Les opérateurs sur place en Malaisie semblent de plus en plus convaincus que la SNCF est « hors jeu » pour la réalisation du train à grande vitesse (TGV) qui doit relier Singapour à Kuala Lumpur.
Après les propos de Jean-Jacques Husson, président de la section Malaisie des CCEF (Conseillers du commerce extérieur de la France), dans le Guide Business Malaisie du Moci (n° 1971 du 18 septembre 2014), affirmant que «les chances de la France d’obtenir ce grand contrat de TGV sont compromises par le coût trop élevé de sa technologie et un manque de sérieux dans le suivi du dossier par la SNCF », les langues se délient plus facilement.
« Les Malaisiens sont très courtois, mais ils ont aussi une approche très business, complète ainsi pour la Lettre confidentielle un observateur malaisien, selon lequel « ce qui intéresse les Malaisiens dans le cas présent c’est un ouvrage qui fonctionne bien » et « ce n’est pas seulement la qualité, l’innovation comme les Français semblent le penser», mais aussi « la compréhension de l’environnement domestique et régional mâtiné d’un peu d’offset local ». L’interlocuteur de la LC estime que faute de l’avoir compris, la SNCF est « hors course » au profit « peut-être du japonais Mitsubishi ou encore de l’allemand Siemens » et que le génie civil reviendra à des sociétés locales. « Je suis persuadé, ajoute-t-il, que les choix sont déjà effectués ».
Au fil du temps, la ligne à grande vitesse imaginée par la Malaisie est devenue un projet « très politique », explique-t-on à Kuala Lumpur. Début 2013, les deux premiers ministres, le Singapourien Lee Hsien et son homologue Najib Abdul Razak, ont affirmé ensemble leur volonté de réaliser ce TGV, qui doit réduire la durée de trajet de 6 heures le jour et 8 heures la nuit (via les chemins de fer malaisiens KTMB) à 90 minutes. « Il faut se souvenir que la quatrième mouture du projet, à laquelle la SNCF avait contribué, a été refusée parce que le coût en était trop élevé et que c’est le comité malaisien des travaux publics qui a relancé l’opération, à laquelle s’est ensuite associé Singapour », rappelle Michel Papazoff, représentant régional de l’Union internationale des chemins de fer (UIC).
A qui va profiter le plus cet ouvrage ? Les deux pays ont-ils le même intérêt dans l’opération ? Selon Richard Fostier, P-dg de Colas Rail Asia, « c’est Singapour qui aurait le moins intérêt à la grande vitesse ». Le risque est que des entreprises internationales établies dans la cité État « choisissent de poursuivre leur développement de l’autre côté de la frontière, parce que les coûts d’exploitation sont moindres et que des terrains sont disponibles », a-t-il précisé à la LC, en marge d’une conférence que le Moci a organisée à Paris le 1er octobre, en partenariat avec CCI France Malaysia et les organismes publics malaisiens Invest KL et Mida (Malaysian Investment Development Agency) sur le thème du « Grand Kuala Lumpur, plateforme d’innovation et de croissance en Asie ». Lee Hsien et Najib Abdul Razak ont fixé 2020 comme date butoir à la réalisation de ce TGV de 375 kilomètres
François Pargny