Lundi 7 septembre au matin, Medef International avait invité l’ambassadeur de France en Ukraine… plus exactement les ambassadeurs, puisqu’Isabelle Dumont, qui a participé il y a quinze jours à la Semaine des ambassadeurs (*), n’a pas encore remis ses lettres de créance, et qu’Alain Rémy, annoncé en République démocratique du Congo (RDC), représente toujours la France à Kiev.
D’après nos sources, pendant le débat à huis clos du Conseil des chefs d’entreprise France-Ukraine, qui a duré deux heures (8h30-10h30), Alain Rémy a alerté la quarantaine de participants sur l’omniprésence des États-Unis, qui « ont formé la police de Kiev », aujourd’hui « forment la nouvelle police des autoroutes », également « investissent dans l’agriculture » et sont «très présents en Russie ».
« La France agit peu »
« L’omniprésence américaine aura été d’autant plus remarquée que la France agit peu », assure à la Lettre confidentielle un opérateur économique présent lors de la réunion de Medef International. Associé gérant de Lazard, le franco-serbe Bozidar Djelic a ainsi déploré la faiblesse des instruments du type fond d’études Fasep et garanties publiques Coface. Selon les intervenants, un exemple criant de cette faiblesse est le manque de financement pour un projet de terminal portuaire à Odessa, pourtant essentiel à l’acheminement des denrées des groupes français Soufflet ou Louis Dreyfus.
Les Américains ne sont pas, au demeurant, les seuls à chercher à valoriser les atouts de l’Ukraine. « Les Allemands ont compris qu’ils pouvaient tirer parti, comme ils l’ont fait en Europe centrale, de ce pays comme plateforme de sous-traitance », confie à la LC un autre participant à la réunion de Medef International. Dans la mécanique notamment, le voisin de la Russie dispose d’une main d’œuvre compétente et peu coûteuse, « même moins chère que la main d’œuvre chinoise » précise notre interlocuteur. Selon le patron d’une ETI (entreprise à taille intermédiaire) présent dans la salle, qui possède deux usines similaires pour le même produit en France et en Ukraine, la masse salariale dans cet État d’Europe de l’Est est dix fois moins élevée que dans l’Hexagone.
Vers un forum d’investissement à Paris
Il est donc important de réagir et la France pourrait accueillir à Paris un forum d’investissement sur l’Ukraine. Un projet qui paraît d’autant plus souhaitable que les Ukrainiens ont besoin des investissements directs étrangers (IDE) pour relancer une économie à la dérive – à cet égard, se pose la question de savoir si Kiev doit créer une agence spécifique pour attirer les IDE – et que, pour séduire les opérateurs tricolores, il faudra bien s’entendre sur certaines questions qui fâchent. En particulier le règlement des arriérés de TVA dus par l’ État ukrainien aux entreprises, pour lesquels les autorités nationales ont accumulé des retards significatifs, selon Thomas Moreau, qui préside la Chambre de commerce franco-ukrainienne (CCFU).
La dette de l’Ukraine a été reprofilée et, d’après Lazard, le pays devrait pouvoir payer ses dettes jusqu’à la fin de l’année prochaine. En outre, les réserves de gaz seraient supérieures à ce qu’elles étaient il y a un an à pareille époque. La capacité de stockage est aussi importante (30 milliards de m3), mais Kiev devra à nouveau entamer des discussions avec Moscou pour l’acheminement du gaz dont il a besoin pour cet hiver. « En attendant, on ouvre les fenêtres en hiver tant il fait chaud », déplorait un intervenant, qui a conseillé aux entreprises françaises d’investir dans l’efficacité énergétique en Ukraine…
François Pargny
(*) Lire dans la LC de la semaine dernière : Échos de la semaine des ambassadeurs : malgré les sanctions, les ponts entre la France et la Russie restent ouverts