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Dossier Sénégal 2015 : les ambitions régionales d’un pays visant à l’émergence

Le pays de la teranga (bienvenue) possède une position géographique sur la côte Atlantique lui permettant de jouer un rôle de hub dans la région. C’est pourquoi le Plan Sénégal émergent (PSE) prévoit de doter le territoire de toute une série d’infrastructures de transport. 

 

Plutôt pauvre en ressources naturelles (phosphates), le Sénégal doit compter sur sa position géographique stratégique dans la région pour parvenir à son objectif : devenir un pays émergent à l’horizon 2035. « Le port de Dakar est idéalement placé pour profiter de l’hinterland et montrer qu’elle est la porte d’entrée la plus dynamique de l’ouest francophone », soulève Pierre Besson, économiste régional à l’ambassade de France à Dakar. L’économie de cette zone croît rapidement (+ 6,5 % en 2012, + 5,4 % en 2013, + 6,4 % en 2014) et les perspectives y sont encore favorables pour les prochaines années.

Toutefois, force est de remarquer que les contentieux entre l’État et le concessionnaire du port Dubai Port World (DPW) et les ambitions des opérateurs internationaux n’ont pas facilité jusqu’à présent la montée en gamme du port autonome de Dakar (Pad). Aujourd’hui, les lignes de démarcation semblent fixées. Abdou Diouf, le directeur des terminaux vraquiers du Sénégal (TVS), indiquait récemment que le terminal vraquier confié récemment à Necotrans serait « le plus moderne d’Afrique de l’Ouest ». De son côté, Bolloré, concessionnaire du terminal roulier, a annoncé son intention de desservir les pays limitrophes pour l’importation de véhicules.

Les trois quarts du trafic de conteneurs malien transitent par le Pad, ce qui aiguise aujourd’hui l’appétit du port concurrent d’Abidjan. En matière de distance et du coût du fret, la capitale sénégalaise l’emporte sur la capitale économique ivoirienne. D’où l’impatience des autorités portuaires à l’endroit de DPW, auquel est reproché d’accumuler les retards sur son cahier des charges.

Pour parvenir à vaincre, le Sénégal doit aussi compter sur un réseau ferroviaire performant et étendu. Or, la réhabilitation de la ligne Dakar-Bamako, pourtant essentielle, n’est pas pour demain. Et la crise est profonde. Entre Goudiry et Kidira, la vitesse des trains ne dépasse pas les 20 kilomètres à l’heure. Rien n’est encore fixé dans le marbre, mais probablement des travaux et les financements seront réalisés par la Chine. Côté malien, un mémorandum d’entente, portant sur la remise à niveau de la portion malienne de la liaison interrégionale, a été conclu entre l’État et la China Railways Construction Corporation (CRCC). De façon précise, indique un spécialiste, « on en est à la phase de sécurisation des financements pour les études de faisabilité ».

Par ailleurs, le Sénégal s’est doté d’un secrétariat d’État au Réseau ferroviaire et le titulaire du portefeuille, Abdou Ndéné Sall, a clairement indiqué la volonté du gouvernement de négocier la reprise de la concession de l’axe Dakar-Bamako, ce qui passe par le départ de l’actionnaire majoritaire, Abbas Jaber, de la société concessionnaire Transrail. Le terrain serait alors libre pour que l’entreprise de chemin de fer soit confiée à un autre opérateur, vraisemblablement CRCC.

Selon le ministre, cette voie doit également favoriser des régions enclavées au sud et au nord du pays et acheminer le produit des mines (1er encadré) dans les deux pays (fer de Falémé, bauxite et fer de Falea, phosphates de Matam…). Abdou Ndéné Sall a également cité comme prioritaire la modernisation de la ligne entre les villes de Dakar et Thiès, distantes de 70 kilomètres. Autre projet ferroviaire majeur, le train express régional (TER) entre la capitale et le futur aéroport international Blaise Diagne (AIBD) à l’est à Diass (50 kilomètres), pour lequel le français Systra a obtenu le contrat d’assistance à maîtrise d’ouvrage. Prévue pour juillet 2015, l’ouverture de l’aéroport, même s’il n’y a pas eu de report officiel, semble plutôt attendue pour 2016, compte tenu des retards accumulés dans le chantier. À ce jour, près de 80 % des travaux seraient réalisés.

En fait, le projet a cinq ans de retard. Les raisons sont multiples : nécessité de recaser les populations, lenteur des décaissements des banques, grogne des sous-traitants et des salariés, organisation des travaux avec le groupe de construction saoudien Ben Laden, recherche du gestionnaire de l’aéroport (l’allemand Fraport), etc. Maintenant difficile d’imaginer dans un grand pays touristique attaché à son pavillon national un grand ouvrage international sans une compagnie aérienne nationale performante. Or, Sénégal Airlines « a besoin d’une remise à niveau », souligne pudiquement un spécialiste du secteur. En fait, la dette est importante et « le Fonds monétaire international (FMI) est réticent à ce que le gouvernement sauve une entreprise privée », précise-t-il.

Pour atteindre l’émergence en 2035, le Sénégal du président Macky Sall a concocté le Plan Sénégal émergent (PSE), document épais de 180 pages fixant une feuille de route avec ses priorités, comme l’autosuffisance alimentaire et le développement des infrastructures, et une liste d’objectifs et de projets concrets, comme la culture du riz le long du fleuve Sénégal ou la constitution de corridors autoroutiers. À cet égard, le plus emblématique est sans conteste l’autoroute à péage entre Dakar et Diass (42 km), un PPP (partenariat privé-public) conclu avec Eiffage. Le premier tronçon entre la capitale et Diamniadio est terminé, alors que le concessionnaire français a signé pour la deuxième phase entre Diamniadio et l’aéroport international à Diass il y a un an.

Mitoyenne de l’aéroport, une zone économique spéciale intégrée (ZESI) doit être aménagée sur une superficie globale de 770 hectares (ha), dont 52 ha dans la phase prioritaire. « Le but est clairement d’attirer des entreprises chinoises désirant exporter dans la région et hors du continent et donc de faire du Sénégal en Afrique de l’Ouest ce qu’est l’Éthiopie pour l’Afrique de l’Est », explique Pierre Besson. Selon l’économiste au Service économique régional (SER) à Dakar, l’aménagement de la plateforme industrielle intégrée de Diamniadio « a été contractualisé, sous forme de mémorandum, avec le groupe chinois CGC Overseas Construction (CGCOC) ». Ce parc devrait voir le jour au second semestre, alors que des industriels locaux et internationaux dans le textile et l’emballage auraient déjà affiché leur intérêt pour ce site. C’est également sur financement chinois que la China Road & Bridge Corporation construira l’autoroute à péage longue de 115 kilomètres entre Thiès et la ville religieuse de Touba.

Après Dakar, il s’agit de la région la plus peuplée du Sénégal. Macky Sall a posé en janvier la première pierre de ce chantier, qui doit être achevé dans quatre ans. Les opposants au projet ont notamment fait valoir qu’une voie de contournement de la Gambie pour désenclaver le sud serait plus judicieuse. Le projet de pont sur le fleuve du même nom et donc la traversée de ce pays aux relations toujours difficiles avec le Sénégal est devenu au fil du temps un serpent de mer. Pour désenclaver toujours le sud du Sénégal, mais aussi faciliter les relations avec le Mali, la Gambie et la Guinée-Bissau, un autre projet d’autoroute fait l’objet d’études entre M’Bour-Fatick-Kaolack. Macky Sall, dont l’objectif est la réalisation 50 km d’autoroute par an, a décrété 2015 année des routes. Dans une nation touristique comme le Sénégal, le corridor autoroutier, qui doit relier l’AIBD à M’Bour, constitue un enjeu fondamental. Dans la capitale de Petite-Côte comme dans la ville de Saly Portugal, sont également installés de nombreux commerces et des institutions financières, notamment des banques.

Avant le début de l’épidémie de fièvre Ebola en Afrique de l’Ouest (2e encadré), le Sénégal envisageait de franchir la barre de 1,5 million de touristes en 2016, comptant notamment sur M’Bour, qui accueille la première station balnéaire d’Afrique de l’Ouest. À plusieurs reprises, le chef de l’État a aussi indiqué sa volonté d’y ajouter de nouvelles stations balnéaires à Mobodiène (500 hectares), Joal-Fino (20 ha) et surtout Pointe Sarène (110 ha).

Lors de la réunion des bailleurs de fonds sur l’état d’avancement du PSE, le 22 janvier dernier, le processus d’élaboration du contrat de performance du projet de Pointe Sarène a été rappelé. Conclu en janvier, ce contrat doit déboucher sur une inauguration de la zone touristique le 31 décembre 2016.

François Pargny

Les chiffres clés
Superficie : 197 000 km²
Population : 13,1 millions d’habitants
Croissance économique : 3,5 % en 2013, 4,5 % attendus en 2014
Inflation : 1,4 % en 2013, 0,8 % en 2014
La croissance profiterait du dynamisme de l’industrie et des services et l’inflation de la baisse des cours du pétrole.
Source : Service économique régional

 

Le zircon, « l’or du Sénégal » 

La production de zircon à Niafourang en Casamance serait « imminente », selon Pierre Besson, économiste au Service économique régional à Dakar. La compagnie australo-chinoise Carnégi-Astron voudrait ainsi y exploiter près de 5 millions de tonnes de minerais. De leur côté, le français Eramet et l’australien MDL ont commencé, avec leur joint-venture Grande Côte Opérations (GCO), l’exploitation du zircon de la mine de Diogo, à 150 kilomètres au nord de Dakar. Le coût total du projet est estimé à 650 millions de dollars et les partenaires prévoient d’extraire 85 000 tonnes de zircon et, en parallèle, 575 000 tonnes d’ilménite. Depuis la mise en production fin août, 5 500 tonnes de zircon auraient été exportées.

 

Le tourisme de loisirs à l’arrêt

« Le tourisme est sinistré ». L’aveu de ce patron rencontré à Paris en dit long sur le moral en berne d’une profession frappée de plein fouet après le déclenchement en Afrique de l’Ouest de l’épidémie de fièvre aphteuse… qui n’a pas touché le Sénégal (un seul cas déclaré !). « Mais la réalité est là », indiquait au Moci cet homme d’affaires français vivant dans ce pays. Aujourd’hui, l’activité touristique aurait chuté de 50 à 75 % selon les zones touristiques, sans doute un peu moins à Dakar où le tourisme d’affaires est un peu moins touché. La fin de l’année a été catastrophique pour l’ensemble de cette industrie, bien que le XVe Sommet de la Francophonie, qui s’est déroulé à Dakar du 29 au 30 novembre, ait redonné un peu d’allant au tourisme d’affaires.

 

Macky Sall promet de désenclaver la Casamance

Après avoir créé l’Agence nationale des chemins de fer (Ancf), le président sénégalais a promis, le 19 février, aux habitants de Casamance la construction d’un chemin de fer entre Dakar et Ziguinchor, les capitales nationale et régionale, pour un montant de 500 millions de dollars. La ligne ferroviaire passerait par Tambacounda, une zone minière à l’est du pays. En visite dans cette région du sud-ouest, longtemps en proie à une rébellion séparatiste, Macky Sall a fait coup double en annonçant des investissements touchant à des secteurs vitaux de la Casamance : le tourisme – la Casamance est qualifiée de « zone prioritaire nationale d’intérêt touristique » – l’agriculture – un complexe frigorifique d’une capacité de 2 000 tonnes pour le conditionnement et la conservation des fruits et des produits de la pêche va être construit à Ziguinchor – et donc le transport. En l’occurrence, le Fonds coréen de coopération pour le développement économique de la Korean-Eximbank va financer, à hauteur de 48 millions de dollars, l’acquisition de deux navires et la construction des infrastructures portuaires de Ndakhonga à Foundiougne, disposant d’une gare maritime moderne équipée, dont les travaux seront achevés le 31 mars.

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