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Fret aérien : la crise rebat les cartes de l’offre

Le fret aérien tombe de Charybde en Scylla. « On va de crise en crise ! Après le trou d’air qui a bouleversé le secteur en 2008-2009, la reprise a été nette en 2010, mais le marché s’est essoufflé en 2011 et, depuis le début de 2012, la demande européenne est de nouveau en baisse », relève Philippe Gilbert, executive vice-président de Geodis Wilson, la division « freight forwarding » du groupe Geodis.
 
« Les difficultés sont inédites tant par leur durée que par leur sévérité. Si le marché ne se redresse pas en septembre-octobre avec la « peak season », ce qui est possible car nous n’avons aucune visibilité, je ne le vois pas repartir avant l’automne 2013 », s’inquiète Jean-Michel Rossignol, vice-président air-freight France de DHL Global Forwarding. « Nous sommes extrêmement dépendants de l’Asie. Or les volumes en provenance de Chine sont en perte de vitesse depuis mi-2011 et les taux de fret en forte baisse, ce qui affecte lourdement les principales compagnies aériennes qui ont positionné beaucoup de capacité sur l’axe Asie-Europe », analyse aussi Pierre Laignel, directeur aérien du groupe Gefco.
 
Les regards de tous les professionnels du secteur sont braqués vers l’Asie. Or avec un kilo de fret qui se négocie autour de 2 euros (sans les surcharges) entre Hong Kong et Paris et les difficultés économiques dans lesquels se débat le vieux continent, rien ne va plus. « La crise montre que le transport international traverse les fluctuations économiques en les amplifiant. C’est particulièrement vrai pour l’aérien », explique Michel Savy, directeur de l’observatoire des politiques de transport en Europe. Ce sont les compagnies généralistes occidentales qui souffrent le plus. « Air France-KLM ou Lufthansa auraient des coûts de production supérieurs de 20 à 30 % à la moyenne de leur industrie. Ces compagnies s’adaptent à la crise en faisant évoluer leur modèle : elles réduisent leur flotte « tout cargo » au profit d’un emport du fret dans les soutes de leurs avions passagers », observe Romain Papy, directeur général de la société spécialisée dans l’affrètement d’avions Air Partner. 

Le groupe Air France-KLM a ainsi diminué la taille de sa flotte « tout cargo » pour passer – chez AF Cargo – de 12 avions à 5. « Nous visons l’objectif de 4 avions en octobre 2013. 70 % de notre fret est aujourd’hui transporté dans les soutes de nos avions passagers », indique un porte-parole du groupe. Lufthansa a réduit également la voilure de ses opérations « tout cargo » en mettant fin en printemps 2012 aux activités de sa filiale Jade Cargo. « La moitié de notre fret voyage désormais sur des avions passagers et nous avons concentré notre offre cargo sur les liaisons les plus porteuses avec, notamment, une réduction des vols asiatiques », indique Gabriela Galantis, directrice France de Lufthansa Cargo.
 
L’enjeu ? Récupérer de la compétitivité (le fret « passager » coûte 30 % moins cher que le fret « tout cargo »), profiter au maximum de la flexibilité du réseau et réduire la surcapacité d’appareils cargo qui pèse sur le marché. Mais les efforts de ces compagnies pour assainir le marché pâtissent de la politique des compagnies du Golfe (Qatar, Emirates, Etihad…) et de certaines compagnies asiatiques (Air China, China Eastern, China Southern) qui n’ont pas les mêmes contraintes. Ainsi de l’arrivée de purs acteurs du cargo sur les grands flux en provenance d’Asie vers l’Europe. Le russe Air Bridge aligne désormais 14 freighters entre la Chine et l’Europe. « Nous avons notamment deux fréquences par semaine en “tout cargo” sur Roissy », indique Laurent Le Baler, directeur général d’Airnautic qui représente la compagnie russe en France. Et la compagnie chinoise Yantze River Express a ouvert une liaison fret entre Shanghai, Chengdu et l’aéroport de Vatry. « Ces compagnies aériennes ont un comportement particulièrement opportuniste. Si une liaison s’avère non rentable, elles n’hésitent pas à l’annuler parfois quelques semaines seulement avant la date de retrait du vol. Cela nous demande d’être capables d’offrir plus de flexibilité à nos clients », explique Jean-Michel Rossignol.
 
Ces modifications de l’offre compliquent la tâche des chargeurs. Ceux-ci cherchent par tous les moyens à réduire l’importance de l’aérien. « Pour des raisons d’abord d’économie, mais aussi parce que les contraintes sont de plus en plus fortes. Les entreprises reconfigurent leur logistique et revoient même parfois leurs plannings de production pour éviter de faire voyager leurs marchandises par avion », relève Philippe Bonnevie, délégué général de l’AUTF (Association des utilisateurs de transport de fret). Certaines d’entre elles ont même supprimé la ligne budgétaire « fret aérien », réservant celui-ci aux cas exceptionnels et au dépannage. Aérien est devenu plus que jamais synonyme d’urgence, ce qui profite aux spécialistes de l’express au détriment des acteurs du « general cargo ». La concentration du marché de l’express avec le rachat de TNT par UPS en mars dernier est d’ailleurs un sujet de préoccupation pour les chargeurs.

Philippe Desfilhes

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