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Dossier Shanghai 2016 : Shanghai se voit en ville verte

Aménagement du territoire, rénovation urbaine, environnement, un triptyque incontournable pour la mégalopole chinoise. D’où la volonté des autorités municipales de développer parallèlement espaces verts et transports publics. Les fenêtres sont grandes ouvertes, y compris pour les PME. Ce qui n’empêche pas une certaine prudence.

 

Dans les bureaux d’Anken Air, à Shanghai, de gros tuyaux blancs donnent une allure industrielle au plafond. « Nous filtrons les particules PM 2,5(1) avant de souffler l’air dans les bureaux. L’atmosphère peut y être jusqu’à dix fois plus propre que dehors », explique Alexandra Chu, architecte australienne, co-fondatrice d’Anken Group. Cette société réhabilite des bâtiments industriels à Shanghai pour en faire des bureaux et des espaces de travail partagés depuis plus de dix ans. « Avec des moyens limités, nous essayons de faire au mieux en privilégiant le recyclage, la réutilisation de l’eau de pluie, le partage des ressources… Nous avons aussi des fermes urbaines sur le toit de certains de bâtiments », égrène la dirigeante.

Pour que l’air pur ne soit pas qu’une promesse, Anken Group a fait appel aux services de Gams, une start-up cofondée par le Français Stefan Berder. « Nous mesurons la qualité de l’air avec des capteurs et les données sont gérées par la plate-forme d’analyse que nous avons développée. À l’avenir, nous voulons étendre les mesures à l’ozone, le son, la lumière ou encore l’énergie, explique l’entrepreneur. La majorité de nos clients est à Shanghai, car le marché y est plus mûr. D’ailleurs, de plus en plus d’entreprises locales s’intéressent à notre offre. »

Au-delà l’intérêt des Shanghaiens (ou plutôt de leur inquiétude) concernant la qualité de l’air, la durabilité a le vent en poupe dans cette métropole de classe mondiale. Il s’agit même d’une priorité politique. Le projet de plan d’urbanisme 2016-2040, rendu public en août, comporte deux mesures phares qui vont fortement contraindre les développements futurs. La population sera limitée à 25 millions de personnes d’ici à 2020 (pour 24,3 millions fin 2014) et les terres allouées à la construction ne dépasseront pas 3 200 km2 (pour 3 124 km2 déjà construits fin 2014). « La rénovation urbaine va devenir un relais de croissance, soulignait Irène Wang, à la tête des activités de conseil de CBRE en Chine orientale, dans un communiqué du 22 août.

L’optimisation de l’usage des terres, le recul des zones industrielles et la proportion croissante d’espaces verts et d’équipements publics seront les grandes tendances du développement futur de Shanghai. » Les espaces verts devraient ainsi passer de 7 à 15 m2 par habitant et 3 000 km de rails sont prévus pour le métro, les trains et des tramways. La qualité de l’air, n’est pas oubliée, avec un but de 20 PM 2,5 contre une moyenne de 53 en 2015.

Anken Group espère déjà profiter des effets concrets de ces orientations. « Nous montons un dossier pour labelliser les réalisations d’Anken Air. L’ouverture de tels dispositifs à des programmes de rénovation est très récente », souligne Alexandra Chu. Saint-Gobain, Schneider Electric, Legrand, Veolia, Vinci, Suez… La liste des entreprises françaises qui pourront trouver des opportunités dans le cadre de cette nouvelle politique urbaine est longue. Une filiale de Suez commence ainsi deux petits chantiers de dépollution des sols de site industriels dans le quartier de Taopu. Saint-Gobain, qui a contribué à plusieurs chantiers emblématiques, dont Disney est le dernier en date, a même une équipe dédiée au bâtiment durable dans son centre de R&D de Shanghai.

L’exemple de Stefan Berder montre aussi qu’il n’y a pas besoin d’être un géant pour tenter l’aventure. Gams a été lancé il y a deux ans, emploie déjà sept personnes, et vise l’équilibre au deuxième semestre 2017. « Nous avions presque atteint l’équilibre au premier trimestre 2016, mais nous avons préféré investir pour assurer la croissance », précise le dirigeant. Attention, toutefois, à ne pas oublier les précautions de rigueur quand l’on travaille en Chine. « Il faut être particulièrement prudent avec les projets publics de type éco-cité ou éco-quartier. Certains ne tiennent pas compte de la réalité du marché. Il faut aussi bien gérer l’expertise que l’on est prêt à partager ou pas », conseille également David Maurizot, directeur général d’Advention Business Partners en Chine.

Plusieurs projets d’éco quartiers ambitieux ont été annoncés et lancés ces dernières années (Dongtan, nouvelle ville de Lingang…), mais aucun projet d’ensemble n’est pour l’instant devenu emblématique. À une moindre échelle, Shanghai a tout de même de belles réalisations à promouvoir. Avec ses 632 m de haut, la Shanghai Tower, conçue par le cabinet d’architectes Gensler, et récemment achevée, est équipée de 270 turbines qui génèrent l’énergie nécessaire à l’éclairage de la façade. Un couloir à vent a par ailleurs permis d’alléger la structure de cette tour délicatement torsadée, pour ne citer que ces deux exemples.

Dans un registre moins design, le parc pétrochimique de Shanghai, le plus grand d’Asie, a fait des choix novateurs dès sa conception à la fin des années 90. « Nous y exploitons, depuis 2006, une unité de traitement des déchets dangereux. Dès le départ, les exigences en termes de sécurité et de rejets ont été très strictes, du même niveau que ce que l’on avait en Europe, alors que c’était loin d’être le cas partout dans le pays », témoigne François Jenny, directeur des activités d’incinération de Suez en Chine et Conseiller du commerce extérieur de la France (CCEF). L’installation, qui vient de doubler ses capacités (de 60 000 à 120 000 tonnes), sert aussi d’école aux fonctionnaires chinois. « Depuis 2014, nous formons chaque année deux classes d’une vingtaine de contrôleurs du bureau de protection de l’environnement sur cinq jours à la demande des autorités », explique François Jenny.

À Shanghai, l’évolution viendra aussi des habitants, ultra-connectés et très ouverts à la nouveauté. Avec la limitation de la population, ils devraient aussi être de plus en plus riches et éduqués, en ligne avec la restructuration de l’activité économique, et donc de plus en plus exigeants. « Ils seront demandeurs d’améliorations structurelles », prévoit Irène Wang. Une ville « innovante, humaine et respectueuse de l’environnement » : c’est ainsi que Zhuang Shaoqin, directeur de la planification urbaine de Shanghai, résumait les ambitions de la mégalopole dans les colonnes du Shanghai Daily en septembre dernier.

Grâce à leur dimension environnementale, mais aussi pour leur capacité à faire émerger des communautés créatives, les réalisations d’Anken Group ont déjà gagné l’estime de nombreuses organisations, dont les autorités locales de Shanghai. Ces dernières sont bien conscientes qu’innovation et ville durable iront de pair.

Marine Digabel

(1) PM2.5 : particules dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres

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