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Les opportunités d’affaires

« Faire des affaires au Kazakhstan, c’est possible ! « Ce n’est pas un pays facile, comme tous ceux de l’ex-URSS, mais il est ouvert et veut se développer. Reste que, avant de s’y lancer, il faut faire davantage d’enquête [due diligence] qu’ailleurs. Mais, en quinze ans, je l’ai vu considérablement progresser », explique Michael Wilson, un avocat d’affaires installé à Almaty.

Le Kazakhstan présente les avantages et les défauts d’un pays émergent, qui en 2011 devrait connaître une croissance de 6,5 %. Avec cette particularité qu’un vrai effort de diversification est entrepris. D’un côté, un dynamisme, nourri par une économie tirée par un sous-sol extrêmement riche (en pétrole notamment), quantité de chantiers en cours et à développer, des infrastructures soviétiques à refaire entièrement, un État qui s’invente tous les jours, à l’image d’Astana, sa nouvelle capitale (depuis 1997) quasi construite ex nihilo au milieu de l’immense steppe kazakhe. De l’autre, une bureaucratie encore lourde, la corruption qui pollue tous les secteurs, des fonctionnaires se mettant peu à peu au diapason du monde, un système juridique faible.

En cet automne 2011, les milieux économiques du Kazakhstan ne parlaient que du pays qui vient de faire son entrée parmi les 50 meilleurs pays du monde pour faire des affaires, le classement « Doing Business » de la Banque mondiale, publié le 20 octobre 2011. Le Kazakhstan a gagné 11 places par rapport à 2010, pour se hisser au 47e rang. Il est loin devant la Russie (120e). Il est même devant certains pays européens dans ce classement effectué à partir de critères comme la protection des investisseurs, le niveau des impôts, la rapidité pour enregistrer une société. Le président Noursoultan Nazarbaïev peut s’en féliciter : début 2010, il avait demandé au gouvernement de tout faire pour que le pays entre dans le top 50 dudit classement. Toutefois, la portée de ce dernier doit être nuancée car ce classement n’est établi qu’à partir des lois et règles adoptées par les pays concernés, pas à partir de l’évaluation de leur application concrète.

À cet égard, Timour Nazhanov, de l’Association indépendante des entrepreneurs du Kazakhstan, expliquait fin octobre au magazine économiqueKursiv que les PME doivent toujours payer des dessous-de-table aux bureaucrates. L’impôt sur les sociétés a bien baissé de 30 à 20 % en 2009… mais le bénéfice serait ainsi rogné par la corruption, Les autorités disent vouloir l’éradiquer, mais les résultats demeurent faibles. C’est là qu’il faut chercher une des raisons au côté si tatillon de l’administration locale.

Cela dit, remettons les choses à leur place : très rares sont, dans ce pays, les cas de prédation sauvage visant des entreprises étrangères, contrairement à ce qui se passe dans des pays voisins comme l’Ouzbékistan. Les manifestations de nationalisme économique de ces dernières années, qui ne concernent que de très gros chantiers, comme les gisements hydrocarbures de Kashagan ou Karachanak, sont en substance présentées par les autorités du pays comme une re-négociation de contrats signés dans un contexte où le Kazakhstan était encore faible politiquement et pas assez expérimenté pour défendre correctement ses intérêts.

À cela, il faut ajouter une tradition bureaucratique lourde. L’économie a eu beau s’ouvrir, devenir libérale à bien des égards, elle n’en demeure pas moins dominée par l’État. Le holding d’État Samruk-Kazyna produit plus de la moitié du PNB du Kazakhstan. La route vers une organisation plus libérale est longue et on ne se refait pas en un clin d’œil. Le très dirigiste président Nazarbaïev, 71 ans, prototype de l’homme qui s’est fait en gravissant tous les échelons de l’ancien appareil soviétique, aime à fixer des objectifs de développement ambitieux au pays en s’appuyant sur d’importants programmes d’État. Mais, comme à l’époque soviétique, la mise en œuvre n’est pas toujours à la hauteur des objectifs, que par ailleurs ces programmes répondent ou non aux vrais besoins du pays et qu’ils soient réalistes ou non.

Souvent, l’intention est bonne. Voire excellente, notamment lorsqu’il s’agit de diversifier l’économie. La richesse du Kazakhstan, c’est son sous-sol. Notamment le pétrole dont il est le 18e exportateur mondial. Il pourrait entrer dans le top 10 mondial d’ici une décennie. Mais, visionnaire, le chef de l’État, à la tête de son immense pays depuis 1989, a très tôt compris qu’il fallait diversifier cette économie qui, par ailleurs, souffrait d’avoir été cantonnée par Moscou au rôle peu glorieux et peu rémunérateur de fournisseur de matières premières, le Kazakhstan possédant toute la table de Mendeleïev dans ses entrailles.

Là, par exemple, l’application des directives n’est pas toujours satisfaisante. Les grands organismes chargés de diversifier l’économie souffrent de l’affairisme de certains de leurs agents, comme nous l’a expliqué un homme d’affaires occidental familier des hautes sphères du business kazakhstanais. Il confirmait là des informations que plusieurs nous ont rapportées.

Malgré tout, ce sont autant de secteurs et de niches à investir pour les entreprises étrangères. Une cinquantaine de sociétés françaises sont présentes au Kazakhstan. Et pas seulement celles issues du CAC 40. Même si le pays est encore pour la France davantage synonyme de grands contrats que de « success stories » pour nos PME. Astana est très gourmande en transferts de technologie française. « Ce qui compte, c’est le fait que la France apporte une technologie qui contribue à la diversification de notre économie, ce qui est notre priorité », explique Aïdan Karibjanov, le vice-président de Samruk-Kazyna.

Le partenariat stratégique entre la France et le Kazakhstan, initié par le président Sarkozy lors de sa visite à Astana d’octobre 2009, porte ses fruits. La France a le vent en poupe au Kazakhstan. Certes, le pays est loin d’être parfait. Mais il semble petit à petit régler certains de ses problèmes. Toutefois, des difficultés resteront. Comme l’immensité de ce territoire, cinq fois la France, ce qui occasionne des surcoûts et demande souvent une organisation plus lourde.
 
Le Kazakhstan est très loin, non seulement de la France, mais aussi de l’ensemble du monde, enclavé qu’il est au cœur du continent eurasiatique. Mais ces difficultés sont aussi des avantages en ce qu’il demande des technologies et savoir-faire spécifiques. Pour preuve, Alstom vient de s’installer dans le pays, le domaine des transports étant des plus prometteurs dans un pays à mi-chemin entre la Chine et l’Europe.

Au plan sociopolitique, la question de la succession de M. Nazarbaïev est un sujet de conversation récurrent des hommes d’affaires, locaux comme étrangers, tant son régime a imprimé sa marque aux vingt premières années de cette république. « L’autoritarisme au Kazakhstan est consultatif, au sens où il n’existe pas de concurrence politique réelle mais ou les autorités souhaitent obtenir le soutien de la population, estime la politologue Marlène Laruelle. Mais cela ne suffit pas à garantir la stabilité. La mauvaise distribution de la rente pétrolière peut avoir un impact néfaste sur celle-ci. »

Ce risque, s’il doit être pris en compte, ne doit pas être surestimé. Pour l’heure, les sociétés qui misent sur le Kazakhstan n’ont pas à s’en plaindre. Ubifrance ouvre le 1er janvier 2012 un bureau à Almaty, le principal centre économique du pays : les entreprises françaises, notamment les PME, devraient voir leurs démarches facilitées.

Régis Genté, envoyé spécial

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