Négociateurs européens et japonais ont entamé le 29 février, à Bruxelles, une nouvelle semaine de discussions techniques, le 15e round depuis le lancement des pourparlers de libre-échange entamés en avril 2013. Si les négociations ont connu un coup d’accélérateur au lendemain du sommet Union européenne (UE) /Japon, le 29 mai 2015 – à l’issue duquel les dirigeants des deux camps s’étaient engagés à aboutir à un accord d’ici fin 2015 – les points d’achoppement restent nombreux.
« Malgré quatre sessions de discussions organisées depuis le sommet bilatéral, les avancées concrètes sont limitées », confiait ainsi au Moci une source communautaire. Motif invoqué côté européen? Le refus de Tokyo de céder aux exigences de l’UE sur quatre domaines sensibles : l’accès au marché pour les biens, les mesures non tarifaires, les marchés publics et les indications géographiques (IG). Inscrits au menu des discussions cette semaine, ces chapitres risquent de donner lieu à de nouveaux blocages, pronostiquent les équipes de la Commission, sans donner plus de détails.
La signature du TPP a renforcé Tokyo face à l’UE
Dernièrement peu d’informations ont été distillées, ces pourparlers ne bénéficiant pas de la même médiatisation que ceux engagés entre l’UE et les Etats-Unis pour conclure le TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership), le partenariat transatlantique de libre-échange. Aucune conférence de presse, par exemple, n’a été prévue à l’issue de cette nouvelle semaine de travail. La DG Commerce n’a pas annoncé la tenue de ces discussions sur son site web ni même publié un résumé officiel des sujets inscrits à l’ordre du jour, comme elle le fait, avant chaque session, dans le cadre du TTIP.
« On constate une frustration croissante au sein de la Commission ou des Etats membres devant l’attitude des Japonais », résume un expert de la commission du Commerce international au sein du Parlement européen. Lors du lancement des pourparlers, « l’UE était en position de force », ajoute-t-il. Bruxelles avait même donné un an à Tokyo pour démontrer sa bonne volonté en éliminant certaines barrières non tarifaires, faute de quoi elle menaçait de mettre un terme aux négociations.
Mais depuis, le Japon a signé le Partenariat transpacifique (TPP/Transpacific Partnership) avec les Etats-Unis et dix autres pays, représentant ensemble 40 % de l’économie mondiale. Une étape qui a considérablement renforcé la position de Tokyo dans les négociations en cours avec l’UE. « Ils exigent désormais que certains termes de l’accord soient similaires à ceux signés dans le cadre du TPP », s’inquiète un proche de la commissaire au Commerce. Et pour répondre à ces demandes, « les Européens devraient être prêts à faire des concessions sur des sujets sensibles comme les IG, les marchés publics, la mobilité des professionnels et les taxes à l’importation sur la viande de porc ou les produits céréaliers », détaille Iana Dreyer, rédactrice en chef du site borderlex.eu, un portail européen dédié aux questions commerciales et d’investissement.
A la tête de la présidence tournante de l’UE depuis le 1er janvier, les Pays-Bas ont tenté de relayer, à Tokyo, les inquiétudes des Européens. « Les termes du TPP ne peuvent tout simplement pas être copiés/collés dans le futur accord de libre-échange UE/Japon », avait averti le Premier ministre Mark Rutte, donnant l’exemple du secteur agricole dans son pays « composé essentiellement de petites exploitations familiales, loin du modèle intensif qui prévaut aux Etats-Unis ».
Les Japonais ont également fait savoir récemment leurs réticences concernant les nouvelles propositions européennes en matière d’arbitrage pour remplacer l’actuel mécanisme de règlement des différends investisseurs/Etats (ISDS). Keiichi Katakami, l’ambassadeur du Japon à Bruxelles, estime en effet que la création d’une cour permanente prendrait des années à se concrétiser. Selon lui, le chapitre du TPP relatif à la protection des investissements donne aux Etats les garanties suffisantes. « Nous sommes favorables à l’ISDS », ajoute-t-il, laissant entrevoir peu de marges de négociations sur ce sujet sensible côté européen.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles