Les entreprises et les organisations qui travaillent avec le dispositif public de soutien au commerce extérieur devront prendre de nouvelles habitudes au Quai d’Orsay tout en conservant celles qu’elles avaient à… Bercy ! C’est le conseil qu’on peut leur donner à la lecture des décrets d’attribution respectifs du ministre des Affaires étrangères et du développement international (MAEDI), Laurent Fabius, du ministre de l’Économie et du redressement productif Arnaud Montebourg et de celui des Finances et des comptes publics Michel Sapin*.
Ces textes, adoptés lors du dernier conseil des ministres le 16 avril, fixent les périmètres de compétence en matière de Commerce extérieur entre le MAEDI et les ministères économiques et financiers, au terme d’un bras de fer feutré dont l’enjeu était la tutelle de la DG Trésor et de son réseau international. S’ils clarifient la répartition des rôles au plan politique, ils obligent les ministres -et les administrations dont ils ont la tutelle- à une réelle coopération et introduit au plan opérationnel des germes pour de futures frictions en cas de mésentente entre ministres.
Côté politique, la cohérence annoncée est au rendez-vous : le décret relatif aux attributions du MAEDI donne très clairement à Laurent Fabius le leadership puisqu’il est chargé de «définir et mettre en œuvre la politique du développement international de la France, notamment au titre du commerce extérieur et du tourisme ». Une coopération avec Bercy est toutefois nécessaire sur différents volets de cette politique : « en liaison avec le ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique et les autres ministres intéressés, il prépare et conduit les négociations commerciales internationales, qu’elles soient multilatérales, européennes ou bilatérales » et « il coordonne l’action des services qui concourent à promouvoir les intérêts économiques de la France à l’étranger ».
Cohérence encore sur le réseau extérieur où, précise le texte, le MAEDI « a autorité, conjointement avec le ministre des finances et des comptes publics et avec le ministre de l’Économie, du redressement productif et du numérique, sur les services économiques à l’étranger régis par le décret du 3 mai 2002 susvisé ». Autrement dit, le décret renforce un rôle et une autorité que les ambassadeurs exerçaient déjà sur les services économiques qui relevaient jusqu’à présent uniquement de Bercy.
Mais côté opérationnel en France, où la bataille du commerce extérieur se joue aussi, si le MAEDI « dispose de la direction générale du trésor », ce sont les ministres de Bercy qui, selon leurs décrets d’attribution respectifs, et « conjointement », « ont autorité » sur elle, de sorte que Laurent Fabius devra passer par ses collègues pour utiliser ses services. Par ailleurs, Laurent Fabius est simplement « associé à la politique de financement des exportations », autrement dit, si on lit entre les lignes, à tout le dispositif de garantie publique géré par Coface, mais aussi à Bpifrance et ses financements export.
Seul garde-fou pour le MAEDI, écrit noir sur blanc dans les trois décrets : ses collègues de Bercy « s’assurent de l’accord du ministre des affaires étrangères et du développement international lorsqu’une mesure d’organisation de la direction générale du Trésor affecte directement les conditions d’exercice de ses missions au titre du commerce extérieur ». Ce
qui signifie que Laurent Fabius sera par exemple consulté pour le choix du ou de la remplaçant (e) à Ramon Fernandez, actuel directeur du Trésor désormais donné partant (pour rejoindre le groupe Orange selon des informations de presse).
Au secrétariat d’État au Commerce extérieur, où les membres du cabinet sont en cours de nomination – une partie devraient être connue dès cette fin de semaine, l’autre partie en fin de semaine prochaine- on reste pour le moment
avare de commentaires, d’autant plus que Fleur Pellerin était en Chine ces derniers jours. Mais, rappelle-ton, la secrétaire d’État « a l’avantage de bien connaître les services de Bercy » et l’un des ministres de tutelle, Arnaud Montebourg » pour avoir été sa ministre déléguée aux PME et au Numérique durant près de deux ans. Cette expérience ne sera pas de trop, en effet, pour éviter de nouvelles querelles de chapelles…
Christine Gilguy
Pour en savoir plus, consultez les décrets d’attributions :
Laurent Fabius, Décret n° 2014-400 du 16 avril 2014, cliquez ICI
Arnaud Montebourg, Décret n° 2014-404 du 16 avril 2014, cliquez ICI
Michel Sapin, Décret n° 2014-403 du 16 avril 2014, cliquez ICI