In ou out ? « S’il y a un sentiment que l’on n’aime pas au sommet de l’État en Pologne s’agissant de l’Europe, c’est de se sentir out », explique-t-on, sans rire, à Varsovie. Or, le peuple polonais, bien qu’europhile, lui, ne veut pas d’une entrée dans la zone euro. Tout le contraire donc « des élites qui craignent avant tout d’être marginalisées, tenues à l’écart des décisions les plus importantes concernant l’Europe », explique un diplomate européen à la Lettre confidentielle.
« Les politiques en Pologne ont peur de la création d’un budget propre à la zone euro, alimenté et donc pris sur le budget général, et même de la formation d’un Parlement bis, ce qui reviendrait à formaliser un Parlement à deux vitesses », confirme Ignacy Niemczycki, Senior analyste au think tank Insight Polityka, à Varsovie.
Peser davantage sur les décisions en Europe, c’est, d’ailleurs, un des arguments agités récemment par le président de la Banque centrale, Marek Belka, pour infléchir sa position sur le sujet, alors qu’il était totalement opposé jusqu’alors à l’abandon de la monnaie nationale, le zloty. Il estime, toutefois, que son pays, avant d’entrer dans la zone euro, doit monter en gamme, « sa spécialisation sectorielle » étant encore fondée sur de faibles coûts et un taux de change structurellement sous-évalué.
« Le peuple polonais supportait l’euro fort avant la crise », rapporte Ignacy Niemczycki. Mais « avec la monnaie européenne, les Polonais craignent maintenant une augmentation des prix », complète un industriel rencontré à Varsovie. « Officiellement, assure encore un fonctionnaire européen, on nous dit qu’on a vocation à entrer dans la zone euro et qu’on veut être au cœur du réacteur ». Or, s’agace un diplomate étranger, « les Polonais, quand ils sont entrés dans l’Union européenne en 2004, savaient parfaitement que leur Constitution en l’état leur interdisait l’adoption d’une autre devise. Et ils se sont bien gardés de nous avertir ». Quand on évoque ce sujet auprès des Polonais, on joue l’étonnement, indiquant que « l’on en avait l’intention » et que « c’est le désir que l’on a exprimé à l’époque qui compte ».
De façon concrète, pour entrer dans la zone euro, la Pologne doit abolir ou modifier deux articles de la Constitution, le premier indiquant que la monnaie nationale est le zloty et le second que la Banque centrale mène la politique monétaire. Or, pour changer la Constitution, il faut être appuyé par les deux tiers du Parlement, ce que ne peut pas, vu l’état des forces politiques, obtenir le Premier ministre très europhile Donald Tusk, en poste depuis 2007.
Comme en 2015 se dérouleront des élections présidentielles au printemps et surtout législatives à l’automne, on ne prévoit pas une issue heureuse avant 2020… au cas, évidemment, où Donald Tusk « repasserait ». C’est « tout à fait possible », mais « une défaite des partis au gouvernement ne peut pas être exclue », affirme, prudemment, un observateur de la vie politique à Varsovie. Un référendum sur l’introduction de l’euro, après les élections, ne semble pas non impossible si le verrou politique demeure.
De notre envoyé spécial en
Pologne
François Pargny