Le plan Juncker commence à porter ses fruits se félicite-t-on à la Commission européenne. Pleinement opérationnel depuis un an environ, le fonds européen d’investissements qui en est le socle aurait mobilisé, à ce stade, 100 milliards d’euros qui ont ainsi pu être injectés dans l’économie réelle avec 64 projets soutenus. Signe, pour Bruxelles, que ce vaste plan de relance a bien démarré.
Selon Jyrki Katainen, vice-président au sein de l’exécutif, il aurait essentiellement bénéficié aux PME. « Les 185 accords passés avec des banques intermédiaires apporteront des financements à 140 000 PME européennes. Il y a une demande forte pour ce type de montage, car le financement des PME est vue comme un investissement à plus haut risque, la capacité des banques à financer ces entreprises est donc imitée. C’est là que le fonds européen d’investissement peut faire la différence », a-t-il indiqué lors de la présentation des résultats du plan, à mi-parcours, le 1er juin dernier à Bruxelles.
Projet phare de la Commission Juncker, ce plan d’investissement vise à relancer la croissance et l’emploi en Europe en mobilisant 315 milliards d’euros d’investissements en trois ans (de 2015 à 2018) via la création d’un fonds pour les investissements stratégiques, le FEIS. La mise de départ est apportée par le budget européen et la Banque européenne d’investissement (BEI) à hauteur de 21 milliards d’euros, mais il doit ensuite attirer des investisseurs privés pour contribuer au financement des projets dans des secteurs comme l’énergie, les infrastructures ou encore la recherche.
En Belgique, par exemple, 58 millions d’euros ont déjà été accordés, qui devraient permettre de générer à terme 685 millions d’investissements. « Avec les accords qu’on a mis en place avec nos partenaires en Wallonie et en Flandres, on a à peu près 2500 entreprises qui devraient bénéficier d’un support européen », a indiqué Vincent van Steensel, directeur au Fonds européen d’investissement (FEI), filiale de la Banque européenne d’investissement (BEI). Avec l’Italie, la France est l’Etat membre qui a su le mieux tirer parti des financements proposés par le plan Juncker. Les 3,2 milliards de prêts et de garanties, accordés par la BEI, visent à mobiliser 14,5 milliards d’euros sur le territoire, grâce à 33 projets déjà retenus.
Répondant à la question d’un eurodéputé, lors d’un débat à l’assemblée nationale le 1er juin dernier, Harlem Désir, secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, a rappelé les vertus de ces opérations. « Le plan Juncker est un succès, un succès pour la France, un succès pour l’Europe. La France est en effet le premier pays bénéficiaire en montant global des projets financés (…) Ce qui est important c’est que cela concerne les projets stratégiques : la transition énergétique, le numérique, les PME innovantes ».
Les retards de certains pays inquiètent
A ce stade, seuls Chypre et Malte n’ont pas bénéficié du plan d’investissement européen. Les pays de l’est et du sud, tels que le Portugal ou la Grèce, sont aussi à la traîne. D’où des critiques. « Le grand plan doit permettre une véritable relance européenne, pas seulement certains Etats membres de l’UE mais toute l’UE. Or quand on voit les difficultés de pays comme la Grèce, on voit qu’ils sont bien moins soutenus. Un rééquilibrage est donc nécessaire », estime Hugues Dayet, eurodéputé belge du groupe des Socialistes et Démocrates (S&D).
Autre critique récurrente au sein de l’hémicycle : le plan Juncker manquerait d’ambition au vu des difficultés que connaît l’UE depuis la crise financière de 2008. « Le déficit d’investissement au sein de l’Union se chiffre à 800 milliards. Un plan d’investissement sérieux devrait engager 250 milliards d’euros d’argent nouveau par an pour permettre à l’UE de rattraper son retard, notamment par rapport aux Etats-Unis », a avertit David Lundy, porte-parole du groupe de Verts au PE. S’ils soutiennent la promotion d’une politique d’investissement à l’échelle de l’UE, ces derniers déplorent également le peu d’intérêt de la Commission pour les projets contribuant à améliorer l’efficacité énergétique et lutter contre les changements climatiques. « La Chine a consacré beaucoup plus d’efforts que l’Europe à sa transition énergétique. S’ils n’y prennent garde, les Européens risquent de se faire devancer et de perdre un savoir-faire – et des emplois – dans ce chantier crucial pour les prochaines générations », s’est inquiété Philippe Lamberts, co-président des Verts au PE.
Des critiques minimisées au sein de l’exécutif européen où ses responsables ne tarissent plus d’éloges sur les bienfaits du plan Juncker. « Le Fonds européen pour les investissements stratégiques crée des emplois et stimule l’investissement dans l’économie réelle chaque jour, c’est pourquoi nous proposons de le prolonger au-delà de 2018 », a annoncé Jean-Claude Juncker.
Le président de la Commission propose aussi de lancer un plan d’investissement similaire dans les pays d’origine des réfugiés africains, afin de contrôler la crise migratoire. Il demande aux Etats membres de débloquer 3,6 milliards d’euros supplémentaires qui viendraient s’ajouter aux 3,6 milliards d’euros du budget de l’UE, de l’argent déjà promis par les gouvernements nationaux à Bruxelles. La grande majorité de la somme sera utilisée ensuite en tant que garantie de risques pour encourager les investissements privés dans des entreprises dans les pays en développement. Selon l’exécutif européen, les 6,2 milliards d’euros mobilisés pourraient lever jusqu’à 62 milliards d’euros d’investissement dans des pays comme le Liban, la Jordanie, le Niger, le Sénégal, le Nigéria, le Mali, l’Éthiopie, la Tunisie et la Libye.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles