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Le vent du grand large souffle dans les PRIE

Dans le Grand Ouest de la France, où le potentiel d’exportation et la complexité des organisations est variable selon les territoires, les plans régionaux d’internationalisation des entreprises (PRIE) ont été l’occasion de formaliser les relations entre les acteurs du commerce extérieur. Les systèmes d’accompagnement des sociétés et d’aides publiques ont été enrichis, des filières d’excellence identifiées et même parfois, l’attractivité a été érigée au rang de priorité du PRIE.

Il y a plus d’un an, les cinq régions du Grand Ouest (Bretagne, Pays de la Loire, Centre, Poitou-Charentes, Limousin) se dotaient toutes d’un PRIE. Une simultanéité qui, selon un haut fonctionnaire en région, reflétait à l’époque la volonté d’aboutir de la ministre du Commerce extérieur de l’époque, Nicole Bricq (21 juin 2012-31 mars 2014).

Mais ce n’est certainement pas la seule raison. Les régions possédaient aussi leur propre agenda. Ainsi, « en Bretagne, nous devions au préalable réaliser la fusion des anciennes structures régionales Bretagne International et CCI International pour créer une entité unique, appelée Bretagne Commerce International (BCI) », explique Loïg Chesnais-Girard, vice-président du Conseil régional de Bretagne, en charge de l’Économie et de l’innovation, dans un entretien exclusif accordé au Moci (lire page 82).

Conformément à la feuille de route fixée par Bercy à l’époque, les Conseils régionaux sont devenus les pilotes de l’internationalisation dans les territoires. Pour autant, tout le Grand Ouest n’a pas repris les grandes orientations en matière de commerce extérieur fixées par l’ex-ministre, qu’il s’agisse des grandes familles de produits (mieux se nourrir, mieux communiquer, etc.) et des pays prioritaires (47 au total).
À l’époque, certains acteurs régionaux ont évoqué la nécessité « de coller au plus près aux réalités du terroir ». D’autres ont clairement estimé que « la régionalisation, le partenariat entre acteurs » était suffisamment avancé pour « rajouter une couche à une autre couche ».

Autrement dit, chaque Région a veillé à préserver ses propres priorités. En Poitou-Charentes, la rédaction du PRIE a surtout été l’occasion d’élargir le Contrat d’accompagnement à la stratégie internationale (Casi) aux entreprises de taille intermédiaire (ETI). Mais ce dispositif d’accompagnement des entreprises existait déjà depuis longtemps, sous le nom de Cordex (Comité régional de développement de l’emploi pour l’export). Un nom qui a, en fait, été abandonné et remplacé par Casi un an avant l’adoption du PRIE.

Il en est de même en Limousin, où le dispositif Limousin Développement International existait aussi depuis un an. « L’idée était d’offrir un guichet unique et une offre bien visible, constituée de toute une chaîne de services », développe Marc Faillet, directeur CCI International en Limousin. Le dispositif ayant, d’ailleurs, donné globalement satisfaction, lors de la rédaction du PRIE, la Région a juste enrichi le système au bénéfice des TPE et PME devant se doter de ressources humaines internes : responsable export en CDI, assistant export, VIE et plus récemment stagiaire en recherche d’emploi dans le cadre du dispositif Ardan, lancé en Lorraine en 1988 (lire l’encadré ci-dessus sur le Casi et le Limousin).

Dans les Pays de la Loire également, le PRIE n’a pas introduit de changement profond, estime Armelle Rebuffet, directrice de CCI International. « Mes services et ceux de la Région ont co-rédigé le document, qui a, ensuite, été présenté, voire corrigé par les autres partenaires ». La véritable innovation, selon elle, est la création de structures de coordination, les Hub International (stratégique et technique), qui ont permis de « formaliser » les relations au sein du réseau. « Un simple exemple qui peut paraître anecdotique, mais dont on n’aurait même pas osé présenter l’idée autrefois, affirme-t-elle, a été la mise en place d’un tableau de bord sur lequel chaque acteur indique le nom des sociétés avec lesquelles il est entré en contact ».

La coordination « opérationnelle » n’a donc pas subi de profondes modifications dans les Pays de la Loire et le PRIE est un document très pratique qui s’apparente à un mode d’emploi (voir encadré page suivante). En revanche, Pack Export est une innovation du PRIE. Ce parcours à l’export ambitieux a remplacé le filet mince des aides qui existaient auparavant, essentiellement la procédure des VIE, qui est gérée par Ubifrance, et le dispositif Prim Export appliqué à la participation à un salon ou une mission de prospection commerciale à l’étranger. Structuration, développement, stratégie, ressources humaines : toutes les étapes, tous les instruments nécessaires sont prévus : initiation, étude, conseil, senior export, etc.

Armelle Rebuffet vient, par ailleurs, de lancer un « travail de réflexion et de rationalisation des aides régionales ». « Nous l’avons proposé à la Région qui l’a accepté », délivre-t-elle. « Notre étude d’impact, poursuit-elle, remontera jusqu’en 2008. Et il s’agit pour nous de déterminer le niveau de pénétration des aides en entreprise, de dresser des profils d’entreprises utilisatrices et l’impact des aides sur leurs chiffres d’affaires et sur leur organisation ». Les résultats devraient être connus en septembre.

Dans certaines régions, le PRIE oblige les acteurs à réaménager leurs systèmes de soutien financier. « D’abord, il convient que le dispositif respecte la réglementation européenne en la matière. Ensuite, il faut qu’il corresponde bien aux objectifs du PRIE », souligne Alban Marché, directeur Industrie, services et développement international à la Région Centre. De façon concrète, dans le Centre, les acteurs régionaux devraient décider d’accorder une bonification de + 10 % aux entreprises appartenant aux filières, consacrées comme des priorités dans le PRIE, par rapport aux autres. À savoir dans le vin, les produits gourmets, l’aéronautique, les dispositifs médicaux, les produits de décoration, l’art de vivre, l’eau.

D’autres régions ont défini dans leur PRIE des plans d’actions par filière. C’est le cas en Poitou-Charentes où douze filières ont été identifiées : agroalimentaire, bois-bâtiment, chimie, transport, aéronautique, nautisme, textile et textile chaussant, emballage, numérique, tourisme, artisanat.

Une tendance nouvelle émerge nettement : encourager à la fois l’export et l’investissement direct étranger sur les territoires régionaux. À cet égard, favoriser les implantations internationales figure parmi les priorités en Poitou-Charentes. C’est d’ailleurs la CCI de la Vienne qui fut en 1990 à l’origine de la convention d’affaires Futurallia, qui permet de réunir 800 entreprises pendant deux jours en France, au Canada, en Belgique, en Pologne, au Qatar ou encore aux États-Unis. Non seulement une convention de partenariat a été signée avec l’Agence française pour les investissements internationaux (Afii), mais un chèque d’accompagnement d’un montant de 5 000 euros est proposé aux entreprises désirant se relocaliser sur le territoire. L’instance de coordination des partenaires du PRIE, présidée par la Région, s’appelle, d’ailleurs, Agence régionale de l’internationalisation des entreprises, de l’exportation et de la relocalisation des activités.

Dans les Pays de la Loire, où le PRIE était concentré sur la coordination des partenaires, les dispositifs d’accompagnement et d’aides régionales, l’appui aux filières va juste commencer. Mais, avec le même souci qu’en Poitou-Charentes, de jouer sur les deux tableaux : l’export et l’investissement étranger. « Nous avons maintenant décidé de commencer un travail d’attractivité, de marketing territorial de pair avec l’internationalisation des entreprises », confie Armelle Rebuffet. Le volet attractivité touchera plus particulièrement des secteurs et produits avancés : biotechnologies, aéronautique, ferroviaire, matériaux composites, énergies renouvelables, notamment marines. Mais aussi le lait, bien que l’agroalimentaire dans son ensemble soit plutôt concerné par le volet soutien à l’export.

Les deux volets, attractivité et soutien à l’internationalisation des entreprises régionales, pourront encore tous deux être ouverts ensemble pour favoriser le développement de l’économie numérique en Pays de la Loire. « Des comités de filières se sont réunis ou vont se réunir en juillet », précise Armelle Rebuffet. En septembre, une assemblée du Hub international permettra ensuite de faire le point.

François Pargny

 

 

Soutiens financiers en Poitou-Charentes et en Limousin

« En Poitou-Charentes, qu’il s’agisse d’un soutien individuel ou collectif, l’aide apportée dans le cadre du Contrat d’accompagnement à la stratégie internationale (Casi) à une entreprise ne dépasse pas 50 %. De même, le recrutement d’un volontaire international en entreprise (V.I.E) est couvert à hauteur de 50 % de l’indemnité perçue par le V.I.E », détaille Laurent Bournoville, coordinateur et animateur du réseau régional CCI International. En ce qui concerne le Limousin, le premier maillon du dispositif d’accompagnement est l’identification et la validation du potentiel à l’international avec Valid Export, un produit acheté à la CCI de Grenoble, permettant de dresser des diagnostics avec une approche très personnalisée. Second maillon, les actions collectives, sectorielles ou intersectorielles, par exemple des participations à des salons, qui font l’objet de concertations entre la Région, CCI International et d’autres partenaires (pôles de compétitivité, clusters, Chambres des métiers, organisations professionnelles…).
Une fois validées, ces actions bénéficient d’un financement de 50 % de la Région. « Et comme nous avons constaté que les sociétés peinaient à transformer les prospects en clients, rapporte Marc Faillet, alors nous avons prévu une nouvelle action quasi gratuite. Il s’agit d’une offre de suivi des contacts établis lors d’un salon ou d’une mission de prospection par Ubifrance, financée à hauteur de 80 % par la Région, 20 % restant à la charge de l’entreprise. à cet outil, peut encore s’ajouter la prise en charge d’une partie des frais fixes d’un agent commercial à l’étranger, bénéficiant d’un contrat personnalisé, la première année ».

 

Le PRIE des pays de la Loire : un guide pratique pour des objectifs ambitieux

Le PRIE des Pays de la Loire se présente comme un vrai guide pratique de l’international dans la région, du diagnostic économique à la définition des mécanismes de soutiens en passant par l’énoncée des orientations stratégiques.
Dans le premier chapitre « État des lieux du commerce extérieur », les acteurs régionaux constatent que les résultats sont « décevants », la « troisième région industrielle » française affichant un solde commercial déficitaire, malgré « de nombreux atouts à faire valoir : aéronautique, ferroviaire, industries agroalimentaires, mécanique/métallurgie, numérique, végétal, etc. ». Les freins sont « la nature du tissu entrepreneurial ligérien » – nombre de sous-traitants dans des industries traditionnelles et de PME à capitaux familiaux, une activité finalement concentrée dans un faible volume de sociétés – et « le manque de structuration des démarches export », à peine 60 % des exportateurs disposent d’outils de communication en anglais et moins de la moitié un salarié dédié à l’export, activité qui demeure une démarche « opportuniste ».
Dans le deuxième chapitre, « la stratégie régionale au service des objectifs ambitieux », des objectifs chiffrés sont mentionnés : « sensibiliser 1 200 entreprises à la démarche export », « détecter et accompagner 500 entreprises nouvellement exportatrices », « augmenter de 40 % le nombre de VIE cofinancés par la Région », etc. Mais surtout, le troisième chapitre est consacré au dispositif régional d’accompagnement des entreprises », avec une première partie réservée à « la coordination des partenaires de l’internationalisation » et une deuxième aux « aides régionales ». Dans la partie « coordination » le rôle des différents partenaires est repris, de la Région, qui est le pilote du PRIE, à CCI International qui met « en œuvre les dispositifs du Conseil régional » via le parcours de l’export proposé aux entreprises, appelé Pack Export, en passant par Ubifrance, les pôles de compétitivité ou les clusters. Ces différents partenaires travaillent au sein des Hub International. Le nouvel acteur, comme dans toutes les régions, est la banque publique d’investissement Bpifrance, avec son label Bprifrance Export, qui réunit Coface et un Chargé d’affaire international (CAI) d’Ubifrance.

 

CAI d’Ubifrance, CCI international : « équilibre fragile »

L’arrivée des chargés d’affaires internationaux d’Ubifrance (CAI) chez Bpifrance, chargés de proposer des programmes d’accompagnement sur mesure et dans la durée aux PME de croissance et ETI, a été diversement accueilli selon les Régions, en particulier dans le réseau consulaire. Le principe même du CAI suscite le scepticisme, certes avec plus ou moins de vigueur selon les cas, car ces nouveaux représentants de l’agence publique – qui s’ajoutent aux délégués régionaux d’Ubifrance – sont parfois perçus comme faisant « doublon » avec les conseillers de CCI International. La preuve, affirme ainsi Armelle Rebuffet, « nous avons constaté que 80 % des entreprises que le CAI a contactées étaient des sociétés que nous avions déjà en portefeuille ». Les entreprises innovantes, à fort potentiel de croissance qu’il cible « ce sont celles qui ont les moyens de payer des prestations et pas forcément des ETI », observe la directrice de CCI International. Armelle Rebuffet reconnaît, toutefois, que le rapprochement réalisé avec Bpifrance a permis d’aplanir la situation. Mais, pour elle, « foncièrement, l’ambiguïté n’est pas levée » et, alerte-t-elle encore, « l’équilibre est fragile ».

François Pargny

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