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L’innovation à la française s’exporte

C’est une idée simple, peu onéreuse, pratique et qui est aujourd’hui devenue un standard. En 1989, Evian dote ses packs de bouteilles d’eau d’une poignée en plastique pour aider les personnes âgées à les transporter. Aujourd’hui, toutes les marques d’eau minérale et de sodas l’ont adoptée. Et d’autres ont ensuite agrémenté cette poignée d’un code à barres détachable qui évite d’avoir à sortir le pack de son chariot une fois à la caisse. L’histoire d’une innovation réussie, dans un segment où les nouveautés sont rares.

Emballages, saveurs, textures, conservation, ingrédients, aspect visuel, taille des portions, traçabilité… Les produits issus des industries agroalimentaires (IAA) que nous retrouvons dans nos assiettes évoluent en permanence. Il suffit pour s’en rendre compte d’observer leur rythme de renouvellement dans les linéaires des supermarchés. Paradoxalement, beaucoup d’entreprises de ce secteur, surtout les plus petites, « font de la recherche et développement sans le savoir et pensent, à tort, qu’elles ne sont pas éligibles aux aides à l’innovation comme le crédit impôt recherche », remarque François Chollet, président d’AbsisKey, une société angevine de conseil opérationnel en financement de l’innovation qui réalise 28 % de son activité auprès d’IAA. 
« Faire de la R&D sans le savoir », c’est ce qu’a fait pendant des années Maurice Farine, le patron des Confiseries du Roy René (voir plus loin), qui, avant d’embaucher un spécialiste et de lui monter un labo, réfléchissait à de nouvelles recettes de calissons dans sa cuisine, quand ses journées lui en laissaient le temps. Un côté bricolage qui peut marcher, mais qui devient handicapant à l’export. « Souvent, les entreprises du secteur manquent de méthode », constate Catherine Pottier, directrice business development à la Sopexa, société de marketing international travaillant avec de grands groupes du secteur, mais également des PME. « Elles jouent sur leur expérience, leur intuition, une idée… Parce qu’elles n’ont pas les ressources en interne, elles passent outre l’analyse de l’offre et le benchmarking. » 

Pourtant, l’international offre un formidable relais de croissance à ces entreprises innovantes. Jean-François Cretet, l’inventeur de Cuisimiel (voir plus loin) l’a bien compris, lui qui peine à faire distribuer son miel prêt à cuisiner en France et qui veut le développer d’abord à l’export. La France produit bien plus de produits agroalimentaires qu’elle n’en consomme : son excédent commercial a atteint 7,8 milliards d’euros en 2010, le deuxième du commerce extérieur français après celui de l’aéronautique. Les produits agroalimentaires français bénéficient d’une certaine aura à l’étranger. Comme le soulignait la Douane dans une note publiée en février, « la France tire en effet sa singularité de sa spécialisation dans ces produits de terroirs (vins, fromage AOC), qui contribuent pour la plus large part à l’excédent agroalimentaire global ». Pour preuve, le succès de l’époisses aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou encore au Japon. Berthaut, le leader français de ce fromage de caractère, exporte 30 % de sa production (voir article n° 11).

Faire manger pour la première fois un foie gras ou un fromage AOC est en soi une innovation ! Les IAA françaises surfent sur l’image de ces produits qui font partie de notre patrimoine, mais qui sont d’un exotisme torride pour un consommateur américain ou coréen. « Nous avons encore cette image d’excellence et de savoir-faire, mais il faut améliorer certains points, comme une connotation un peu ancienne et un certain élitisme », préconise Catherine Pottier. « En 2004, à la suite d’une étude, nous avons voulu rajeunir cette image tout en conservant les notions de sophistication et de culture du plaisir en lançant les « apéritifs à la française » à l’étranger. Il faut moderniser tout en gardant un atout majeur : l’exigence envers nous-mêmes. Dans l’agroalimentaire, les Français ont la réputation de savoir ce qu’ils font. » 

Reste qu’il faut faire connaître et apprécier ces produits. Qu’ils soient « du terroir » ou pas. Lorsque Triballat, avec sa marque Sojasun (voir plus loin), a lancé ses yaourts à base de soja dans plusieurs pays européens, personne n’avait jamais entendu parler de desserts préparés à partir de cette graine d’origine asiatique. Mais les dirigeants de la PME bretonne ont su surfer sur une tendance forte de la consommation qui existait en France, mais aussi dans tous les pays développés : manger sainement. En l’occurrence, remplacer des protéines animales par des protéines végétales. Si les « alicaments » n’ont jamais vraiment pris en France, notamment pour des raisons culturelles, beaucoup d’entreprises jouent la carte de la santé et de la « naturalité ». Des tendances qui marchent, comme celles du plaisir des sens ou du nomadisme (voir l’entretien avec Xavier Terlet page suivante). Toutes ces innovations, qu’elles jouent sur une recette, la praticité d’un packaging ou un procédé de conservation, ne sont pas le fruit des seules industries, mais d’un maillage incluant également les instituts de recherche publics, les universités et des sociétés de marketing et de veille internationale. C’est ce cocktail incluant des acteurs venus de divers horizons que concrétisent les pôles compétitivité, comme NSL (voir plus loin). La France en compte 13 dans le domaine agroalimentaire, travaillant sur des produits et des sujets aussi divers que la chimie du végétale, la nutrition, les produits tropicaux, les arômes, la sélection variétale ou encore les fruits et légumes. En outre, l’Association de coordination technique pour l’industrie agroalimentaire (Actia), qui fédère le réseau des instituts agroindustriels, fait l’interface entre recherche publique et secteur industriel. Le ministère de l’Agriculture procède à une démarche de qualification de ces instituts avec un objectif : produire des innovations sur des questions stratégiques pour les professionnels. Depuis 2007, 18 d’entre eux ont été qualifiés. 

Qu’il s’agisse de recherche fondamentale, d’adaptation d’un produit destiné à un marché étranger, de recherche expérimentale de nouvelles saveurs ou de campagne de promotion d’un fromage, les produits innovants auxquels donnent naissance les entreprises qui réussissent à l’international sont l’œuvre d’hom­mes et de femmes qui ont en commun le même amour des produits qu’ils fabriquent et la même envie de les faire connaître au monde entier. Le Moci vous le fait partager avec un panorama des grandes tendances de l’innovation des IAA françaises aujourd’hui, notamment de celles qui ont su percer à l’international. 

Sophie Creusillet, avec Alix Cauchoix et Sylvette Figari

Le commerce extérieur français de l’agroalimentaire en 2010
Exportations : 36,1 milliards d’euros
Importations : 30,4 milliards d’euros
Excédent commercial : 5,7 milliards d’euros
Composition des exportateurs : 26 % des ventes internationales de produits agroalimentaires sont assurés par des PME
Source : Douane.

Le top 5 des lancements de produits dans le monde en 2010
1/ Produits surgelés, 8,2 %* 
2/ Boissons non alcoolisées, 7,9 % 
3/ Crémerie, 6,9 %
4/ Produits traiteur, 6,6 %
5/ Biscuiterie, 6,4 % 
* Pourcentage du nombre total de lancements de produits dans le monde.

Source : XTC (Xavier Terlet Consultants), Panorama mondial de l’innovation.

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