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Dossier Afrique de l’Ouest 2017 : un grand marché à petits pas

À l’instar de la Côte d’Ivoire, l’Afrique de l’Ouest affiche une belle santé, poussée par des investissements publics notables, notamment dans les infrastructures de transport et l’électricité. Preuve de l’émergence de la zone, le modèle des partenariats public-privé (PPP) s’y impose.

 

On reproche souvent aux PME françaises d’ignorer l’Afrique de l’Est. Sans doute à raison. Pour autant, négliger l’Afrique de l’Ouest qu’elles connaissent mieux pour des raisons historiques serait une faute. S’il en fallait des preuves, la Chine y investit dans tous les domaines (matières premières agricoles, pétrolières…), même si sa priorité à terme est la côte orientale d’où elle peut « rebondir » par voie maritime vers l’Europe dans le cadre de son initiative de la Route de la soie.

Et que dire du Maroc qui trouve un relais naturel d’expansion à l’ouest. Ses liens avec le Sénégal sont anciens et connus, Mohammed VI se trouvait également au début du mois en Côte d’Ivoire. Ce n’est pas un hasard. Ces deux États en pointe dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), dont ils sont membres avec six autres nations (voir chiffres clés) partageant une monnaie commune, le franc CFA, sont parmi les plus performants du continent, selon la Banque mondiale. En Côte d’Ivoire (35 % du produit intérieur brut de l’Uemoa), l’institution internationale prévoit ainsi une croissance économique de 8 % en 2017.

En Afrique de l’Ouest, l’économie devrait gagner 6,8 % cette année, d’après l’Uemoa, contre 6,6 % en 2015. Le 1er mars, la Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) a annoncé qu’elle tablait sur une progression du produit intérieur brut (PIB) réel de l’Uemoa de 7,0 % en 2017. Comme au Sénégal (voir article pages suivantes), l’activité en Côte d’Ivoire est soutenue par de grands investissements publics et privés et par un climat d’affaires domestique amélioré. Ainsi, à Abidjan ou au départ de la capitale, on peut citer la construction du pont Henry Konan Bédié et d’une autoroute, ou les investissements du producteur d’électricité indépendant Ciprel. Le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que le PIB du pays augmentera en moyenne de 7,4 % entre 2017 et 2020.

Parmi les grands projets prévus à Abidjan d’ici 2020 : au Plateau, qui est le centre d’affaires, la bibliothèque de la Renaissance africaine (14 étages), les tours Actis du groupe marocain Palmeraie, le projet Vinci (trois tours, dont un hôtel 5 étoiles) ; un peu plus au sud de la commune, la réalisation du premier hôtel Hilton et la rénovation de la tour Bicici (Banque internationale pour le commerce et l’industrie de la Côte d’Ivoire, filiale de BNP Paribas). On peut encore mentionner le prolongement du Boulevard de France, la construction du pont de Yopougon, l’échangeur de l’Amitié ivoiro-japonaise, une nouvelle ville dénommée Aérocitée, érigée à proximité de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny et le stade olympique d’Ebimpé (60 000 places). Des ambitions fortes pour une capitale économique de 4,7 millions d’habitants, la plus grande en Afrique de l’Ouest après Lagos (Nigeria), que les autorités veulent transformer en Manhattan de l’Afrique.

Dans le domaine énergétique, le barrage de Soubré, construit par la Chine, devrait être opérationnel fin mars. La Côte d’Ivoire, qui livre déjà de l’électricité au Ghana, au Togo, au Bénin, au Burkina Faso et au Mali, pourrait également fournir de l’électricité à la Sierra Leone, au Liberia et à la Guinée. En matière d’infrastructures, l’électricité est un domaine phare d’investissement. Et pas seulement au Sénégal et en Côte d’Ivoire, mais dans toute l’Uemoa.

« C’est le cas par exemple au Burkina Faso où sont lancées la construction d’importantes unités thermiques à l’est de Ouagadougou et de plusieurs unités solaires à Kédougou, Kodeny et Pâ, dont certaines seront opérationnelles avant fin 2017 ; c’est également vrai au Bénin où une centrale thermique de 400 MW (mégawatts) devrait être édifiée en plusieurs tranches successives à Maria Gbéta », observe sur son blog l’économiste Paul Derreumaux, cofondateur et président d’honneur de Bank of Africa (BOA), dans une interview exclusive au Moci.

L’énergie solaire a le vent en poupe. Au Burkina Faso, un partenariat public-privé (PPP) entre la Société nationale burkinabè d’électricité (Sonabel) et le canadien Windiga porte sur la construction d’une centrale solaire à l’ouest d’Ouagadougou. Il s’agit du premier PPP du pays dans les énergies renouvelables. « Ce type de production n’est pas une mode, c’est une question de fonds, car fin 2015, le Burkina disposait d’une puissance nominale installée de 325 MW (10 % hydraulique et 90 % thermique), qui se révélait très insuffisante pour couvrir les besoins du pays et répondre notamment aux attentes des investisseurs potentiels », explique Michel Dhé, le chef du Service économique pour le Burkina Faso et le Niger, basé à Ouagadougou.

Dans le Plan national de développement économique et social (PNDES 2016-2020), présenté lors de la Conférence des partenaires du Burkina Faso pour son financement, à Paris, les 7 et 8 décembre 2016, plusieurs projets de génération électrique ont été présentés, généralement à financer en PPP. Si dans l’Uemoa, les prêts aux États demeurent le mode de financement privilégié, avec un plus large éventail de bailleurs (fonds arabes, Chine, Boad…), le PPP semble ainsi prendre progressivement racine.

Une telle floraison de PPP a poussé l’Uemoa à intervenir, en nouant récemment une coopération avec l’Agence française de développement (AFD). « Certains pays, comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, ont réglementé avec des directives dans ce domaine. Toutefois, il est apparu nécessaire d’harmoniser les pratiques dans la zone, ce qui explique le projet que nous coordonnons pour arriver à un texte commun à tous prenant en compte l’existence des différents modes existants, le PPP à l’anglaise et la concession française », expose Pascal Grangereau, chargé des Financements aux organismes internationaux à l’AFD. Le projet est piloté par Expertise France, la Banque mondiale dresse l’état des lieux.

François Pargny

Chiffres clés

Superficie *:
– Uemoa (8 États) : 3 506 126 km2
– Bénin 112 622 km²
– Burkina Faso 274 222 km²
– Côte d’Ivoire 322 462 km²
– Guinée-Bissau 36 125 km²
– Mali 1 240 198 km²
– Niger 1 267 000 km
– Sénégal 196 712 km²
– Togo 56 785 km²

Population*:
– Uemoa : 112 millions d’habitants.
– Bénin 10,6 millions
– Burkina Faso 18,5 millions
– Côte d’Ivoire 23,2 millions
– Guinée-Bissau 1,8 million
– Mali 18 millions
– Niger 18,5 millions
– Sénégal 14,3 millions
– Togo 7,1 millions

Croissance économique **:
6,6 % en 2015, 6,8 % en 2016, 7,3 % attendus en 2017
Taux d’exportation au 3e trimestre 2016 **: 18,1 % (Guinée Bissau : 40 % ; Burkina Faso : 28 % ; Côte d’Ivoire : 23 % ; Sénégal, 22 %…)
Taux de couverture des importations par les exportations en 2015 : 76,1 %

Exportations de biens : 13 776,3 milliards de FCFA, soit + 12,3 % sur 2014 (cacao, or, produits pétroliers, coton, anacarde) ;
– Les quatre premiers exportateurs : Côte d’Ivoire, 56,2 % ; Mali, 13,6 % ; Sénégal, 11,4 % ; Burkina Faso, 9,5 %.
– Les deux principaux débouchés : Europe, 47,1 %, dont 30,7 % dans l’Union Européenne, et Afrique 24,8 % (produits chimiques, pétroliers et or)
– Les trois premiers clients : Suisse, 12,3 %, Allemagne 7,6 % et France 6,5 %

Importations de biens : 15 381,6 milliards de FCFA, soit + 8,7 % sur 2014 (équipement, produits intermédiaires et de consommation
– Le principal fournisseur : Union européenne, avec 40,9 %, dont France 15,3 % à elle seule

Sources : Rapport sur le commerce extérieur de l’UEMOA en 2015 – BCEAO, sauf * Site de l’Uemoa – **Note de conjoncture économique régionale au troisième trimestre 2016 – Uemoa (janvier 2017)

Rail : le projet de boucle ouest-africaine est à l’arrêt

Porté dans les années 90 par le Français Michel Bosio, relayé par l’ancien Premier ministre Michel Rocard, le projet de boucle ferroviaire ouest-africaine semblait promis à Vincent Bolloré jusqu’à ce que les conflits juridiques le mettent à l’arrêt. Au point que l’homme d’affaires breton, qui avait pris en retard le train de ce vieux projet colonial, jetterait l’éponge, d’après certaines rumeurs, au profit d’un groupe chinois. Quoi qu’il en soit, personne ne conteste l’intérêt d’un projet d’intégration régionale, qui générerait des bénéfices économiques importants. D’une longueur de 3 000 kilomètres, il s’agirait de relier les cités portuaires d’Abidjan (Côte d’Ivoire) et de Cotonou (Bénin), via Ouagadougou (Burkina Faso) et Niamey (Niger). Soit un investissement supérieur à 2,5 milliards d’euros.

Comme l’explique un grand connaisseur de l’Afrique, « pour transporter des matériaux pondéreux, du matériel, des carburants, des animaux vivants, des matières premières, bois, blé, coton, il faut des chemins de fer ». En outre, selon lui, le rail a une « force d’attraction incroyable », puisque « l’on sait que, dans un rayon de 20 kilomètres, on peut créer des activités de transformation, en investissant dans des branchements ferroviaires, et développer une économie tout autour, avec des hôtels ou la formation d’une classe moyenne dans de nouveaux villages ».

S’agissant de la boucle ferroviaire, on peut citer notamment la mine de fer de Say-Kolo, à 40 kilomètres (km) au sud de Niamey, contenant aussi d’autres minerais (manganèse, phosphate…), qui avait attiré l’attention de Michel Rocard, ou encore le gisement de manganèse de Tambao, à 350 kms au nord d’Ouagadougou. Si l’ancien Premier ministre avait mis Vincent Bolloré dans la boucle, c’est que l’homme d’affaires français gère de longue date la concession ferroviaire entre Abidjan et Ouagadougou. À l’époque, les voies entre la capitale économique ivoirienne et Kaya, au nord de Ouagadougou, étaient à réhabiliter, de même que la liaison entre Parakou et Cotonou. Et donc entre Kaya-Parakou, il s’agissait de construire les voies. Depuis, le groupe Bolloré a réalisé la liaison Niamey-Dosso, au sud de la capitale nigérienne, sur 140 kilomètres.
« Le projet, aujourd’hui à l’arrêt, est particulièrement sensible et politique et les contentieux juridiques se sont accumulés », insiste un expert régional, sous couvert de l’anonymat. Avant l’engagement de Bolloré, des concessions auraient été bouclées au Niger sans que le Bénin soit associé et toutes les normes techniques n’auraient pas été respectées. De même, toutes les procédures en PPP (partenariat public-privé) avec Bolloré n’auraient pas été conformes et, cerise sur le gâteau, le groupe français se trouverait aussi au centre d’une bataille juridique pour l’exploitation de la mine de Tambao.

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