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Allemagne : le réveil de la consommation

Dans les principales artères de Nuremberg, de Düsseldorf et de Cologne, nulle trace visible de la crise qui ébranle l’Europe. Sondage après sondage, les consommateurs affichent leur optimisme et leur confiance en une économie allemande qui devrait encore connaître un taux de croissance enviable cette année, 0,7 % selon le gouvernement, après + 4 % en 2010 et + 3,1 % en 2011.

Pour Rolf Bürkl, le spécialiste du marché allemand au cabinet d’études GfK, à Nuremberg, l’exportation n’est plus seule à tirer cette croissance. La consommation privée, qui devrait encore gagner 1 % en 2012, est devenue le deuxième moteur de la fusée. Et « la clé pour une consommation développée, c’est l’emploi », explique-t-il, dans un entretien exclusif au MOCI. Heureuse Allemagne qui, de fait, peut présenter le chômage le plus bas de son histoire depuis la réunification, soit 6,8 %.

Plutôt que de faire confiance aux marchés financiers ou aux banques, les Allemands placent leur argent dans l’immobilier, l’habitat et les produits de luxe. Le marché du design et de la décoration outre-Rhin est le deuxième au monde. Or, l’an prochain, la France sera le pays partenaire d’Ambiente (15-19 février), le premier salon international dédié aux biens de consommation. Une bonne occasion pour les entreprises françaises de profiter d’un marché domestique porteur et qui constitue une référence pour s’étendre à l’étranger.

« Les Allemands ne tolèrent pas les défauts et sont très attachés au terroir et au savoir-faire », se félicite Thierry Moysset, qui a relancé la Forge de Laguiole, alors en dépôt de bilan en 2007, en misant sur le marché allemand. La célèbre coutellerie de l’Aubrac réalise aujourd’hui 60 % de ses ventes hors de l’Hexagone et l’Allemagne est son deuxième débouché, de peu derrière la France. « Il y a aussi de nombreux collectionneurs outre-Rhin qui n’ont pas honte d’être riches », se réjouit encore le gérant de la Forge de Laguiole (120 salariés).
Parmi les catégories les plus aisées, figurent les seniors. Vers 2035, l’Allemagne disposera de la population la plus âgée de la planète, d’après l’agence de communication Euro RSCG, à Düsseldorf. On peut donc s’attendre à une demande supplémentaire en matière de produits, de places dans les maisons spécialisées, d’infirmières, de docteurs ou encore d’assurances et de services bancaires.

Il y a aussi fort à parier que l’avenir des retraités sera moins radieux. « Alors que pendant des années trois travailleurs supportaient le poids d’un retraité, une personne et demi doit aujourd’hui prendre en charge une personne à la retraite », indique au MOCI Dominique Lewis, le chef de la Planification stratégique de l’agence de communication à Düsseldorf.

De façon générale, le marché allemand est très contraignant, très exigeant. Les hypermarchés, par exemple, pour des raisons historiques, n’y ont jamais vraiment fonctionné. Ce qui, au demeurant dans la distribution, n’empêche pas l’arrivée de nouveaux acteurs Les entrants ont pour nom Next Newlook et Primark dans le textile. Dans l’alimentation, le néerlandais Albert Heijn ouvre un premier magasin de proximité AH to go à Aix-la-Chapelle.
« La distribution en Allemagne est attractive, car la consommation y est stable, voire positive par rapport aux pays voisins. Decathlon se développe bien chez nous. Les grands magasins souffrent de la concurrence des surfaces spécialisées », souligne Ulrich Spaan, senior vice-président d’EHI Retail Institute, à Cologne, le seul institut d’études privé dans la distribution outre-Rhin.
A noter aussi le développement rapide de l’e-commerce. Son chiffre d’affaires passera sans doute de 13 milliards d’euros en 2008 à 25 milliards à la fin de l’année, dont 12,2 milliards dans l’habillement, et « les premiers acteurs dans la vente en ligne sont E-Bay et Amazon », précise Myriam Zerbib, chargée de développement à la Mission économique (ME) Ubifrance à Düsseldorf.

« Nous sommes dans une situation paradoxale. Alors que les exportations allemandes commencent à baisser et les entreprises à vivre dans l’incertitude, les ménages continuent à consommer », délivre Jean-Pierre Houssel, en charge de l’agroalimentaire à la ME. Preuve en est encore la montée du crédit à la consommation.
« Ce sont plutôt les magasins de grande distribution (électronique, meubles) ou les boutiques en ligne qui proposent des crédits à la consommation avec des banques d’entreprise ou des banques privées en tant que prêteurs », résume Kristina Schroelkamp, chargée de développement au bureau d’Ubifrance à Düsseldorf, qui cite, notamment, la Hanseatic Bank à Hambourg, une banque présidée par le Français Michel Billon et détenue à 75 % par la Société Générale.

Parmi les établissements de crédit à la consommation, peuvent être cités Targobank, filiale du Crédit Mutuel, C & A Money, banque de l’enseigne de vêtements C & A, ou encore Volkswagenbank, banque du constructeur automobile allemand. Ce sont les plus de 60 ans qui contractent le plus de crédits.
Chez Volkswagen, comme chez Siemens notamment, on parle aujourd’hui de plans sociaux. Ce qui ne semble pas inquiéter Rolf Bürkl. « Ces plans sociaux ont juste été évoqués. Bien sûr, si ces annonces devaient être confirmées, d’autres pourraient suivre. Mais, quoi qu’il en soit, la situation de l’emploi restera stable cette année. Il y aura peut-être un peu plus de chômage, mais aucun effondrement de l’emploi est à craindre », assure l’économiste de GfK. L’impact sur la consommation de la facture énergétique, qui augmentera en raison de l’abandon du nucléaire, ne semble pas l’inquiéter non plus. Certes, reconnaît-il, « pour ne pas obérer la compétitivité des entreprises, il y aura de nombreuses exemptions et ce sera donc le consommateur qui sera sollicité pour régler la facture énergétique en grande partie ». Mais, ajoute-t-il aussitôt, « les travailleurs recevront une compensation sous forme de hausses de salaires ». Ces augmentations ne seront, sans doute, pas de 3,5 % comme en 2012, mais « de l’ordre de 2,5 % en 2013 », prévoit-il.

S’agissant des rémunérations des actifs, Rolf Bürkl se déclare partisan d’un salaire minimum. « Mon avis n’est pas partagé par tous les économistes », reconnaît-il. Mais ce spécialiste du marché allemand estime qu’un salaire minimum serait « utile ». Selon lui, « comme les salaires sont trop bas, dans les faits, les entreprises reportent sur l’Etat le poids des retraites ».

Toutefois, précise-t-il, « il ne faut pas adopter un salaire minimum général. Ce serait dangereux, car la situation dans nombre de secteurs diffère ». Ce salaire minimum « existe déjà, remarque-t-il, par exemple dans le nettoyage », et, selon lui, « les employeurs et les syndicats devraient s’entendre pour étendre ce système à d’autres domaines d’activité dans le futur ».

François Pargny


Chiffres clés


Superficie
: 357 000 km2
Population : 81, 954 millions d’habitants en 2011
Produit intérieur brut (PIB) : 3 629 milliards de dollars en 2011 (+ 10,4 % sur 2010)
PIB par habitant : 44 556 dollars en 2011 (+ 10,6 % sur 2010)
Croissance économique : 3,1 % en 2011, 0,5 % au premier trimestre et 0,3 % au deuxième trimestre 2012
Revenu global disponible : 1 630,1 milliards d’euros en 2011
Revenu moyen disponible : 19 950 euros par personne et 41 800 euros par ménage en 2011
Importations : 902 milliards d’euros en 2011 (+13,15 % sur 2010), 533,7 milliards entre janvier et juillet 2012 (+ 2,29 % par rapport aux sept premiers mois de 2011)
Exportations : 1 060 milliards d’euros en 2011 (+ 11,35 % sur 2010), 644 milliards entre janvier et juillet 2012 (+ 5,41 % par rapport aux sept premiers mois de 2011)

Sources : Office fédéral des statistiques, FMI, GTA/GTIS

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