« Nous avons remis ce matin au secrétaire d’État au Commerce extérieur, Matthias Fekl, nos propositions pour aider l’export de la filière santé, qui est devenue une priorité nationale », a indiqué à la Lettre confidentielle Béatrice Kressmann, Conseiller du commerce extérieur de la France (CCEF) d’Ile-de-France et ex-directrice des Affaires européennes et internationales du Leem (Les entreprises du médicament), à l’issue d’une conférence sur « les atouts et contraintes du secteur santé à l’international » que les CCEF ont organisée, le 14 octobre, à la Grande Halle de la Villette, dans le cadre du salon Export France.
Elle faisait allusion à la remise le matin même par Arnaud Collin du Bocage, président de la section Ile de France des CCEF, de propositions pour améliorer le commerce extérieur de la France au secrétaire d’État. Parmi ces propositions, il faut « aller au-delà » de ce qui a déjà été réalisé, et le secteur de la santé a manifestement des idées concrètes sur le sujet.
Car d’un côté, les industriels de la santé saluent le renforcement des liens privé/public, la volonté politique de faire de la famille de produits « mieux se soigner » une priorité, ou encore la mise en place d’un Comité stratégique de filière (CSF) des industries et technologies de santé. D’un autre côté ils observent avec inquiétude que la filière souffre toujours de la crise économique et de la montée du protectionnisme.
Dans ce contexte, les clubs santé, initiés sous Nicole Bricq, ex. ministre du Commerce extérieur, ont été utiles. Plusieurs ont été constitués dans des pays jugés prioritaires, sous l’égide d’Ubifrance et d’une entreprise, en Chine notamment (avec Ipsen), mais aussi en Russie (Pierre Fabre), au Brésil et en Algérie (Sanofi), en Italie (Théa). Un nouveau club est envisagé aux États-Unis a dévoilé, lors de la conférence, Didier Véron, vice-président senior Affaires publiques et communication d’Ipsen. Selon lui, le club Chine réunit aujourd’hui « 100 membres ayant développé des synergies, soutenant des PME et dialoguant avec les autorités françaises ».
Mais pour Serge Régnault, qui préside le Snitem (Syndicat national des industries et technologies médicales), « si les clubs santé sont une belle réussite, ils permettent seulement aux entreprises de mettre un premier pied à l’étrier ». C’est pourquoi « il faut maintenant que les préconisations des clubs géographiques soient mises en œuvre, notamment la facilitation des visas des professionnels étrangers », a renchéri Béatrice Kressmann. Le cas des médecins algériens invités en France, obtenant difficilement ou pas du tout leur visa, a ainsi été cité.
Autre souhait adressé à Matthias Fekl : « systématiser la collaboration entre les instances françaises chargées du développement international et celles en charge de la Santé. Il faut de la transversalité entre ministères », souligne Béatrice Kressmann. « L’absence du ministère de la Santé dans le développement international est jugé catastrophique par les industriels » a-t-elle expliqué à la LC. Des propos repris par un industriel, qui déplore le «désintérêt » de la ministre des Affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine.
La conférence du 14 octobre a permis d’émettre d’autres propositions, « qui seront transmises également à Matthias Fekl », a promis Béatrice Kressmann, comme « la constitution de structures ombrelle ou consortiums pour vendre de façon globale ». Nicolas Vaillant a ainsi expliqué que 8 PME de 5 à 180 personnes se sont associées dans le domaine de la prise en charge du patient depuis deux ans et demi, créant ainsi la société Clinifit qu’il dirige. Cette alliance a permis de gagner des contrats en Belgique, puis en Afrique de l’Ouest, les avantages étant pour chaque participant d’alléger ses investissements, de dégager des délais d’exécution plus courts et d’accéder aux réseaux des autres partenaires pour conquérir de nouveaux marchés.
La liste des autres propositions est longue et ne manque pas d’intérêt tant cette filière a des besoins spécifiques. Béatrice Kressmann a déroulé cette véritable boite à idées : développer la formation des acteurs français, « les préparer à l’international et au gap culturel » – et des étudiants et médecins présents dans l’Hexagone ; fournir sur place aux entreprises un kit d’informations standardisé, spécifique au secteur de la santé ; compenser le manque de compétences pointues dans la santé dans les bureaux d’Ubifrance à l’étranger, en y plaçant des référents pour les entrepreneurs au moins dans les pays prioritaires ; simplifier les aides et les procédures à l’export « qui ne concernent pas la santé où tout est plus complexe », en publiant « par exemple un guide spécifique des aides à l’export » ; mettre en place des appuis spécifiques pour faciliter les formalités (pour les dépôt de brevets, les enregistrements de produits…) ; créer des incitations fiscales sous forme de crédit impôt export ; et mettre fin à la chute en cascade des prix de vente….
Enfin, les prix du médicament, sujet délicat. « En France, les prix sont à la baisse et comme de nombreux pays prennent le nôtre comme référence, les industriels français en souffrent. Pire, assure Didier Warlin, directeur des Affaires publiques et du Market Access de Guerbet, nous sommes encore pénalisés quand certains États pratiquent des baisses supplémentaires ». Ce serait notamment le cas de la Turquie, car non seulement le prix français y est la référence, mais il est converti en monnaie locale, ce qui revient à une baisse réelle. Selon Didier Warlin, la France devrait « règlementer les prix ». Une solution serait ainsi « d’avoir un prix pour le marché domestique et un autre pour l’export ».
François Pargny