Dix ans après leur création, les pôles de compétitivité doivent entrer dans une nouvelle phase, celle d’une meilleure industrialisation et d’une plus forte internationalisation. Tout autant l’Etat que certaines Régions oeuvrent en ce sens. Pour comprendre cette évolution la Lettre confidentielle a interrogé, en marge de la 3e édition de Mif Expo, le Salon du Made in France à Paris Porte de Versailles du 14 au 16 novembre, Xavier Merlin, le chef du nouveau service Action territoriale, européenne et internationale à la direction générale des Entreprises (ex-DGCIS) à Paris (la DGE parrainait le Mif Expo auquel participaient 33 pôles de compétitivité sur le pavillon Innovation) et Jean-Yves Longère, directeur général de la toute nouvelle Agence de l’innovation et de l’internationalisation des entreprises de la Région Provence-Alpes Côte d’Azur (Paca) à Marseille.
Ces deux responsables sont des hommes neufs dans leur fonction, puisque le premier, il y a quelques mois, traitait les dossiers de l’industrie numérique au ministère et que le second, le mois dernier, pilotait Pégase, le pôle de compétitivité de Paca regroupant industriels et organismes de recherche et formation de la filière aéronautique et spatiale.
Cap sur «la réalisation du produit et sa vente sur le marché »
Première révélation, Emmanuel Macron, ministre de l’Economie, de l’industrie et du numérique, qui a la tutelle de la DGE, n’aurait « pas forcément les mêmes idées » que son prédécesseur à l’Industrie, Arnaud Montebourg, qui avait supprimé la distinction d’origine entre les pôles de compétitivité à vocation mondiale et les autres. Le nouveau maître du ministère pense que « les pôles ne sont pas tous identiques », indique Xavier Merlin, ajoutant que « si la direction générale des Entreprises a remplacé la direction générale de la Compétitivité, de l’industrie et des services, la compétitivité reste, quoi qu’il en soit, le mot clé ». Pour les pôles de compétitivité, « cela signifie que dans leur nouvelle phase quinquennale de développement entre 2013 et 2018, ils doivent orienter leurs activités du projet d’innovation à la réalisation du produit et sa vente sur le marché », précise notre interlocuteur.
A Marseille, Jean-Yves Longère tient un discours similaire. Pour lui, « les pôles doivent aujourd’hui passer de l’union à projets à l’usine à produits et à l’export ». Sachant que l’innovation permet la différenciation et donc l’internationalisation, Xavier Merlin pointe le fait que les entreprises membres des 71 pôles de compétitivité représentent déjà près des deux tiers des exportations de l’ensemble des sociétés françaises. Mais aujourd’hui pour que les pôles poursuivent leur internationalisation et renforcent leur action au service des PME exportatrices, il faut sans doute que certains réfléchissent à des regroupements « pour s’améliorer, pour accéder à la taille critique, pour pouvoir s’inscrire dans le contexte international », précise Xavier Merlin. Pour autant, ajoute-t-il, « les pôles ne sont pas les objets de l’État », ce qui signifie que ce sont aux acteurs régionaux d’agir dans le cadre de leur politique industrielle, de constitution de grappes et clusters et d’attractivité du territoire.
Le ministère fournit juste des crédits d’animation pour la gouvernance des pôles. « Et ce n’est pas parce que le volume, qui est aujourd’hui de 16 millions d’euros, va en être réduit de 15 % dans le contexte général d’économie budgétaire, qu’il faut s’inquiéter », assure Xavier Merlin, qui met en avant « les 100 millions d’euros de crédits que l’État va continuer à fournir pour l’accompagnement des entreprises ». A cet égard, l’État finance quelque 25 missions d’entreprises par an dans le cadre d’une convention signée avec Ubifrance, ce qui a permis d’accompagner 800 PME au total dans le monde.
Les fonds européens pour compenser les réductions de subventions
Deuxième révélation, pour grossir en période de tensions budgétaires, les pôles de compétitivité doivent chasser les fonds européens. Certains le font déjà, mais pas tous, et la DGE veut les pousser à faire mieux. En Paca, la nomination de Jean-Yves Longère par le Conseil régional de Paca à la tête de l’Arii, une agence créée cette année, s’explique en partie par sa bonne connaissance des mécanismes européens. « J’ai travaillé dans une logique de projets et de financements combinés sur des projets d’investissement d’avenir. Et si nous voulons avoir des projets de grande envergure dans le futur dans la région, il faut être en mesure de financer à la fois l’ingénierie, les bâtiments, les plateformes de recherche ou les études de marché », expose l’ancien pilote du pôle Pégase.
La DGE peut faciliter l’accès aux fonds européens. « Dans le programme Horizon 2020, d’un montant global de 79 milliards d’euros entre 2014 et 2020, il y a des crédits pour des projets innovants, pointe Xavier Merlin, et la DGE s’associe aussi à des projets collaboratifs ayant besoin de crédits européens ». En l’occurrence, depuis 2007, cette administration a dépensé 400 millions d’euros, un euro mobilisé ayant permis aux entreprises bénéficiaires de profiter aussi de 15 euros de subventions européennes.
« Il faut, certes, des dispositifs de soutien et des appels d’offres, mais il faut aussi identifier des projets structurants, présentant un potentiel de création d’emplois locaux », insiste pour sa part Jean-Yves Longère, qui estime que, pour remplir sa mission, l’Arii (23 personnes) devra être renforcée à terme, notamment avec des spécialistes de l’ingénierie dans la gouvernance de grands projets. Aujourd’hui les pôles de compétitivité ou autres clusters régionaux en Paca pilotent quelque 30 projets. Le directeur général de l’Arii estime que dix seraient suffisants, quitte à en regrouper certains. Des précisions sont attendues lors du prochain Comité stratégique des acteurs économiques de la structure, qui se tiendra à la mi-décembre. Cette réunion sera l’occasion de fixer la feuille de route 2015 de l’Arii.
François Pargny
Pour prolonger :
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–Pôle de compétitivité : le dernier tableau de bord est en ligne (DGCIS)