Alors que l’Afrique sub-saharienne revenait dans les radars des
entreprises occidentales, et spécifiquement françaises, la crise malienne et
ses derniers développements, avec l’intervention militaire française pour
stopper l’offensive des djihadistes du Nord Mali et l’opération terroriste qui
a suivi dans le sud de l’Algérie, ne vont-ils pas plomber le climat des affaires
dans toute la sous région pour un moment ?
Ludovic Subran, chef économiste
de la compagnie d’assurance-crédit Euler Hermes France, ne cache pas son
inquiétude. « Les événements récents au Mali et en Algérie ont un effet
direct en termes d’investissements directs des Occidentaux, notamment des
Français, constate-t-il. Globalement, ces inquiétudes, qui se sont accrues
depuis fin décembre 2012, se traduisent par une augmentation des primes de
risques sur les marchés pour les couvertures des investissements et des
transactions commerciales vers ces pays. Ce phénomène touche bien sûr le Mali,
mais aussi, par ricochet, tous les pays de la sous-région, car le conflit au
Mali s’annonce long. L’Algérie, déjà affectée par un environnement des affaires
difficile (depuis les réformes de 2009), a elle aussi vu ses primes de risques
se relever avec l’opération terroriste sur le complexe gazier d’In
Amenas. »
Le Mali, pays enclavé, tirait bien son épingle du jeu jusque là,
malgré des ressources naturelles modestes. Il a commencé à souffrir dès le coup
d’Etat militaire du 22 mars 2012, intervenue en pleine offensive des rebelles
touareg du Nord (non djihadistes), et peu avant une élection présidentielle où
le chef d’Etat sortant ne se présentait pas. « Le Mali, du temps du
président Touré, était considéré comme l’un des pays les plus stables de la
sous-région comparés à certains de ses voisins qui ont connu des soubresauts
ces dernières années, comme le Burkina Faso, le Niger ou la Mauritanie, analyse
Ludovic Subran. Mais très vite après le coup d’Etat militaire, on a senti
croître les inquiétudes sur les risques d’impayés chez les exportateurs
français, par exemple dans la filière pétrochimique ou le commerce/distribution
de biens semi-durables ou de produits pharmaceutiques importés d’Europe ».
Les réserves de change du Mali ont baissé de 4,7 à 4 mois d’import
Les derniers développements de la crise malienne et les craintes de
répercussions dans toute la sous-région affectent aujourd’hui ses
voisins : « On a senti un très net ralentissement des transactions
liées à des exportations dans la sous-région dès décembre 2012 », souligne
le chef économiste d’Euler Hermes. Une situation d’autant plus difficile que le
contexte macro-économique n’a pas été de tout repos pour les économies de ces
pays : « En parallèle à ces tensions politiques, la crise de la dette
souveraine de la zone euro a eu un impact macroéconomique sur les pays de la
sous-région, confirme Ludovic Subran. Il faut se souvenir que ce sont des pays
qui sont liés à la zone euro par le biais du franc CFA. Un pays comme le Mali a
profité très temporairement de la baisse de l’euro au niveau de ses
exportations mais il a aussi souffert du contrecoup de la crise de la dette de
la zone euro, notamment à travers les difficultés qu’il a rencontré à
refinancer sa dette, et de l’équilibre des finances publiques (ralentissement
des soutiens par exemple). Cela s’est vérifié dans l’érosion de ses réserves de
change, qui sont passées de 4,7 mois d’import en 2011 à 4 mois d’import en
2012, se rapprochant de la zone dangereuse des 3 mois d’import. »
A court terme, il faut donc s’attendre à un certain attentisme de la part des
investisseurs et des exportateurs, même si certains pays s’en sortirons mieux
que d’autres. « Le Burkina, le Sénégal, la Guinée, la Côte d’Ivoire vont plutôt
mieux, soit parce que la transition démocratique s’est bien passée (Sénégal),
soit parce qu’on avait atteint un point bas socio-économique (Guinée), soit
encore parce qu’une relance s’opère, après une crise politique grave avec une
croissance a attendre, assise sur des richesses naturelles abondantes (Côte
d’Ivoire), analyse l’économiste. Mais l’effet libyen est là : avec la
crise malienne, on se repose la question de la Mauritanie, on se
repose la question du Niger… toute cette zone sahélienne extrêmement importante
pour les exportateurs français est sous tension ». Et de conclure :
« Le commerce extérieur français, pour qui cette zone est importante,
n’avait pas besoin de ça ».
Christine Gilguy
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