L’Organisation mondiale du Commerce (OMC) a rendu son verdict lundi 18 janvier : les droits antidumping imposés par l’Union européenne (UE) sur les vis, écrous et boulons de fer et d’aciers fabriqués en Chine sont jugées illicites par le gendarme mondial du commerce. L’UE doit à présent se conformer à cette décision faute de quoi « la Chine en tirera les conséquences », a immédiatement averti le ministère chinois du Commerce dans un communiqué.
Déboutée en appel, après sept années de batailles juridiques, l’UE risque donc à son tour d’être la cible de sanctions commerciales, ce qui serait une première depuis l’adhésion de la Chine à l’OMC. « Ces mesures ont des effets négatifs sur des exportations de la Chine représentant autour du milliard de dollars et sur plus de 100 000 emplois de milliers de producteurs de systèmes de fixation de Chine », précise le communiqué chinois. Les préjudices causés à l’industrie locale sont également confirmés par une étude du Centre de commerce international (International Trade Center), un organisme conjoint des Nations-Unies et de l’OMC. Selon cette analyse, après avoir culminé à plus d’un milliard de dollars en 2008, les exportations des produits chinois concernés ont chuté à 200 millions d’euros, un an plus tard, après l’imposition des mesures antidumping.
En plein débat sur l’octroi du statut d’économie de marché
Cette décision de l’Organe de règlement des différents (ORD) intervient alors que la Commission prépare son avis sur l’octroi, ou non, du statut d’économie de marché à la Chine. Attendu ce moi-ci, l’exécutif européen a annoncé, la semaine passée, que la question ne reviendrait sur la table qu’au cours du deuxième semestre. « Selon Juncker, le dossier doit être examiné sous tous ses angles compte tenu de son importance et de son impact potentiel tant sur le commerce international que sur l’économie européenne », a expliqué le porte-parole du président de l’exécutif.
Or les avis divergent, d’abord au plan légal. Certain experts estiment en effet que l’octroi de ce statut doit être automatique quinze ans après l’adhésion de la Chine à l’OMC, soit cette année. D’autres avancent un engagement sous conditions. Le statut d’économie de marché dépendrait donc de plusieurs paramètres. « À ce jour, notre analyse montre que la Chine ne remplit pas tous les critères du statut », avait reconnu, l’été 2015, un fonctionnaire à Bruxelles.
Au delà de la bataille juridique, viennent se greffer des considérations d’ordre économique et politique. Alors que chaque jour s’effectue entre l’Europe et la Chine environ un milliard de dollars de transactions commerciales, plusieurs États membres, notamment les pays scandinaves ou de tradition libérale comme les Pays-Bas, seraient favorables à ce changement de statut en faveur de la Chine. Même chose pour l’Allemagne qui réclamerait néanmoins des clauses de sauvegarde pour les secteurs industriels les plus vulnérables en Europe, comme le textile, l’acier, ou les panneaux solaires. A ce stade, l’Italie est le seul État membre à avoir publiquement affiché son opposition, au même titre que les associations patronales et syndicales européennes inquiètes de l’impact d’une telle décision sur l’activité économique et sur l’emploi en Europe.
A la Commission à Bruxelles, le sujet reste tabou car « trop sensible sur le plan politique », a juste rétorqué une source au sein de l’exécutif interrogée par la La Lettre confidentielle. Mais l’engagement de Pékin de participer au plan d’investissement de 315 milliards d’euros lancé par la Commission Juncker – grande priorité du président – aura certainement une influence sur la décision finale.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles