dossiers a atteint 668, contre 540 en 2009 et les couvertures accordées ont presque doublé de montant (3,3 milliards, après 1,8 milliard en 2009.
C. G.