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Dossier Iran 2015 : le retour de la France dans un grand pays déjà courtisé

Si les sanctions internationales sont levées au premier trimestre 2016, il faudra être prêt. Car la concurrence s’annonce rude. Asiatique, mais aussi européenne. Les délégations commerciales déferlent en Iran, grand marché de 80 millions d’habitants. Intégration locale, transfert de technologie, partenariat seront les maîtres mots pour remporter de bonnes affaires.

 

Annoncé à Paris du 16 au 18 novembre, le président iranien Hassan Rohani a dû renoncer à sa visite en France après les attentats qui ont ensanglanté la capitale française le 13 novembre. On avait dit l’Iran fâché avec la France, on avait même parlé de Fabius Bashing, parce que le ministre des Affaires étrangères et du développement international aurait adopté une position dure sur le dossier nucléaire jusqu’à l’accord du 14 juillet. La venue du chef de l’État iranien aurait sans doute balayé toutes les craintes des observateurs économiques et surtout des milieux d’affaires. La visite officielle du président de la République islamique aurait aussi revêtu une valeur symbolique à un peu plus d’un mois de la remise du rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) qui devra indiquer si oui ou non Téhéran a respecté ses engagements en matière nucléaire. Du diagnostic de l’AIEA, dépendra alors la levée progressive courant du premier semestre 2016 des sanctions internationales, qui sont de trois types : européennes, américaines et des Nations-Unies.

Hassan Rohani était attendu à Paris à un moment particulier pour l’économie de son pays. « La croissance est molle et les tendances de la consommation ne sont pas très bonnes, parce que les ménages ont adopté une position d’attente en matière d’achat », selon Thierry Joulin, président de la section Iran des conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), qui a accordé une interview exclusive au Moci (lire page 18). La population iranienne – 80 millions de personnes – a sans doute cru un peu rapidement à un boom économique, après la signature de l’accord du 14 juillet, et attendu jusqu’à aujourd’hui une baisse des prix qui n’est toujours pas venue.

Si l’agroalimentaire souffre, c’est le cas aussi d’autres industries, comme l’automobile, de l’immobilier ou encore du secteur bancaire. C’est dire à quel point il est important pour le régime iranien que reparte l’économie. De sources officielles françaises, on estime à deux points de croissance la première année et 7 à 8 % dans les 18 mois le profit que l’ancienne Perse pourrait tirer de l’accord. Ce dernier pourrait aussi générer une hausse de 400 % du commerce avec l’Union européenne d’ici à 2018.

Pour les entreprises françaises, la ruée vers Téhéran ou Machhad, deuxième ville du pays où on rêve d’accueillir un TGV, est liée, en grande partie, au réamorçage des financements publics et à la réouverture de la Coface sur le pays, qui devraient intervenir parallèlement à la fin des sanctions. Une reprise d’autant plus souhaitée que les grandes banques françaises, qui ont des intérêts aux Etats-Unis, ont peur de s’engager dans un pays sous sanction américaine. Les groupes français, sensibles au marché outre-Atlantique, demandent l’autorisation de l’Office of Foreign Assets Control (Ofac), le bureau du Trésor à Washington en charge du contrôle de la mise en conformité avec les sanctions.

En revanche, les banques de l’Hexagone, même quand la direction générale du Trésor à Paris l’autorise, évitent encore aujourd’hui de prendre un quelconque risque. Résultat : d’abord, les concurrents allemands ou italiens en profitent, car dans leurs pays elles peuvent faire appel à des banques régionales qui ne sont pas exposées aux Etats-Unis ; ensuite, les entreprises françaises doivent s’adresser à des banques de pays tiers, notamment allemandes et italiennes.

Fin novembre 2013, Téhéran avait accepté de conclure un accord intérimaire sur le démantèlement nucléaire, l’autorisant, en contrepartie notamment, à exporter de l’or, des métaux précieux, des produits chimiques, à acquérir des biens pour des raisons humanitaires (dans la pharmacie, l’alimentation humaine ou le matériel médical de base) auprès d’entreprises listées, comme Sanofi, et à débloquer d’autres fonds pouvant « servir à tout type de commerce licite vers l’Iran ». En particulier, Téhéran peut librement exporter du brut, en respectant des quotas, dans six pays : Inde, Japon, Corée du Sud, Chine, Turquie, Taïwan.

« Le principe est que les ventes sont payées en monnaie locale à près de 100 % et les sommes dégagées placées sous séquestre dans les Banques centrales de ces pays. Les montants en jeu peuvent être très importants, compte tenu de la capacité d’exportation de l’Iran. Certains de mes clients sont ainsi passés par la Chine et, dans ce cas, c’est la filiale chinoise de l’entreprise française qui signe le contrat, lequel doit cependant inclure une part locale dont le pourcentage reste largement négociable  », explique Jean Talmon, associé de Map International, cabinet spécialisé dans les montages financiers de projets d’infrastructures.

Pour que les entreprises françaises regagnent le terrain perdu pendant les sanctions et gagnent de nouvelles parts de marché, trois conditions doivent être réunies, remarque Romain Keraval, le tout nouveau directeur de l’agence Business France à Téhéran : d’abord, « rétablir les circuits financiers », et, selon lui, « l’Etat français est très proactif » et « le rôle de la Coface sera déterminant » ; ensuite, « faire de l’intégration locale », car « les Iraniens veulent des projets à long terme et du transfert de technologie » ; et, enfin, trouver un partenaire local de qualité ».

La partie s’annonce rude, car certains pays n’ayant pas imposé de sanctions ont pris une avance considérable, à l’instar de la Chine. Y compris dans des secteurs d’excellence de l’Hexagone, comme l’agroalimentaire. Dans la santé, Medef International a reçu le ministre iranien Hassan Hachemi, le 15 octobre. Après avoir organisé deux grosses missions d’entreprises en Iran en 2014 et en septembre 2015 (avec 120 sociétés, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll et le secrétaire d’Etat au Commerce extérieur Matthias Fekl), l’organisation d’employeurs a décidé de développer une approche sectorielle. Une stratégie qui, dans la santé, va l’amener à piloter une mission d’entreprises dans ce pays du 7 au 9 décembre.

Si le rapport de l’AIEA est positif, non seulement les sanctions seront levées, mais Téhéran récupérera une partie de ses avoirs gelés à l’extérieur, dont le montant est estimé entre 110 et 130 milliards de dollars. Lors de la mission de Medef International en septembre, un homme d’affaires français confiait au Moci son optimisme. « Cela pourrait repartir plus vite qu’on l’imagine, mais il y a tant de projets qu’on s’y perd ». Routes, trains, aéroports… Coupés de l’Occident depuis la Révolution islamique (1979), les Iraniens ont encore du mal à définir leurs priorités. Mais il semblerait aussi que des marchés de gré à gré soient envisageables. C’est en tous les cas ce qu’on laissait entendre à la mairie de Machhad pendant le séjour des Français.

« Ce qui est certain, c’est que tout le monde se prépare », rapportait Florian de Saint Vincent, coordinateur pour l’Afrique, le Proche et Moyen-Orient à l’Association pour le développement des échanges internationaux de produits et techniques agroalimentaires (Adepta), qui était du voyage de Medef International. Au cours du premier trimestre, 200 entreprises ont pris le chemin de Téhéran, représentant douze pays : Suisse, Allemagne, Autriche, Afrique du Sud, Chine, Turquie, Russie, Azerbaïdjan, Kazakhstan, Arménie, Liban, Irak. Après avoir organisé dans ses locaux un atelier sur l’approche du marché iranien pendant la visite du président Rohani, la CCI Paris Ile-de-France annonce, à son tour, la préparation d’une mission d’entreprises en mars prochain, en partenariat avec toute une série de partenaires : Business France, CCEF, Chambre de commerce d’Iran, Chambre de commerce franco-iranienne, Fédération du prêt-à-porter féminin.

Chacun a, en  outre, en tête que si l’Iran est redevenu incontournable dans la région, il pourrait aussi regagner vite la place de plateforme régionale qu’il occupait autrefois. Téhéran a annoncé sa volonté d’y parvenir. Le ministre de l’Industrie, des mines et du commerce, Mohammad-Reza Nematzadeh, a ainsi invité les investisseurs étrangers à s’implanter sur place pour produire et exporter dans la zone.

François Pargny

Chiffres clés

Superficie : 1 648 000 km² (30 provinces).
Population : 78,3 millions d’habitants (en juin 2015), dont 55 % de moins de 30 ans.
Taux d’urbanisation : 70 % (en 2013).
Taux d’accroissement démographique : 1,22 % en 2014
Taux d’alphabétisation : 93 % pour les Iraniens de 19 à 40 ans (en 2013). 10,5 millions de diplômés, dont 60 % de femmes.
Monnaie : le rial (1 euro = env. 37 000 rials en juin 2015).
Produit intérieur brut (PIB) : 406,3 milliards de dollars en 2014/2015 contre 366,1 milliards de dollars en 2013/2014.
Évolution du PIB : + 3 % (en 2014/2015).
PIB/habitant : 5 211 dollars en 2014/2015 (est.) contre 4 748 dollars en 2013/2014.
Taux d’inflation : 15,8 % en 2014/2015 (est.) contre 35,2 % en 2013/2014.
Taux de chômage : 11,6 % (en 2014/2015) selon les sources iraniennes, mais estimé à près de 30 % par le FMI.
Production pétrolière : 2,52 millions de barils par jour (en 2013/2014).
Exportations pétrolières : 1,3 million de barils par jour (en 2012/2013).
Balance courante : 3,28 milliards de dollars (en 2013/2014).
Dette externe/PIB : 2,1 % (en 2013/2014).
Part des principaux secteurs d’activités dans le PIB : agriculture 11,3 % ; industrie 37,6 % ; services 51 %.

Source : rapport d’information en date du 7 octobre 2015 du groupe de travail au Sénat sur « l’Iran : le renouveau d’une puissance régionale ? »

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